Jeunes agriculteurs de Saône-et-Loire
Ensemble, on est toujours plus fort !

Lors de leur assemblée générale autour du mot d’ordre fédérateur "Plus fort ensemble", les JA de Saône-et-Loire ont tenu à délivrer un message d’optimisme. En faisant témoigner les acteurs de plusieurs démarches exemplaires, les Jeunes ont réalisé un véritable plaidoyer en faveur des dynamiques collectives, principales alternatives à leurs yeux pour s’en sortir aujourd’hui.
133605--discours.JPG
Vendredi dernier, les Jeunes agriculteurs de Saône-et-Loire étaient réunis en assemblée générale à Blanzy. Après un début de matinée en huis-clos, la séance se poursuivait en public avec une table ronde sur le thème “Plus fort ensemble”. Loin des ambiances électriques des AG passées, les JA avaient concocté cette année une réunion pleine de maturité, rondement menée, avec un thème appelant à une remise en question quasi philosophique, en forme de mot d’ordre syndical. Car s’ils aiment habituellement bien brocarder les générations précédentes, ils ont cette fois fait montre d’un grand sens des responsabilités en déplorant –tout comme leurs aînés– la dérive individualiste de la société. Fidèles aux fondamentaux du syndicalisme, les JA ont fait l’apologie de « la défense d’une cause commune » avec cette évidence que « le collectif est toujours plus fort », synthétisait leur nouveau président, Joffrey Beaudot.

Engraissement collectif


Et pour argumenter leur démonstration, les Jeunes avaient convoqué quatre exemples de dynamiques collectives mises en place avec succès. Parmi celles-ci, la Ferme de Saint-Martial-le-Vieux (23), projet connu aussi sous le nom d'Alliance Millevaches, représenté par Gilbert Mazot. Cet éleveur de limousines est venu parler de l’atelier d’engraissement collectif mis en place avec cinquante de ses collègues sur le plateau de Millevaches. Un projet dont rêverait n’importe quel producteur de broutards dépendant de l’Italie, qu’une poignée d’éleveurs de ce département est parvenue à mettre sur pied, contre vents et marée… (lire encadré). Une remarquable initiative pour des exploitations allaitantes montagnardes confrontées depuis 2009 à la FCO, aux aléas de l’export et à l’érosion inexorable des cours… Aujourd’hui, la SAS Alliance Millevaches exploite un bâtiment de six cents places d’engraissement recevant un millier d’animaux par an. Ces bovins sont produits en contrat avec l’abatteur SVA suivant une rémunération intégrant le coût du maigre et des aliments, indiquait Gilbert Mazot. La démarche « valait le coup », confie l’éleveur qui cite la garantie du débouché à moins d’une heure de route des fermes actionnaires, mais aussi l’émulation générée avec cette possibilité nouvelle de comparer les performances entre troupeaux. Ce centre d’engraissement collectif a aussi permis aux éleveurs d’accéder à un approvisionnement en matières premières à des courts attractifs et laisse augurer demain la possibilité de valoriser aussi des femelles, témoignait Gilbert Mazeau.

Projet de territoire


A ses côtés, Joël Maltaverne a présenté le GIEE de l’Autunois-Morvan, dont il est le président, GIEE qui implique douze éleveurs désireux « de trouver des pistes pour que leurs exploitations soient viables, vivables et transmissibles ». Comme leurs collègues du plateau de Millevaches, ces éleveurs de l’Autunois-Morvan ont eu la volonté de trouver des solutions face aux aléas climatiques, à l’instabilité des prix, à la rupture avec les consommateurs… Comme dans le Limousin, ils se sont fédérés et ont accepté de nouer des partenariats avec les collectivités locales pour la recherche d’idées communes. Aujourd’hui, les actions du GIEE portent sur une meilleure valorisation technique de l’herbe (pâturage tournant, cultures fourragères, engraissement à l’herbe…). Au menu également, les circuits courts avec un projet de route thématique… et l’objectif de rassurer le consommateur en faisant valoir l’atout « vraiment naturel de nos productions », explique Joël Maltaverne. Avec les collectivités locales, le GIEE explore également des voies pour la valorisation des fumiers de ferme avec les déchets urbains…

