France
Les ressorts d'une puissance agro-industrielle

Publié par Cédric Michelin
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Dans un ouvrage décrivant son parcours, Philippe Tillous-Borde raconte la création et le développement de Sofiprotéol. Le président actuel de la fondation Avril, qui en est issue, dresse le bilan et décrit les ressorts d'une des grandes filières agricoles françaises.
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Qui aurait pu penser, à l'aube des années quatre-vingt, alors que la France se relevait d'un pénible embargo sur le soja américain et que l'outil industriel de trituration des graines oléagineuses était fragilisé, que cette filière allait devenir, moins de trente ans plus tard, une puissante organisation présente dans les huiles, les protéines mais aussi l'énergie, la chimie verte, l'aliment du bétail et l'élevage ? Telle est bien l'histoire de Sofiprotéol, devenu aujourd'hui groupe Avril. Cette histoire méritait d'être racontée. Elle l'est par son principal artisan, Philippe Tillous-Borde, dans un livre tout juste paru, Un homme d'entreprise visionnaire (Eyrolles).

L'aventure est singulière et c'est tout sauf un hasard si elle eut lieu dans les domaines agricoles. C'est qu'elle mêle à la fois un contexte politique, une stratégie économique et des conditions diplomatiques.


Basque et Breton



À la fois Basque et Breton, fils d'un fonctionnaire des finances mais d'origine rurale, ingénieur agro, Philippe Tillous-Borde était sans doute bien préparé pour conduire une telle ambition. Il raconte son parcours dans ce livre de 180 pages, avec simplicité tout en ayant conscience de son rôle et de sa valeur. Car, en binôme d'abord avec Jean-Claude Sabin puis avec Xavier Beulin, Philippe Tillous-Borde a bel et bien créé une puissance industrielle et financière : premier producteur européen de biodiesel, industriel de la chimie verte, grand producteur d'huiles alimentaires, acteur majeur dans les productions avicoles, d'aliments du bétail, intervenant financier dans l'agroalimentaire, etc.

Quels ressorts personnels a-t-il fallu pour bâtir un tel ensemble si peu prévisible ? Sans doute des ressorts de lobbyiste, pour intervenir auprès de l'Etat et en recevoir l'appui, quels qu'en soient les gouvernements ; des capacités de diplomate, à l'époque des négociations de l'Uruguay Round ; des capacités de stratège industriel mais aussi de gestionnaire au jour le jour ; et enfin la curiosité d'un observateur, capable de discerner dans d'autres pays européens des structures de type fondations qui pouvaient s'appliquer au Sofiprotéol devenu Avril aujourd'hui.


Gouvernance stable



Au total, surtout, une structure interprofessionnelle, assurant une stabilité de gouvernance, capable de récupérer des entreprises que le capitalisme familial (Glon-Sanders par exemple) ou boursier (Lesieur) n'était plus en mesure de conserver. Car c'est peut-être cela le grand enseignement de Sofiprotéol : la capacité de prolonger une interprofession en acteur financier et industriel. Force est de constater qu'il n'y a pas beaucoup d'exemple de cette nature.

Force est aussi de constater que de nouveaux défis restent à relever, comme le remarque Philippe Tillous-Borde lui-même. Le développement de Sofiprotéol est basé sur deux ressorts principaux : les biocarburants, qui, à tort ou à raison, n'ont plus le soutien sociétal qu'ils avaient naguère ; l'élevage intensif fondé sur les protéines industrielles qui est, en France, soit en grande difficulté (porcs, volailles) soit mis en doute par la société (élevage bovin intensif) ou le soutien public. Une grande part du développement de cette structure originale dépendra de sa capacité à emprunter la voie de l'agriculture durable. Mais n'est-ce pas une question posée à l'agriculture tout entière ?

Un homme d'entreprise visionnaire, par Philippe Tillous Borde, avec le concours de Yannick Le Bourdonnec. Editions Eyrolles, 180 p. 20€.