Elevage à l’herbe
Une réhabilitation bienvenue

Au regard des enjeux de l’élevage dans nos régions et suite à la tenue de la Cop 21, Nicolas Hulot a accepté de répondre à nos questions en exclusivité. Pour lui, l’élevage extensif tel que pratiqué dans le grand bassin allaitant est celui qui pose le moins de soucis. Une réhabilitation certes tardive, mais bienvenue.
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La Cop21 est derrière nous. Quel bilan en tirez-vous ? Quels sont les prochains grands défis des négociations internationales ?
Nicolas Hulot : réjouissons-nous pour commencer que plus personne ne nie le problème. Saluons aussi la mobilisation sans précédent du monde entier. La présence au premier jour de la Cop 21 de cent cinquante chefs d’Etat et de Gouvernement l’illustre parfaitement.
Sur l’accord lui-même, le bilan est positif, même s'il reste beaucoup à faire. C’est le premier accord universel sur le climat. Ce n’est pas rien. Il a fallu attendre la 21e Cop pour y parvenir. L'accord de Paris s'imposera aux 195 pays, avec un degré de flexibilité pour les pays en voie de développement. Tous les pays ont pris en amont des engagements volontaires pour limiter leurs émissions de gaz à effet de serre, sur lesquels ils devront rendre des comptes. Cela nous permet de passer d’une perspective de +5/+6°C à la fin du siècle à +3°C. C’est encore beaucoup trop et tous les Etats devront réviser leurs plans de réduction d'émissions, obligatoirement en 2025 et pour ceux qui le souhaitent dès 2020, si le monde veut espérer contenir le réchauffement "nettement en-dessous de +2°C et si possible en-deçà de + 1,5°C" par rapport au début de l’ère industrielle, seuil au-delà duquel l'adaptation sera difficile dans de nombreux pays.
Les financements apportés par les pays du Nord aux pays du Sud - pour diminuer leurs émissions et s’adapter au réchauffement climatique - sont confirmés dans le texte : 100 milliards de $ par an au minimum à compter de 2020. On peut toujours penser que ça ne suffit pas, que le compte n’y est pas, et ce n’est pas faux, notamment du point de vue des pays en développement que je privilégie toujours. Mais si l’on tient compte des intérêts divergents des pays, de leurs positions de départ très éloignées aussi, je pense que l’accord obtenu à Paris relève déjà du tour de force.
Honnêtement, je pense qu’on a obtenu le mieux qu’on pouvait raisonnablement espérer et que ça n’allait nullement de soi.
Au-delà des engagements des Etats, il faut évoquer ceux pris par de très nombreux acteurs de la société civile pour contribuer, chacun dans son domaine, à cette transition vers une économie bas-carbone.
Ce rendez-vous de Paris a mobilisé les régions, les villes, les entreprises et toutes les parties de la société, les agriculteurs comme les autres. Un élan a été donné à Paris avec cet accord. Sans cet élan, il aurait été vain d’espérer pouvoir contenir le réchauffement climatique dans des limites acceptables. Avec cet élan, l’avenir de l’humanité est encore entre ses mains. Le défi est d’accélérer la transition et que tous les pays mettent en œuvre leurs engagements et régulièrement revoient leurs exigences à la hausse.

Pour la première fois, la sécurité alimentaire a été reconnue comme un enjeu à ne pas brader dans la lutte contre le changement climatique. Que cela change-t-il pour l’agriculture ?

N. H. : la sécurité alimentaire figure en effet dans le préambule de l’accord qui précise que les Etats "reconnaissent la priorité fondamentale de sauvegarder la sécurité alimentaire, d'éliminer la faim". Ils reconnaissent également "la vulnérabilité particulière des systèmes de production alimentaire aux effets néfastes du changement climatique".
Ce que l’agriculture doit bien prendre en compte, c’est de nourrir la planète avec une alimentation saine. Ce qui doit prévaloir n’est pas de produire toujours plus, dans des exploitations toujours plus grandes et toujours davantage mécanisées, quitte à dégrader les sols ou à coupant la forêt comme dans certains pays. Ce qui importe, c’est de produire mieux. L’agriculture doit nourrir l’humanité, mais pas au détriment de sa santé, de la santé des écosystèmes, de la qualité des eaux… Les agriculteurs doivent être les gardiens de la qualité et de la durabilité de l'alimentation.

Vous avez organisé une journée "Elevage bovin et climat" le 20 novembre. Pour vous quel rôle peut jouer l’élevage français dans cette lutte contre le changement climatique ?

N. H. : par le méthane entérique, l’élevage bovin contribue à 7 voire 8 % des émissions nationales de GES. Ce n’est pas rien. J’ai voulu cette journée pour que chacun puisse prendre conscience des efforts faits par les éleveurs français pour lutter contre les changements climatiques, mais également pour que l’on progresse tous ensemble.
Le rôle des prairies permanentes est fondamental pour la séquestration du carbone et l’élevage bovin extensif joue un rôle majeur en ce domaine. La recherche et les nouvelles pratiques alimentaires contribuent également à diminuer significativement les émissions de méthane.
Dans un autre domaine, les bâtiments agricoles offrent de belles surfaces de toiture pour accueillir des panneaux photovoltaïques et les effluents d’élevage permettent le développement de la méthanisation et donc la production d’énergies renouvelables.
Je pourrais également évoquer le lien avec les sols. Vous connaissez l’initiative "4 pour 1000" du ministre Stéphane le Foll, je la soutiens comme je soutiens les projets pour les sols et contre la désertification dans les pays du Sud.
Je crois que tous les acteurs de cette journée ont compris que l’élevage français avait un rôle très important pour lutter contre le changement climatique, en augmentant ses impacts positifs (séquestration du carbone, énergies renouvelables, biodiversité, haies, entretien des paysages et de la vie rurale…) et en réduisant au maximum ses impacts négatifs (pollutions agricoles, émissions de GES, retournement des sols…

L’élevage de nos régions, très herbagères, est à la fois vulnérable face aux effets du changement climatique et également ciblé par certains comme activité émettrice. Pourtant, son rôle environnemental et territorial est reconnu ? Qu’avez-vous envie de dire aux éleveurs de notre région, parfois un peu perdus entre le marteau et l’enclume ?
N. H. : une chose est certaine : le type d’élevage extensif pratiqué dans le grand bassin allaitant est certainement celui qui pose le moins de soucis. Les émissions sont moindres avec une alimentation herbagère et sont partiellement compensées par la séquestration des prairies permanentes, la préservation de la biodiversité et des paysages.
Je veux dire aux éleveurs qu’ils font un métier que je respecte et que je compte sur eux pour améliorer la situation environnementale car il y a toujours des voies de progrès dans tous les domaines. Et je suis convaincu comme beaucoup, que c’est en faisant de la qualité qu’ils pourront le mieux s’en sortir économiquement à moyen et long termes.