ODG Crémants de Bourgogne
Relancer les ventes

Publié par Cédric Michelin
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Le 2 juillet à Beaune, l’Union des producteurs et élaborateurs de crémants de Bourgogne (UPECB) tenait son assemblée générale estivale « moins institutionnelle ». Alors que les ventes marquent le pas en volumes écoulés cette année (-10 %) mais pas en valeur (+5%), de nouveaux disponibles (35 millions de bouteilles) vont arriver sur les marchés prochainement. L’occasion donc d’ouvrir les « débats », notamment sur les futurs "premium" et "super premium" voulus par l’ODG. Le tout afin de « relancer » les ventes.
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2015 sera quoiqu’il en soit une « année charnière » pour les crémants de Bourgogne. C’est ainsi que le président de l’UPECB, Edouard Cassanet, débutait l’AG ménageant le suspens s’il s’agissait du volet économique ou des 40 ans de l’appellation. Les deux.
Place tout d’abord aux marchés. « Nous avons doublé nos ventes en dix ans. Mais ces deux dernières années, un ralentissement significatif se connaît. Nous avons "perdu" 2 millions de cols (-10 %) sur les marchés. On savait qu’on avait des limites, notamment en terme de disponibles sur une région telle que la Bourgogne. Les plantations dans le beaujolais nous ont aidé à franchir des caps », rappelait-il. Pour définir une stratégie à suivre, un séminaire de "réflexions" avait eu lieu en juillet 2013. Si l’UPECB s’inscrivait dans le souhait interprofessionnel du BIVB de monter en gamme, sa toute première préoccupation restait alors la « sécurisation » de ses approvisionnements (voir encadré).

Un record de production en 2014



Chose faite avec la valorisation des vins de base. Le délégué général de l’UPECB, Pierre du Couëdic, donnait alors les chiffres tant attendus de la récolte 2014. Après le « record » de 2.500 ha engagés en 2013, 2014 est descendu à 2.291 ha mais avec un rendement supérieur (71 hl/ha de moyenne). Du coup, le record en volume est atteint (170.000 hl ; équivalent à 17 millions de cols). La réserve (10.661 hl) a aussi été « débloquée » pour la première fois depuis sa mise en place en 2008 (78 hl/ha de rendement autorisé + 12 hl/ha de réserve).

Un quart de la production dans le Rhône



La Saône-et-Loire reste le premier département producteur (42%). 22% pour la Côte d’Or et 12 % pour l’Yonne. Le département du Rhône représente 24 %. L’UPECB estime que le beaujolais représentera même 28 % des surfaces totales de l’AOC en 2015. Ce qui explique la nouvelle répartition par cépage. Depuis deux ans, le chardonnay (39 % en 2014) est passé devant le pinot noir (34 %). Le cépage gamay varie peu (17 %) du fait de la limite fixé à 20 % par bouteille. Enfin, l’aligoté reste à 9 %.

Un disponible à écouler



Si la récolte est en croissance, les ventes ont elles fléchi depuis deux ans. Elles affichaient -5% sur les douze derniers mois (données à fin mars 2015). Avec le contrôle systématique sur tous les lots, l’UPECB voyait avant un « flux tendu ». Aussitôt mis en bouteilles, aussitôt vendus. Ce qui n’est plus le cas. Les transactions n’ont cependant pas baissé, loin de là avec 115.000 hl fin mai. Un « record » là aussi prouvant partout le besoin de refaire des stocks. Des stocks estimés à 35 millions de bouteilles (viticulture + négoce ; vracs + bouteilles), soit l’équivalent de deux ans de sorties moyennes. Une situation « plus confortable mais sans plus » car non disponible à la vente, relativisaient Pierre du Couëdic. Le « grand changement » vient donc du récent disponible. « Ce sera intéressant de voir comment va évoluer le marché ? On a enfin des capacités à solliciter nos réseaux de ventes », positivait Edouard Cassanet.

