90 ans de l’AGPB
Génération blé, génération décomplexée

Publié par Cédric Michelin
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A l’occasion de ses 90 ans, l’AGPB a voulu s’inscrire dans la modernité proposant des réponses pour l’avenir lors du colloque « Génération blé ». Une génération qui veut produire plus et mieux pour nourrir un marché extérieur en forte croissance et revendique le droit à l’innovation pour rester compétitif.
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Lundi 16 juin, l’Association générale des producteurs de blé (AGPB) s’est projetée dans l’avenir tout en célébrant ses 90 ans, entourée de représentants du monde agricole, de politiques et de scientifiques. La ligne d’horizon était fixée à 2030, « à portée de la génération qui cultive actuellement nos champs », selon Philippe Pinta, président de l’AGPB. Le projet porté d’abord pour la filière, mais aussi pour l’agriculture française dans son ensemble, est résumé dans un Livre blanc où sont consignés les 12 défis pour produire plus et mieux. Produire plus, pour satisfaire une demande constante sous l’effet combiné de la croissance démographique mondiale, de l’urbanisation et du développement des classes moyennes dans les pays émergents. Dans ce marché mondial, le blé est un atout stratégique pour la France, affirme l’ensemble des participants. Youssef Ben Osmane, président de la Fédération marocaine des négociants en céréales et légumineuses le confirme : si la céréale importée de France est souvent mélangée avec des blés russes ou ukrainiens plus riches en protéines, « le blé français restera la référence au Maroc tant que son prix sera abordable ». Et bien que les surfaces cultivées en France soient loin d’égaler les grandes plaines américaines, par exemple, le pays bénéficie d’atouts compétitifs de taille, en particulier son climat propice à la culture du blé et garantissant une disponibilité plus régulière. Sachant que le marché intérieur n’augmentera plus, doit-elle pour autant produire plus au risque d’entraver le développement de l’agriculture dans les pays où elle exporte ? Oui, répondent à nouveau les différents intervenants. « C’est un devoir moral de produire pour l’Afrique », clame Jean-Philippe Everling, directeur de Granit-Négoce-Axereal. Un propos que corrobore Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement Jospin, en évoquant devant les céréaliers les nombreux facteurs qui font qu’ « il y aura du temps avant que l’on puisse se passer de vous : raisons démographiques, politiques, l’absence de PAC dans d’autres régions du monde ». Pour beaucoup de pays où la démographie est galopante, nourrir la population demeure un enjeu sécuritaire. Le blé français a donc une carte à jouer à condition également d’être mieux valorisé par les responsables politiques qui ne mettent pas suffisamment en avant le poids économique et stratégique d’une filière qui apporte neuf milliards de valeur ajoutée à une balance commerciale déficitaire.


Communiquer pour innover




Pour tous, produire plus n’a de sens que si l’on produit mieux. Aujourd’hui, les clients sont exigeants, les concurrents performants, et la production doit s’adapter aux attentes du marché. « Fini le temps où l’exportation c’était, disons-le, la poubelle », illustre avec cette image parlante Jean-Philippe Everling. Or, pour les participants, la course à la qualité dans le respect de l’environnement semble entravée par une sur-réglementation qu’ils dénoncent à plusieurs reprises. « Les producteurs français sont en recherche d’innovations qui réduisent la chimie et l’énergie, mais il faut leur laisser le temps de s’adapter », explique Alain le Floch, directeur général de Vivescia. Il faut aussi et surtout une plus grande liberté d’innover, ce qui inclue évidemment les biotechnologies. Une revendication qui a recueilli à plusieurs reprises les applaudissements nourris de la salle. « Par des solutions innovantes, technologiques, nous pouvons apporter des réponses à ce qu’attendent nos concitoyens consommateurs et usagers du territoire », explique Xavier Beulin, président de la FNSEA. En matière d’innovation, si la France a su développer de nouvelles pratiques agronomiques, c’est au niveau des modifications génétiques que le bât blesse. « Les Américains ne sont pas plus innovants, mais ils sont plus réceptifs à la nécessité d’intégrer l’innovation », fait remarquer Catherine Feuillet, directrice générale de recherche sur les caractères agronomiques à Bayer USA. Dans le contexte actuel, augmenter les rendements est un processus extrêmement complexe qui passe par la combinaison de plusieurs facteurs dont les biotechnologies font partie, expliquent les scientifiques. « Si l’on supprime l’un de ces facteurs, on prend du retard », explique Marc Giget, président de l’European institute for creative strategies and solutions. « Il y a eu dès le début une erreur de communication : quand au Brésil on parle d’ « optimisation génétique », en France on dit « manipulation génétique ». « Manipulation, ça fait peur ! », ajoute-t-il. D’où l’importance de mieux communiquer sur ces sujets auprès du grand public, un point sur lequel insiste aussi Hubert Védrine : « il faut anticiper le défi de l’écologisation sans complexe, démontrer à l’opinion que la séparer des progrès technologiques et de l’innovation est une erreur fatale ». « En ces temps difficiles, les céréales sont une chance pour la France », rappelle Philippe Pinta. « Nous croyons à l’utilité de notre métier, le défi alimentaire mondial nous mobilise », conclut-il, philanthrope.