Gaec Picard frères à Bresse-sur-Grosne
Les fourrages comme clé de voûte

Dans un contexte peu favorable à la production de bovins viande, Jean-Philippe et Christian Picard conservent comme ligne de conduite l’engraissement. Un système exigeant en termes d’alimentation, qui repose sur d’importants stocks fourragers. Soucieux de préserver leur qualité de vie, les frères Picard tentent sans cesse d’adapter la conduite économique de leur exploitation.
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Jean-Philippe et Christian Picard sont en Gaec à Bresse-sur-Grosne. Leur exploitation compte un troupeau de 145 vaches charolaises, dont ils engraissent la production. La surface couvre 290 hectares de terres planes et drainées, bien groupées autour du siège d’exploitation. 70 hectares sont consacrés aux cultures. Les sols et le parcellaire permettraient d’en labourer davantage. Mais réglementation Pac oblige, les deux associés ont maintenu l’activité d’élevage sur la ferme. Dans un secteur où d’autres n’ont plus d’animaux à soigner, Jean-Philippe et Christian Picard font en sorte de se simplifier la vie et d’optimiser la gestion de leur atelier viande.
Si la ligne de conduite de l’exploitation est bel et bien l’engraissement, les deux frères essaient de garder une certaine marge de manœuvre quant au cycle de finition de leurs animaux. Tous les mâles partent en mai-juin de sorte qu’il n’y ait aucune bête en bâtiment en été. Avec des vêlages centrés sur novembre-décembre-janvier, les plus âgés atteignent alors 15 à 18 mois et sont bons à tuer. En revanche, les plus jeunes (800 kg vif, 440 kg de carcasse) ne sont pas tout à fait finis. « Notre groupement (Feder) les exporte en vif sur le Maghreb », explique Christian. C’est aussi une manière de se prémunir contre la chute des cours d’après mai-juin, font valoir les deux frères. « Lorsque le commerce se dégrade et que nos bêtes sont dans l’état de finition qui correspond, nous saisissons les opportunités. Cette année, le transporteur est venu directement charger 40 babys d’un coup ! Ce sont autant d’animaux que nous n’avions plus à nourrir », poursuit l’éleveur.
Les deux frères appliquent la même stratégie pour leurs femelles. Les génisses les plus lourdes sont engraissées dans l’hiver pour être vendues à 24 à 28 mois pesant 380 kilos de carcasse. Les plus petites sont finies au pré pour atteindre le même poids en label. Quant aux réformes, les vieilles vaches sont engraissées au pré avec leurs veaux pour un départ vers le mois de juin. Les vaches vides sont repérées par échographie vers le 1er août. Leurs veaux sont alors sevrés puis elles sont engraissées pour une vente en octobre. Mais si leur poids correspond et que les cours de début d’automne sont favorables, le départ peut être anticipé.

Chasse aux animaux improductifs


Grâce à l’échographie, seules des femelles pleines sont hivernées. Des échographies, les frères Picard en font pratiquer trois séances dans l’année. La première est effectuée 40 jours après les inséminations de début février, soit vers le 15 mars. Les femelles vides sont alors mises au taureau. Une seconde échographie est réalisée au lâcher en avril et la dernière intervient fin juillet début août.
Le Gaec cherche à raccourcir sa période de vêlage : les taureaux sont retirés la première semaine de juin et les vêlages devraient à terme tous intervenir entre novembre et mi février.
Soucieux de leurs conditions de travail, les deux associés se sont équipés de caméras de surveillance. Cet outil est une aide précieuse non seulement pour les vêlages, mais aussi pour la détection des chaleurs.
Jean-Philippe et Christian sont sensibles à la maîtrise de la reproduction de leurs animaux. Tout comme ils tiennent à saisir les opportunités commerciales que le marché leur offre, les frères Picard font la chasse aux animaux improductifs ou peu rentables. Une stratégie qui a peut-être comme conséquence l’absence de « bêtes exceptionnelles », font remarquer les deux associés. Pragmatiques, ils tiennent avant tout à avoir « des animaux homogènes, qui vêlent bien, sans souci ».

