Vente des vins des Hospices de Beaune
Les prémices de la campagne vrac ?

Publié par Cédric Michelin
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Du 18 au 21 novembre, lors du week-end des “trois glorieuses” des vins de Bourgogne, la vente aux enchères des vins des Hospices de Beaune constitue l’apogée médiatique. Si les négociants bourguignons continuent de s’y distinguer, l’événement -dirigé par Christie’s et ses luxueux acheteurs du monde entier- ne constitue plus le “baromètre” d’antan pour la campagne vrac annuelle. Des enseignements peuvent toutefois en être tirés…
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Après cinq heures de transactions à la vente annuelle des Hospices de Beaune, le 20 novembre, Christie's -qui organise la vente- a annoncé le second meilleur total de l’histoire des enchères. Organisé au lendemain des terribles attentats terroristes à Paris, le record avait été obtenu en 2015 avec 11,3 millions d’€ en faveur des victimes du Bataclan.
Cette année, la vente a repris son cours normal. 80 % des pièces ont été acquises par les négociants et 20 % par les amateurs (en valeur). Les acheteurs ont été à 77 % des Européens, à 20 % des Asiatiques et à 3 % des Américains. Les 470 pièces de vins rouges et les 126 pièces de blancs totalisent 8.184.216 € (frais inclus). Le montant total des enchères s'élève à 8.399.951 € (frais inclus). Le prix moyen pour une pièce de vin s'est élevé à 13.833 €, contre donc le sommet de 18.880 € l'an dernier, mais 13.658 € en 2014.
« Ce n’est plus le baromètre que cela a pu être à une époque », relativise Jean-Michel Aubinel concernant sa symbolique et la tendance pour la campagne vrac qui devrait bientôt débuter réellement. « Mais encore pour certains crus », nuance le président de la Confédération des appellations et viticulteurs de Bourgogne (CAVB) comme pour souligner qu’il s’agit quand même d’un signal pour tous.

Pas le millésime 2015


La médiatisation du millésime 2016 fut -avec tous ses aléas (gel, grêle, mildiou…)- plus difficile que l’idyllique 2015 qui lui avait et a encore “bonne presse”. « Des acheteurs se sont certainement détournés, ce qui a moins fait monter les enchères », observe directement le vigneron de Prissé. Ludivine Griveau, régisseur du domaine des Hospices de Beaune, a admis avoir du sauver la récolte restante avec des traitements de chimie de synthèse contre le mildiou, abandonnant la possibilité pour le millésime 2016 d’être certifié bio. Heureusement, comme nombre de ses collègues vignerons, « nous sommes très heureux de ces bons résultats enregistrés cette année malgré un printemps assez chaotique, mais largement compensé par une météo favorable en juillet, août et septembre qui a permis de récolter des raisins à parfaite maturité. Je suis convaincue que ce millésime livrera certains crus exceptionnels. Je tiens à remercier particulièrement l’équipe des 23 vignerons et, au-delà, toute l’équipe des Hospices de Beaune », a-t-elle encouragé lors de la dégustation avant vente. Malgré tout, le domaine a réussi à présenter 601 pièces aux enchères, contre 575 en 2015, dont la célèbre “Pièce des présidents”.

Légères hausses


Lors de cette 156e vente, le domaine a proposé 470 pièces de vin rouge et 126 de vin blanc auxquels il faut rajouter la “Pièce des présidents” et les alcools (4 pièces). Après un millésime 2015 « particulièrement exceptionnel », de nombreuses pièces -notamment pour les rouges- ont tout de même atteint ou légèrement dépassé les prix réalisés en 2014.
Bien que les chiffres définitifs des volumes récoltés un peu partout en Bourgogne ne seront définitivement connus que début 2017, après analyses des déclarations de récolte (jusqu’au 10 décembre), l’interprofession estime à 1,25 millions d’hl, soit une baisse de 20 % par rapport à son potentiel de récolte habituel. Loin de la catastrophe annoncée partout après les épisodes de grêle et de gel et même si nombre de viticulteurs et de parcelles ont connu de fortes pertes.
Ainsi, la campagne vrac 2016 s’oriente-t-elle vers de « légères hausses », sauf sur quelques crus et villages de Côte-d’Or ou à Chablis. Des premiers retours font état de feuillettes s’échangeant déjà autour de 1.100 € à Chablis, ce qui s’interroge néanmoins sur ses deux principaux marchés exports qui sont l’Angleterre et les Etats-Unis, après le vote en faveur du Brexit et la volonté de Trump de limiter le libre-échange.
« Cela pourra éventuellement avoir des effets sur les appellations mâcon et bourgogne blanc, mieux positionnés », anticipe Jean-Michel Aubinel. La pièce de vin en AOC mâcon se positionne actuellement autour de 800 à 850 €. Il en va de même pour le bourgogne blanc. Dans l’ensemble, une « stabilité » des cours est à prévoir.



Hommage à Antoine Jacquet


Les négociants ainsi que les amateurs venus du monde entier ont rendu hommage à Antoine Jacquet en respectant une minute de silence avant le début de la vente. Ce dernier a consacré 28 ans de sa vie professionnelle à cet établissement atypique où il a su tant accompagner l’évolution et la modernisation de l’hôpital, que celle de son patrimoine historique et viticole. Le maire de Beaune, Alain Suguenot, était visiblement affecté par ce deuil et n’a alors pas souhaité parler de l’actualité de(s) Cité(s) des vins de Bourgogne, notamment avec son projet d’aménagement à Beaune qui divise la profession.
Depuis 1978, les Hospices de Beaune soutiennent chaque année une ou plusieurs œuvres caritatives en leur versant les profits d’une pièce de vin mise en vente explicitement à cette fin, la “Pièce des présidents”. Depuis le millésime 1945, les ventes des vins sont présidées par un ou des présidents d’honneur. Cette année, ce privilège revenait à Claude Lelouch, réalisateur de films, et Valérie Bonneton, actrice, qui représentaient l’ARC mais aussi Virginie Ledoyen, actrice, et Kathia Buniatishvili, pianiste, au profit de la fondation Cœur et Recherches. Leur mobilisation a soulevé l’enthousiasme des enchérisseurs et la “Pièce des présidents”, une pièce unique de 228 litres de Corton-Bressandes grand cru - cuvée des présidents, a été co-achetée par Jean-Claude Bernard, directeur de l'hôtel Le Cep à Beaune, et Madame Yan Hong Cao, femme d'affaires chinoise, pour 200.000 €.





Vendange finalement supérieure


La vendange 2016 en Bourgogne sera finalement supérieure à celle prévue cet été : elle approcherait le niveau de 1,250 million d'hectolitres, contre 1,1 à 1,2 Mhl annoncés en août, selon le Bureau interprofessionnel du vins de Bourgogne (BIVB). La vendange est 20 % en dessous du potentiel viticole de la Bourgogne, lequel est de 1,560 Mhl en récolte pleine. On notera que le BIVB ne s'exprime plus par rapport à la moyenne quinquennale, car elle a été rognée par plusieurs faibles récoltes consécutives, mais par rapport au “potentiel viticole. Cette petite vendange en quantité « aura un impact sur le disponible en bouteilles d’ici quelques mois », vers mars-avril, les professionnels auront alors vendu une bonne partie de leurs stocks de 2015 et commenceront à commercialiser le millésime 2016. Les conséquences de cette petite récolte « sont déjà perceptibles sur les volumes de transactions du début de la campagne 2016/2017 : - 11,4 % pour les trois premiers mois 2016 (août à octobre) », selon le BIVB.