Franck Dupront
Le conseil en nutrition sans a priori

Picard de naissance, Franck Dupront s’est toujours laissé guider par sa passion de l’élevage. Après avoir exercé durant vingt ans dans des coopératives d’aliment du bétail et s’être doté du diplôme de nutritionniste, il a choisi de se mettre à son compte à Charolles. Rencontre.
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Depuis bientôt deux ans, Franck Dupront exerce à son propre compte le métier de nutritionniste pour ruminants. Avant cela, il avait travaillé pendant vingt ans dans l’alimentation animale au sein de deux coopératives. Une riche expérience qui l’a conduit à devenir « responsable ruminants ». Un poste où il était à la fois « formulateur » et « formateur des forces commerciales », détaille-t-il. Un métier sensible où il s’est aperçu que « dès qu’un problème survenait dans un élevage, on avait tendance à s’en prendre aux responsables aliments ! ». C’est ce qui l’a décidé en 2007 à suivre une formation de nutritionniste à l’école vétérinaire de Toulouse. Un enseignement titanesque, dont beaucoup d’étudiants décrochent, mais dont ce passionné d’élevage est pourtant venu à bout à l’aube de ses quarante ans.

« Nutrition et alimentation de la vache laitière »



Cette nouvelle compétence a été décisive dans la carrière de Franck Dupront. Lui qui aurait aimé devenir vétérinaire, s’est saisi de son nouveau savoir pour tracer sa voie là où il exerçait. C’est ainsi qu’au sein de la coopérative qui l’employait, il s’est spécialisé dans des domaines que les fournisseurs et les distributeurs n’exploraient pas. Vaches laitières, chèvres, moutons… Franck Dupront a, par exemple, travaillé avec l’Upra Mouton Charollais pour l’alimentation des stations d’évaluation raciales. Son secteur courait alors de Gap au Jura en passant par la Loire, la Haute-Loire, l’Ardèche, la Drôme, l’Ain, l’Isère, la Saône-et-Loire, l’Allier, les Savoies, etc… Une aventure exaltante et enrichissante jusqu’au jour où une fusion de coopératives remettait en cause la définition même de son poste. Pour Franck Dupront, le formulateur et le responsable ruminant ne devaient faire qu’un. Or dans sa nouvelle entité, son entreprise avait séparé les deux responsabilités. Deux personnes différentes, d’où des conflits et un manque de connaissance des formules par les commerciaux, estime le technicien. Ce dernier a alors décidé de quitter son employeur pour se mettre à son compte un mois plus tard.

Décrypter les étiquettes



Fort de ses vingt années d’expérience sur un gros quart sud-est de la France, Franck Dupront offre l’avantage d’un conseil en nutrition indépendant. Il ne commercialise pas d’aliment ni de mélangeuse…, fait-il remarquer. « Je suis là pour aider mes clients à faire leur choix entre différentes propositions commerciales », poursuit-il. Le conseil en nutrition se développe aussi avec l’essor de l’utilisation des matières premières (céréales, sous-produits, tourteaux, etc…). Une tendance qui accompagne le retour à la recherche d’autonomie. Dans ce domaine, Franck Dupront évoque une nouvelle technique consistant à enrichir en protéines les céréales auto consommées. Une méthode pleine d’espoir qu’il se dit prêt à développer.

« Beaucoup d’éleveurs se désintéressent de l’alimentation animale parce qu’ils n’y comprennent plus rien tellement les choses deviennent compliquées ! », se désole le technicien. Savoir décrypter les étiquettes n’est pas à la portée de tout le monde, renchérit l’expert. Les guides des bonnes pratiques et autres plans de contrôle auxquels se soumettent les fabricants d’aliments sont pourtant de précieuses garanties quant à la qualité des produits. Mais cela n’empêche pas certaines maladresses. « Il faut toujours regarder le prix par rapport au produit sec », pointe par exemple Franck Dupront à propos des produits humides dont il faut considérer le coût à la matière sèche et non au poids brut ! « Le moins cher est parfois trop cher », poursuit-il, incitant ses clients à ne pas se focaliser seulement sur le prix. Le nutritionniste estime par ailleurs que « beaucoup trop de choses sont conçues plus pour l’éleveur que pour l’animal ». Un constat qui vaut pour les aliments, les minéraux, les méthodes de distribution, le matériel d’élevage…