Alimentation soignée


Pratiquant la finition et désireux de maîtriser la productivité de leur troupeau, Jean-Philippe et Christian soignent l’alimentation de leurs animaux que ce soit en bâtiment ou au pré. Chez eux, les bêtes « sont en état », comme on dit dans le métier. « Si l’alimentation ne va pas, alors les bêtes ne remplissent pas », argumente Christian. Pour la dernière campagne, ce dernier comptabilise 15 femelles vides pour 164 mises à la reproduction, un chiffre qui le conforte dans ses choix.
Le Gaec est attentif à la qualité des fourrages qui sont systématiquement analysés pour caler les rations. « On essaye de récolter au stade optimal. Cette année, nous aurons de la qualité, donc nous ne devrions pas trop apporter de concentrés », confie Christian. « Une ration bien équilibrée, ce sont des veaux sans diarrhée, des fécondations qui se passent bien… », énonce l’éleveur. Les bêtes doivent par ailleurs être bien déparasitées, vaccinées…

Herbe et maïs pour la sécurité


Dans leur système avec vêlages précoces, l’engraissement et des terrains peu portants au printemps, la période d’hivernage est plutôt longue. Le Gaec a besoin d’un stock de fourrages important. Avec plus de 200 ha de prairies, les Picard s’appuient sur l’herbe pour sécuriser leur système tandis que le maïs ensilage assure « l’épine dorsale de l’engraissement », confie Christian. Chaque année au mois d’août, les deux associés implantent une dizaine d’hectares d’un mélange de ray-grass d’Italie et de trèfle en dérobée derrière des céréales. Ce fourrage est ensilé au 15 mai avant d’être retourné pour l’implantation du maïs. Jean-Philippe et Christian ensilent aussi entre 10 et 15 ha de prairie naturelle et ils récoltent 70 ha de foin. « Nous réalisons plus de tonnage en ensilage d’herbe qu’en foin et, sans cet ensilage, ce serait compliqué. Notre objectif serait même d’implanter 15 ha de fourrage en dérobées avant le maïs », explique Jean-Philippe qui estime que leurs trois types de fourrages (herbe, foin et maïs) contribue à diminuer fortement leurs coûts.
Habituellement, les 15 ha de maïs sont ensilés. Mais cette année, la sécheresse printanière a quelque peu modifié l’itinéraire. Le premier maïs semé sera récolté en grain. Car fait exceptionnel, les frères Picard avaient ressemé du maïs derrière de l’orge. Du coup, ils se retrouvent avec de la marchandise dont ils n’auront finalement pas besoin.
S’ils cultivent un peu de céréales et du colza, les associés font le choix de livrer leur production végétale à leur coopérative, Bourgogne du Sud. Les deux frères le justifie par le fait qu’ils ne sont pas équipés de stockage ni de matériel pour élaborer des aliments à la ferme. La capacité d’investissement de la ferme a été consacrée à la mise aux normes des bâtiments et aux équipements pour simplifier et rationnaliser le travail (caméras, parc de contention…). Des céréales sont reprises applaties à la coop. En fonction des cours, Jean-Philippe et Christian achètent de la pulpe déshydratée ou de l’orge. Des boisseaux permettent de stocker des aliments finis.


Bol mélangeur pour tout le monde


Depuis trois ans, le Gaec est équipé d’un bol mélangeur, lequel remplace une dessileuse recycleuse. Habitués à travailler en ration mélangée, les deux éleveurs étaient guidés dans leur choix par la simplicité et la polyvalence. Equipée de deux vis et d’une capacité de 24 mètres cubes, la machine fait également office de pailleuse. C’est dans ce bol animé par un tracteur de 105 CV que sont confectionnées les rations de tous les animaux de la ferme.
A l’usage, Jean-Philippe et Christian ont constaté que le foin sec était l’aliment qui convenait le moins à la machine. Cette année, ils se sont équipés d’une presse munie d’un "rotocut". Ce dispositif qui « hache » le foin au pressage, devrait faciliter le travail de la mélangeuse.
Pour le pansage en hiver, Jean-Philippe prépare « deux bols pour la ration type des 145 vaches, 70 laitonnes et 30 à 35 génisses ». Elle contient du foin (1.000 kg), de l’ensilage d’herbe (1.450 kg), de l’orge (150 kg), du tourteau de colza (116 kg), des minéraux (13 kg). Un troisième bol est préparé pour les animaux en engraissement (70 mâles, 20 génisses et quelques vaches). Jean-Philippe le remplit de 2.340 kg de maïs, 180 kg de pulpes, 135 kg d’aliment à 35 % de protéines plus du bicarbonate, de la paille et des minéraux. Le soir, les mâles reçoivent en plus 90 kg d’orge à la brouette. La ration des broutardes étant un peu juste, les éleveurs leur donne aussi du foin en libre-service.
A la belle saison, les frères Picard pratiquent un pâturage tournant dans leur parcellaire bien groupé. Dans chaque ilot, les troupeaux reviennent dans la même parcelle tous les quinze jours environ. Christian change ses animaux seul. Au pré, les broutards reçoivent une complémentation. Une conduite qui pourrait permettre de les vendre maigres le cas échéant. Les maïs seraient alors récoltés en grain. Rien n’étant figé !