Région Bourgogne Franche Comté
Une gouvernance rapprochée

Publié par Cédric Michelin
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Alors que la crise agricole frappe toutes les grandes productions régionales, Marie-Guite Dufay, présidente du Conseil régional Bourgogne Franche-Comté, nous a accordé une interview, avec sa vice-présidente en charge de l’agriculture, Sophie Fonquernie. Toutes deux reviennent sur l’actualité et sur la politique que la collectivité entend développer à son sujet. Interview.
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Vous êtes venues le 21 septembre à Bresse-sur-Grosne, sur l’exploitation des frères Picard, pour travailler sur des solutions face aux crises agricoles. Qu’en est-il ?
Marie-Guite Dufay : Tout d’abord, face à la souffrance des agriculteurs et des agricultrices, la première chose est de témoigner de la considération des forces publiques pour ces Hommes et ces Femmes qui souffrent. C’est une crise immense. On est même dans une mutation profonde. Je ferai donc tout pour que le modèle de l’agriculture familiale, à dimension humaine, soit préservé en Bourgogne Franche-Comté.
Pour cela, il faut choisir les bons leviers. Sophie Fonquernie et moi allons sur le terrain, à la rencontre des organisations syndicales, des Départements, de l’Etat… Il faut travailler tous ensemble. D’un point de vue administratif, les Chambres et les Régions ont du s’unir entre nos deux régions. Ce n’est pas la situation la plus simple mais malgré tout, il faut aller de l’avant. Avec la chambre d’Agriculture régionale, je souhaite une gouvernance encore plus rapprochée pour être dans une réactivité réciproque.

Sophie Fonquernie : Il y a aussi à travailler sur le Feader. Des difficultés restent à résorber avec les services de l’Etat. La région a la compétence économique. Nous avons débuté les réunions en juillet pour rentrer en concertation avec tous les acteurs. D’autres sont prévues cet automne pour construire ce plan stratégique régional pour le développement agricole. Il verra le jour mi-2017.

Que peut faire la Région sur ces questions urgentes de trésorerie ?
M-G.D. : Nous ne sommes pas sur les mesures conjoncturelles, d’aides à la trésorerie, qui est le propre de l’Etat et des organismes sociaux, tels que la MSA. Mais compte tenu de la violence de la chute des trésoreries, nous ne sommes pas fermés à intervenir. Mais, avant, les organisations agricoles doivent m’amener le résultat des négociations avec les banques. Ces dernières viennent de démarrer avec les éléments du dernier Plan de soutien de l’Etat, il y a quelques jours. Nous sommes néanmoins en train d’étendre le système de garantie Siagi, existant en Bourgogne mais pas en Franche-Comté, qui permet d’intervenir auprès des petits commerces, de l’artisanat mais aussi de l’agriculture. C’est un système de garantie pour restructurer une partie des dettes des agriculteurs, sur les besoins en fonds de roulement.

S.F. : Le fait aussi de mettre tout le monde autour d’une table au sein d’une filière en juillet ne s’était jamais vraiment produit. C’est le petit coup de pouce de la Région pour trouver des débouchés supplémentaires à l’export ou de proximité, en passant par le marché européen. Mais également pour mieux partager la valeur ajoutée. Car c’est loin d’être le cas actuellement partout. On l’a vu avec l’audit de la filière porc en Franche-Comté. Si les transformateurs voulaient continuer d’avoir des volumes et de la qualité, il fallait qu’ils communiquent avec les producteurs pour pouvoir abonder leurs marchés. Maintenant, dans le cas de la filière bovine, on a plutôt des marchés engorgés. Il y a un travail à faire de différenciation des produits. Car, c’est quand même incroyable que ces charolais - élevés à l’herbe - soient vendus comme du steak haché. Le politique peut amener les acteurs à se mettre en synergie sur la qualité. Les professionnels aussi comme le prouve la démarche Cœur de gamme avec la distribution.

Pouvez-vous nous expliquer ces audits de filière justement ?
M-G.D. : C’est sur ce niveau structurel que l’on doit être au rendez-vous. Ces audits sont très attendus par la profession. Ce sont des sociétés extérieures, sur appel d’offres, qui seront mandatées. On a besoin de savoir qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui telle filière est mal organisée ? L’intérêt de l’audit est d’objectiver les difficultés. Avec ces audits de filières (céréales, viandes, lait standard…), le Conseil régional accompagnera ensuite les acteurs, pour avoir des filières en synergie. A l’export ou en matière de recherche et innovation.