« Se mettre à la place de l’animal »



« Se mettre à la place de l’animal », telle est l’une des préconisations que le nutritionniste prodigue régulièrement en exploitations. « Car dans 90% des cas, ce n’est pas l’alimentation qui est en cause mais une mauvaise pratique d’élevage », révèle encore Franck Dupront. L’ancien fournisseur d’aliment est bien placé pour savoir qu’avant d’accuser l’aliment, il faut d’abord effectuer toutes les vérifications d’usage dans l’élevage. A commencer par la qualité de l’eau, l’accès aux abreuvoirs, l’accès aux fourrages, etc… « Un animal qui peine à boire ou à manger est un animal qui se porte mal et ne produit pas bien », explique le nutritionniste. Son métier consiste donc avant tout à vérifier que les « normes d’élevage sont respectées ». Des points d’eau défectueux, inadaptés, pas assez nombreux ou mal placés peuvent expliquer de mauvais GMQ. Idem pour un cornadis mal incliné qui va mettre l’animal dans l’inconfort pour se nourrir. Ou encore des râteliers en libre-service d’où les animaux ne peuvent extraire de fourrage ou de paille à volonté. « L’animal est fainéant mais pas bête ! Il doit pouvoir prendre ce qu’il a besoin quand il a envie », indique Franck Dupront. « Quand on dit foin à volonté, c’est à volonté ! », insiste le technicien.

L’observation par un tiers extérieur à l’élevage est un investissement fructueux, argumente l’expert. Ce dernier ajoute même « qu’un bâtiment, ça s’écoute ! ». Toux, courants d’air, bruit d’eau sont autant d’indices révélateurs. Exigeant, Franck Dupront n’hésite pas à rendre visite à ses clients à l’improviste ou à changer ses heures de rendez-vous pour mieux se rendre compte de la réalité des pratiques de l’élevage…

« Ce n’est pas l’ordinateur qui fait les rations ! »



Quant aux rations en elles-mêmes, le nutritionniste les aborde, là encore, de façon atypique. « Ce n’est pas tant de caler la ration qui compte, mais la façon de faire et de voir de l’éleveur », introduit-il. Pas question de ne se fier qu’au résultat du test du tamis ou de s’en remettre à un ordinateur… Le coup d’œil avec le toucher et l’odorat constituent encore l’instrument le plus révélateur estime le nutritionniste. Ce dernier préconise également de toujours retourner voir le silo ; comment il évolue. « Car les années se suivent mais ne se ressemblent pas ». En homme d’expérience, libéré de tout a priori dogmatique, Franck Dupront ne s’enferme pas dans les normes théoriques des manuels scolaires ou des grands instituts. « A l’approche du vêlage, mieux vaut une ration de fin de gestation qui ne respecte pas les normes INRA, mais qui colle plutôt au poids spécifique de l’animal », illustre par exemple le nutritionniste. En d’autre termes, « se mettre un peu plus haut pour que la vache couvre ses besoins jusqu’à 3 à 4 semaines après vêlage ». Ce qui compte, « c’est de bien comprendre ce que l’animal doit faire » à ce stade, explique le technicien. En l’occurrence ici : « produire un colostrum de qualité et assurer le vêlage. Pendant la phase de lactation, la vache doit être apte à produire entre 8 et 10 litres de lait ; pas plus, pas moins ! Là aussi, tout est fonction du poids vif de l’animal ».

Des clients jusqu’en Mayenne ou en Moselle !



« Dans ma clientèle, j’ai de tout ! », confie Franck Dupront qui explique intervenir dans des élevages allant de 30 à 300 vaches. Le tarif est le même pour tout le monde. Tout dépend du temps consacré à l’élevage. Domicilié à Charolles, Franck Dupront intervient dans une grande diversité d’exploitations : laitiers, naisseurs, engraisseurs, petits ruminants… Soucieux de toujours enrichir son expérience, il conserve une clientèle excentrée jusqu’en Mayenne ou en Moselle. Parce que pour ce natif de la Picardie betteravière, l’élevage est une véritable passion et que pour l’assouvir, Franck Dupront continue sans relâche d’explorer de nouveaux horizons pour perfectionner ses connaissances, enrichir ses expériences.