Section bovine
D'abord le prix

Publié par Cédric Michelin
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Vingt-cinq éleveurs bourguignons se sont relayés la semaine dernière pour bloquer l'abattoir Bigard en Côte d'Or.
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Le mot d’ordre venait de la FNB. Les sections bovines étaient invitées à mener des actions « coup de poing » en abattoirs devant un niveau de prix payé aux éleveurs qui n’assure pas la rentabilité des exploitations. La Bourgogne s'est mobilisée mercredi 6 mai à 23 heures jusqu'au lendemain midi en bloquant l'activité de l'abattoir Bigard de Venarey-Les Laumes. « Les prix sont inférieurs aux coûts de production, il manque en moyenne au moins 60 centimes par kg de carcasse sur les différentes catégories de bovins finis pour restaurer une situation économique saine pour les producteurs » indiquait Michel Joly, président de la FRB de Bourgogne. Dominique Guyon, président de la commission "Bovins viande" de la FDSEA de Côte d'Or, relevait aussi le « ras-le-bol des producteurs face à la pression incessante à la baisse des prix sur l’ensemble des catégories ». L'indicateur de coût de revient du jeune bovin allaitant (source Idele) donne 4,32 euros par kg carcasse, bien loin des cotations des JB allaitants à environ 3,80 euros entrée abattoir, soit 3,65 euros départ ferme. La vache allaitante R est actuellement cotée 3,70 euros par kg carcasse entrée-abattoir, rien à voir avec les 4,50 euros il y a deux ans. « Une revalorisation des prix payés aux éleveurs est impérative pour rétablir la rentabilité des exploitations » poursuit Dominique Guyon, précisant que cette pression syndicale allait continuer ces prochains jours « afin d'obtenir une rencontre à très brève échéance avec les abatteurs, les grandes surfaces, le ministère de l'agriculture et bien sûr la FNB »

« Les cotations ne sont plus le reflet de la réalité »



Depuis trois semaines, les représentants de la FNB au sein des commissions de cotations refusent de valider les cotations et demandent d'en suspendre la publication. Cédric Mandin, secrétaire général adjoint de la FNB, président de la section engraissement de la FNB explique la situation. Interview.

Quelles sont les raisons de ce mouvement ?
Cédric Mandin :
Depuis plusieurs mois, nos représentants dans les Commissions de Cotations constatent qu’il n’y a plus de relation entre la situation générale du marché et les prix exprimés par le réseau des cotations. Le rapport de l’offre et de la demande n’est plus traduit dans les prix. Quand, par exemple, la demande est dynamique et l’offre contenue, on devrait enregistrer une hausse des prix et ce n’est plus le cas. Par ailleurs cette perception est confirmée par des opérateurs d’aval qui expriment le même constat : les cotations ne sont plus le reflet exact du marché.

Mais ce n’est pas la suspension de la publication des cotations qui réglera le problème ?
C.M. : Nous n’avons à notre disposition aucun moyen d’investigation. Notre action vise à faire prendre conscience aux pouvoirs publics qu’il y a quelque chose qui ne tourne plus rond dans le monde des cotations. Le rôle de la puissance publique ne peut se limiter à la collecte des informations prix et à la publication des cotations. Il faut avoir un regard critique sur les résultats obtenus. La chaîne informatique fonctionne correctement, ce n’est pas là la sujet. Il faut travailler d’une part sur la qualité des données collectées, et d’autre part sur les mécanismes de formation du prix.

Et vous, vous avez des explications ?
C.M. : Nous avons saisi le ministre de l'agriculture qui s’est engagé lundi dernier à diligenter une enquête sur le sujet. Au-delà des plus-values filières, il est évoqué par exemple la pratique des compléments de prix qui ne sont pas intégrés aux prix collectés par le réseau des cotations. C’est à expertiser car ce sujet est régulièrement cité. Et si c’est le cas, il faut évaluer l’impact de cette pratique sur les cotations et y remédier le plus rapidement possible. On évoque également la déconnexion opérée entre les cotations et les prix d’achat des GMS. La cotation n’est plus la référence pour ces dernières. En effet, il se confirme que la demande s’oriente de plus en plus vers du catégoriel (du muscle) dont le prix est fixé par appel d’offre. Mais cela n’explique pas toutefois le différentiel perçu entre prix pratiqué et cotations ! Les pouvoirs publics doivent se mobiliser rapidement et être efficaces.

Qu’attendez-vous à court terme ?
C.M. : Notre slogan c’est « d’abord le prix » car c’est le seul moyen de préserver notre potentiel de production par une rémunération correcte du travail et des capitaux investis. Ce doit être gagnant pour tous les maillons de la filière, sinon on obère l’avenir.





L'acte de détresse d'un éleveur



Un producteur de viande bovine du département de l'Orne, Thierry Thomas a engagé une grève de la faim le 5mai devant l'abattoir Gacé du Groupe Bigard. Cet engraisseur de jeunes bovins exprime par ce geste désespéré sa détresse face à la détérioration de la situation économique de son exploitation, avec un prix non rémunérateur payé par les abatteurs. Le secrétaire général de la FNB, Pierre Vaugarny s'est rendu sur place pour lui exprimer le soutien de la fédération, et souligner que la FNB mettra tout en œuvre pour trouver des solutions à très brève échéance. La FDSEA de l'Orne a organisé une présence et un appui permanent aux côtés de cet éleveur, pour le soutenir, veiller à sa situation et agir pour qu’il ne se mette pas en danger. La FNB avait informé le ministre de l'agriculture lors de son entretien du 4 mai de ce geste de désespoir, révélateur de la crise économique profonde dans la production bovin-viande. Depuis plus d’un an, la FNB alerte avec force l'aval de la filière et les pouvoirs publics d’un état de crise qui impose des réactions sans délai. « Notre action à Venarey est aussi une sorte de soutien à cet éleveur » commente le Côte d'orien, Dominique Guyon.