Comptez vous aussi vous servir du levier de la commande publique ?
M-G.D. : La région va pousser très fortement la commande publique pour les productions locales. C’est vrai que jusque-là, tout le monde en parle mais ça avance lentement. C’est un sujet compliqué parce qu’il faut gérer en parallèle la demande mais aussi l’offre.
La Région aura un rôle de chef d’orchestre avec le rectorat. Nous avons recruté un Monsieur Achat qui travaillera avec les intendants des lycées, dépendants de l’Académie, pour qu’ils s’organisent et se constituent un groupement public d’achat, pour l’ouvrir ensuite aux collèges, aux écoles primaires et aux établissements sanitaires. Les restaurants engagés dans l’alimentation de proximité font le constat que cela ne coûte pas plus cher au final. Si, pendant la mise en place, cela doit coûter un peu plus cher alors la Région fera ce qu’il faut.
Dans le même temps, ce Monsieur Achat va travailler avec le service Economie qui lui va travailler avec les producteurs. Ces derniers doivent s’organiser en terme d’emballage, de normes, de logistique… Il faut que les deux marchent ensemble : la commande accélérée et la réponse dans les bons termes. Cela va nécessiter aussi des investissements, des légumeries notamment un peu partout mais c’est notre rôle de pousser. Je souhaite qu’à la rentrée 2017, nous ayons des signes tangibles.

S.F. : Nous avons eu des réunions avec les Départements en juillet qui ont fait ressortir l’importance de l’alimentation de proximité, la promotion du produit…

Avec la loi NOTRe, qui a la main ?
M-G.D. : Le maître mot est la coopération entre Région et Départements, sinon on ratera le développement de nos territoires et on aura, demain, la responsabilité partagée si on n’avance pas.
La loi dit que moyennant un conventionnement, les départements peuvent continuer à être "sur le pont" de l’agriculture. Nous avons déjà signé 5 conventions (Côte-d’Or ; Haute-Saône ; Saône-et-Loire ; Yonne et Territoire de Belfort) et tous vont signer. Nous avons convenu avec eux qu’ils continuent sur les aides sur lesquelles ils étaient auparavant, jusqu’en septembre 2017. Après ils continueront mais sur la base de la stratégie régionale que nous aurons travaillée avec eux, j’y tiens, car les départements ont un ancrage de proximité.

S.F. : D’ailleurs, avec la crise, on leur a redit qu’ils peuvent venir en aide en finançant des audits d’exploitations, en accompagnant les agriculteurs en grandes difficultés… C’est dans leurs compétences sociales.



Des audits d’exploitation sans limite

















M-G.D. : Je pense que la responsabilité de la région est de faire en sorte que sorte de nos exploitations - les plus familiales possibles - le plus de qualité. Car quand on ajoute de la qualité, on gagne en revenu. Tous les agriculteurs ne se sont pourtant pas lancés. Il faut lever les obstacles naturels, structurels et conjoncturels. C’est l’idée des audits d’exploitations. Ils sont ouverts sans limite. Il faut que tous ceux qui ont envie de se faire épauler puissent le faire. Le plus possible même. Car les avis d’experts sont aussi des éléments de réassurance. Après le diagnostic viendront des éléments de prescriptions pour aider l’entreprise à prendre tel ou tel tournant majeur pour son avenir.














S.F. : Ce sont des cabinets extérieurs qui feront les audits. Ils démarrent cet automne et se finiront ce printemps. Les mesures stratégiques de la Région découleront de ces audits.














M-G.D. : Malheureusement, nous avons bien conscience que certaines exploitations sont tellement endettées qu’elles ne pourront pas s’en sortir. La Région amènera des moyens pour accompagner dignement ces exploitants vers la sortie, que ce soit par le biais d’expertise financière, d’un accompagnement psychologique, de moyens en terme de formation, de réorientation… C’est dramatique mais un exploitant n’arrête pas sans rien. C’est un chef d’entreprise avec une grande expérience, du savoir dans ses mains et qui peut rebondir. Il sera aidé et accompagné pour une sortie digne.




Regonfler le moral des agriculteurs



« Probablement en février, la Région lancera une campagne de communication sur les agriculteurs et les agricultrices de nos campagnes, du Nivernais au Jura, de l’Yonne à la Sâone-et-Loire, pour montrer toutes leurs diversités et leur complémentarité dans notre grande région. Je veux pousser l’agriculture sur le devant de la scène régionale. Montrer qu’effectivement, on a besoin d’eux. Personne n’ose imaginer que demain, les exploitations familiales n’existent plus et soient remplacées par des exploitations avec des salariés à leurs têtes. C’est inimaginable ! », pour la présidente de la Région. Pas question d’opposer non plus les modes d’agriculture. Sur les traitements phytosanitaires, polémiques, « on doit ramener de la raison sur ces questions. Malheureusement, il suffit d’un mauvais exemple pour défrayer la chronique. Les paysans sont nés avec la nature, ils la connaissent et ne la détruisent pas. Ils ont appris à doser. Ce ne sont pas des pollueurs nés et ne s’amusent pas à inonder les champs de produits nocifs. C’est trop souvent l’idée propagée. Il faut néanmoins continuer de trouver les techniques les plus appropriées pour protéger l’environnement, comme le fait la plateforme AgroNov à Dijon », conclut Marie-Guite Dufay.