Distribution de l’alimentation en commun


Mieux connue du monde agricole, la démarche Cuma, bien qu’ancienne, continue d’évoluer pour s’adapter aux besoins des exploitants. A l’image de la Cuma de Sommant qui, née il y a une quarantaine d’années avec l’essor de l’ensilage, a vu en son sein éclore des groupes de travail d’un nouveau genre. Ce fut le cas en 2008 lorsque quatre éleveurs allaitants décidaient d’investir dans une mélangeuse distributrice automotrice en commun. Ils sont aujourd’hui six à avoir fait le choix de déléguer l’alimentation de leurs animaux à leur Cuma. Pilotée par un salarié, la machine emprunte chaque jour un circuit desservant les six fermes. Les rations de chaque élevage sont mémorisées dans l’ordinateur de bord de la dessileuse. « Les temps de travaux sont enregistrés au fur et à mesure et la facturation mutualise les temps de déplacement et le carburant », expliquait le président de la Cuma Gérard Robert.
Vice-président national des JA et céréalier dans l’Aube, Baptiste Gatouillat témoignait quant à lui de son expérience d’entraide en Cuma pour la récolte estivale. Dans une région où la moisson représente le plus important chantier de l’année, le jeune agriculteur et sept de ses collègues sont parvenus à mutualiser leurs chantiers d’été. Ils y ont gagné en souplesse de travail et en performance, témoignait-il. Comme son collègue saône-et-loirien Gérard Robert, outre l’impact économique et les gains en confort technique, Baptiste Gatouillat évoquait les bénéfices en termes de qualité de vie et de vie de famille.

« Il faut se parler… »


Pour toutes ces initiatives, il faut avant tout « une envie de travailler ensemble, des objectifs, des règles précises et que chacun trouve sa place », mettait en garde Gérard Robert. « On a chacun ses habitudes de travail. Ce n’est pas toujours facile de déléguer certaines tâches », ajoutait-il et de poursuivre : « il faut se parler ; anticiper les problèmes ». Dans l’Aube, le groupe de Baptiste Gatouillat s’est ainsi doté d'un règlement intérieur. « Les temps de travaux en entraide sont rigoureusement comptabilisés et si l’un des membres a de l’avance sur les autres, alors il est contraint de se mettre en stand-by, même en pleine moisson », confiait le jeune. La démarche collective suppose aussi d’accepter de consacrer des heures à la discussion. « Accepter d’y perdre un peu de temps », reconnaissait le président du GIEE de l’Autunois.

« Nouvelles organisations économiques… »


Réagissant à ce tour de table encourageant, Christian Decerle, président de la chambre d’agriculture, saluait les réflexions alors qu'« une partie de la réponse aux difficultés économiques se trouvera désormais dans des solutions venant de nous-mêmes ». Le représentant du Conseil départemental, Frédéric Brochot, évoquait quant à lui les Services de remplacement, autre outil collectif que le Département soutient. Saluant ces exemples de « nouvelles organisations économiques, de nouvelles solidarité… », le sénateur Jérôme Durain appelait de ses vœux un « pacte avec l’ensemble de la société » garantissant aux agriculteurs un « revenu décent ». Le parlementaire estimait par ailleurs que « sans agriculteur, il n’y a pas de vie et que pour nourrir 7 milliards d’habitants, les espaces naturels travaillés par les agriculteurs sont précieux ».
Partageant sans ambiguïté la thématique choisie par les JA 71, Jérémy Decerle, président national, incitait les jeunes à « s’emparer » de telles initiatives, comme autant de « manière de capter de la valeur ajoutée où l’on remet l’Homme au cœur du sujet » avec « l’attractivité économique des territoires » en ligne de mire.
Au-delà de se doter « de moyens de production plus performants », le fait d’être ensemble, c’est aussi être « plus fort pour défendre les agriculteurs », mettait en exergue Joffrey Beaudot qui, pour conclure, dénonçait « des prix à la production toujours plus bas, des normes toujours plus contraignantes, les collectifs de marginaux qui cherchent à détruire, le nouveau zonage défavorisé ou encore une communication qui, à l’heure de la 4G et du Wifi, n’a jamais été aussi floue avec la Pac ! ».



Alliance Millevaches (23)
Plus forts pour se défendre contre les attaques


Dans cet éloge des initiatives collectives, le revers vécu par les porteurs du centre d’engraissement de Saint-Martial-le-Vieux faisait un peu l’effet d’une douche froide. En effet, comme souvent, pour une fois qu’un projet porteur d’espoir pointe à l’horizon, voilà que, sortis de nulle part, des opposants hystériques viennent torpiller une alternative crédible à l’export incertain de maigre et cela au risque de déprise agricole d’un territoire défavorisé. C’est bien ce qu’ont vécu les associés de la SAS Alliance Millevaches, lesquels croyaient pourtant bien faire en optant pour une relocalisation de la production, une revalorisation des produits et un approvisionnement en viande national. Reste que c’était sans compter sur l’activisme mortifère de quelques associations obscurantistes. « C’est très compliqué », confiait avec beaucoup d’émotion Gilbert Mazeau, lui-même « chargé de communication de la ferme ». Visiblement éprouvé par la dureté et le vice des opposants - un incendie volontaire a tout de même détruit l’un des bâtiments du centre - l’éleveur regrettait que « la génération précédente n’ait pas suffisamment communiqué ». Il déplorait aussi le traitement discutable des médias nationaux, en particulier la télévision, aux retombées « catastrophiques ». Ayant eu le triste privilège d’affronter ces associations et au regard des moyens dont ils disposent, Gilbert Mazeau s’interrogeait sur la nature de leurs financements. Organisations qui, selon lui, ne visent que « la suppression pure et simple de l’élevage ».