Relancer les ventes



Mais, la concurrence ne va pas se laisser faire. Vice-président de l’UPECB, Philippe Chautard (Maison Picamelot à Rully) constate en effet des « difficultés » à écouler les crémants d’entrée de gamme. Même analyse du côté de la Maison Veuve Ambal. Aurélien Piffaut rajoutait que « les clients nous ont remplacé ». Prosecco (Italie) et Cava (Espagne) ont en effet gagné des parts de marché. Ex-président de l’UPECB, Georges Legrand (Maison Boisset) invitait chacun à « relancer » le démarchage des clients.
Pour la partie collective, l’UPECB va donc continuer ses « efforts sur la mise en place du plan stratégique sur la segmentation de l’offre » commune (voir encadré). 38 % du budget de l’ODG est consacré à la communication. Une communication renforcée cette année avec les 40 ans de l’appellation et les 200 ans de "bulles" en Bourgogne. Et bien d’autres « surprises » d’ici la fin de l’année…




Où en sont les crémants "premium" ?



« On n’a jamais été aussi près », répondait Marjorie Brayer (cave de Lugny). La présidente de la commission communication de l’UPECB détaillait les objectifs des futurs "premium" et "super premium". « L’ambition est de monter en gamme et de donner plus de lisibilité ». L’UPECB travaille donc à « structurer l’offre », définir la « stratégie de marque collective » avant de passer à la « communication pure ». Si tout n’est pas arrêté, les cahiers des charges sont déjà bien balisés. Un vieillissement sur lattes minimum de 18 mois pour les "premium" et de 36 mois pour les "super premium" sont actés. Pour ces derniers, seuls les cépages pinot noir et chardonnay seront autorisés. Le gamay pour les cuvées rosés exclusivement. L’UPECB enverra prochainement un courrier papier récapitulatif.
La dénomination sera déposée « sous marque commerciale pour ne pas faire d’ombre à l’AOC ». « Facilement assimilable à toutes les étiquettes, y compris pour le logotype », concluait-elle. Après contrôle (Certipaq), l’utilisation sera libre et ouverte aux producteurs.
Un atout de plus pour être reconnu par les clients. En effet, le BIVB a réalisé une enquête de notoriété des appellations de Bourgogne auprès des consommateurs français consommant des vins à plus de 5 €/col. 55 % disent connaître les crémants de Bourgogne, loin derrière ceux d’Alsace (79%). Ceux de la Loire (46%) « nous talonnent » en terme de taux de conversion (achat dans les 12 derniers mois) : 10 % contre 12 % pour les crémants de Bourgognes.
« On a un déficit d’image. On a du travail. La segmentation par le haut peut être intéressante », concluait Edouard Cassanet.




Qui gagne et qui perd des « bulles » ?



Les flux mondiaux de vins effervescents continuent leur « impressionnante » évolution (+70 % à l’export en dix ans). Ainsi débutait Philippe Longepierre, responsable du pôle économie et marché du BIVB. Les marchés mondiaux sont toutefois en train de se « stabiliser ». Trois pays producteurs dominent. En tête l’Italie (36 % de part de marché et + 20 % de croissance cumulée sur 12 mois à mars 2015). La France détient comparativement 24 % des parts de marchés mondiaux mais avec une croissance de +4 %. En face, l’Espagne « souffre » également avec ses Cava.
Sur le marché Français, la champagne fait la course en tête (65 % du marché). Les crémants de Bourgogne sont loin derrière avec 2 % du marché français et en chute de 10 points sur l’année. Même évolution pour ceux de la Loire (-10%) et d’Alsace (-3%). En hyper et supermarchés, la Bourgogne a vendu 700.000 cols de moins l’an dernier contrairement au prosecco (+750.000 cols). Côté prix, hors champagne, les crémants de Bourgogne présente la « plus forte » valorisation et les prix ont encore progressé de +5%. Les prosecco - au même prix - profitent de la mode actuelle de l’aperitivo spritz.
C’est donc l’export qui tire le marché. Le pays le plus dynamique reste les Etats-Unis (+13%). La France représente là-bas 28 % des « bulles » exportées. La Suède (+15 % ; 28 %) et le Japon (+2 % ; 35 %) sont des marchés en croissance, à contrario de la Belgique et de l’Allemagne.




Une dégustation « innovante » en vue



L’UPECB prépare « une dégustation (et non pas un concours) innovante. On va aller très loin, c’est du jamais fait », se réjouissait d’avance Edouard Cassanet. Les crémants seront soumis à une triple notation. Marjorie Brayer détaillait. « Chaque cuvée sera dégustée 40 fois ! 1ère étape : dégustation classique seule. 2e étape : jugement de la bouteille. 3e étape : dégustation avec présentation de la bouteille ». Pour ne pas fausser les jugements, aucune indication, ni prix, ne seront dévoilé. En revanche, l’UPECB compte s’en servir pour faire des retours aux producteurs. « C’est important d’avoir ces retours d’informations sur tous les aspects avec des références par catégories de clients. Cela donnera aux producteurs des pistes très intéressantes – packaging ou produit - pour travailler », expliquait Pierre du Couëdic.
AgroSupDijon organisera la dégustation qui devrait compter 300 dégustateurs réunis le 5 décembre prochain à Dijon, dans les anciens locaux « arts déco » de l’usine Amora. L’objectif est aussi de « faire du buzz » avant les fêtes de fin d’année.
Un livre est également en préparation. Une traduction en anglais est prévue pour toucher un maximum de « prescripteurs », notamment aux Etats-Unis. Une version « luxe » est envisagée si suffisamment de producteurs la précommande (100 € environ). Sa sortie est prévue pour septembre (Dunod ; 27 €). La conception de cet ouvrage a aussi permis de retrouver des milliers de documents.



Cinq itinéraires spécifiques à l’étude



L’UPECB aimerait avoir une « régularité des engagements des parcelles », afin d’avoir une meilleure visibilité. Mais, l’idée d’un engagement parcellaire pluriannuel « ne fait pas l’unanimité » (majorité de non) alors que « dans les faits, c’est ce qui se passe », expliquait Edouard Cassanet. En effet, l’ODG a mené une enquête sur les deux dernières campagnes (juillet 2014 à 2015) : 10.200 parcelles contre 10.700, 1.551 producteurs contre 1770, 2.420 ha contre 2291 ha. Si le « morcellement de petites parcelles » est une réalité, 78 % (8.248) des parcelles à vins de base crémant sont les mêmes d’une année sur l’autre.
De la chambre d’Agriculture de l’Yonne, Guillaume Morvan s’est penché sur les conduites des vignes à crémants. Depuis la mise en œuvre de l’affectation parcellaire, 18% des producteurs ont changé leurs pratiques pour un itinéraire spécifique, notamment en Saône-et-Loire et dans le Rhône. Avant, il avait posé la question des atouts par rapport aux vins tranquilles. Les producteurs répondent alors : la quantité, la chance, la qualité, la bonne rémunération…
Son enquête commence à dégager des résultats en terme de matériel végétal utilisé. « Peu de sélection massale, sauf en Saône-et-Loire » dans les parcelles affectées. En chardonnay comme en pinot noir, les clones sont plutôt orientés « cru » et donc « peu productifs » en comparaison des rendements autorisés. Idem côté porte-greffes. Les densités de plantation se situent plutôt entre 7-8.000 pieds/ha. L’apport de fertilisant ne semble pas systématiquement lié. Dernier élément qui tend à prouver un certain effet « d’opportunisme », le pinot noir est le plus ébourgeonné… sauf quand il s’agit d’une parcelle affectée à l’avance.
La chambre d’Agriculture va maintenant poursuivre ses recherches en fonction de 5 itinéraires majoritaires :
- 7.300 pieds/ha en guyot simple à 78hl/ha ;
- 9.900 pieds/ha en guyot simple à 78 hl/ha ;
- 7.700 pieds/ha en arcure à 78 hl/ha ;
- Vigne haute à 5.500 pieds/ha à 74 hl/ha ;
- Vigne haute à 5.000 ceps/ha pour 74hl/ha.
Les volontaires pour l’étude répondant à ces critères sont invités à se manifester. En relation avec ses itinéraires, le BIVB ouvre en effet une enquête sur les coûts de production pour « construire des références en lien avec la réalité du terrain » et pour donner la « possibilité ensuite à chacun de se comparer », concluait Mathilde Fonteneau du BIVB.