Plan de lutte 2015 contre la flavescence dorée
La Bourgogne prend-elle des risques ?

Publié par Cédric Michelin
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Lundi soir à Mâcon, la commission régionale "flavescence dorée" a expliqué le plan de lutte pour la campagne 2015. Plusieurs nouveautés sont avancées dont une nouvelle réduction des traitements insecticides autour des pieds de vigne positifs. La Bourgogne se base sur ses deux dernières années de prospections jugées "intégrales". Une prise de risques que certains responsables communaux évoquaient, sans remettre toutefois en cause le plan dans sa totalité.
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« Il y a un gros recadrage à faire sur la prospection car la mobilisation a chuté entre 2013 et 2014. L’an dernier, il y avait des pieds marqués qui n’en n’étaient pas et inversement… ». Le témoignage de Vincent Nectoux, responsable communal de ce dossier à Prissé, avait le mérite de mettre chacun devant ses responsabilités. Le plan de lutte 2015 contre la flavescence dorée repose une nouvelle fois sur une prospection « exhaustive », rappelait en effet Claude Magnien du Sral. Les services de l’Etat l’estiment ainsi "totale". Derrière, en découlent le calcul et l’acceptabilité des risques. Si la mobilisation venait à diminuer, la prise de risque augmenterait. D’ou le temps de négociation et de réflexion « plus long » pour prendre cette année l’arrêté préfectoral - non plus départemental mais – régional.

Etre irréprochable sur la prospection



Mais le jeu en vaut la chandelle. Président de la commission technique de la CAVB, Jean-Hugues Goisot rappelait le contexte 2013-2014. La « mobilisation importante des professionnels - mais pas que (BIVB, CAVB, Fredon, Sedarb, chambres d’agriculture, IFV et Sral) - a permis de hisser la Bourgogne en référence en termes de lutte. (…) On vous propose de franchir une marche supplémentaire en 2015. Le plan de lutte n’intègre pas que des notions techniques, comme dans beaucoup d’autres régions, mais aussi des notions sociétales et environnementales », se félicitait-il. Rajoutant toutefois : « Avec une force mais aussi une faiblesse : il faudra être irréprochable car tout repose sur la prophylaxie », mettait-il aussi en garde.

Des sanctions en vue ?



Les vignerons dans la salle ne s’y trompaient pas et réclamaient en plus de l’obligation de prospecter collectivement, que soit envisagé un système « juste » « avec des personnes en face » en fonction des surfaces exploitées. De la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne (CAVB), Marion Sauquëre expliquait les mesures envisagées : « des dispositions seront prises pour ceux ne participant à ces journées obligatoires de prospection ». D’autres ODG vont plus loin avec engagement à la surface. La CAVB a demandé à la CNAOC d’avoir accès au CVI (Casier viticole individuel) pour mieux contrôler « à la parcelle cadastrale » et ainsi « pointer les absences ».
L’objectif est d’éviter de « mettre à mal la motivation des autres » vignerons de bonne volonté. Le Sral proposera un accompagnement supplémentaire pour les « secteurs à risque » ou « qui refusent ce contrôle », sur demande des responsables communaux.
Enfin, la CAVB a d’ores et déjà organisé une réunion avec Siqocert (organisme de contrôle externe) pour « réfléchir à intégrer cette obligation dans le dispositif de contrôle » et « en cas de récurrence » aller éventuellement « jusqu’au retrait de l’appellation » en cas de récidive.

Des arraches partiels ou non



Des sanctions sont déjà en place concernant l’arrachage des pieds positifs, à effectuer réglementairement avant le 31 mars de l’année suivante. L’an dernier, le Sral a effectué des contrôles. « Pas satisfaisants » pour Claude Magnien. Avec une quarantaine de parcelles positives à la flavescence dorée, « visitées une par une », même après notification individuelle par courrier, le Sral a constaté « 25 % de cas non conformes : arrachage partiel (oubli ou souches taillées à ras non arrachées) ou absence d’arrachage ». Le Sral a donc dû se montrer « plus persuasif » pour certaines situations et « tout a été arraché » au final.
Le service de l’Etat – avec les ODG mâcon et mercurey – a "expérimenté" des démarches pour résoudre le problème des friches, pouvant constituer des réserves de cicadelles ou pieds contaminés. 15 ha étaient concernés. 5 ha (13 parcelles) ont été arrachés ; 4 ha (7 parcelles) ont été remis en état ; 2 parcelles sont en cours d’arrachage et 11 parcelles en indivision (4 ha) sont « encore compliquées » à gérer, suite à des difficultés pour retrouver les propriétaires.
Enfin, la CAVB mène un « travail de sensibilisation » auprès des pépiniéristes de la région pour rappeler l’obligation dans les cahiers des charges des AOC bourguignonnes d’utiliser du matériel végétal traité à l’eau chaude pour toute plantation. Le traitement à l’eau chaude constitue avec les traitements insecticides le dernier des quatre piliers de la lutte (voir encadré).
A la question, la Bourgogne prend-elle des risques ? La réponse tiendra une nouvelle fois dans la mobilisation collective et de chaque professionnel.




Traiter 500 mètres autour d’un foyer



Pour l’heure, il ne s’agit que d’un projet d’arrêté préfectoral. La consultation du public a débuté le 7 et se terminera le 28 mai. Ensuite sera pris l’arrêté préfectoral régional définitif « pour une meilleure sécurité juridique ». « Dans la foulée » sera pris un autre arrêté concernant la maladie du bois noir qui « conduira à l’arrachage de l’ensemble des pieds de jaunisses ».
Avec la prospection « exhaustive » des deux dernières années, l’analyse de la situation classe et sépare des zones, comme l’an dernier, en fonction de leur risque jugé soit "élevé", "moyen" ou "faible" (aucun traitement). En risque "élevé", les 3-1 traitements seront raisonnés à l’échelle de la commune. En risque "moyen", « la nouveauté de l’année » sera que les 2-1 traitements seront raisonnés à l’échelle intra-communale. La zone sera délimitée par un cercle de 500 m de rayon. Son centre est défini par la présence d’un pied atteint de flavescence dorée localisé à partir des relevés GPS effectués par la Fredon lors des prélèvements. Les cartes sont d’ores et déjà consultables (jointes au projet d’arrêté préfectoral) sur le site web de la préfecture de Bourgogne ou de Saône-et-Loire. Au total, 15 situations différentes sont recensées ainsi en Saône-et-Loire et en Côte-d’Or. Car ces traitements sont conditionnés au piégeage des cicadelles adultes en conventionnel ou au comptage des larves en agriculture bio. En raison de la différence de mode d’action des insecticides utilisés, et de la rémanence différente du Pyrévert (seul produit homologué AB), les vignerons bio sont invités à indiquer leur parcellaire (mail Sedarb) dans les zones soumises à la lutte insecticide « sinon on risque de faire traiter des surfaces en conventionnel inutilement », expliquait Charles Chambin, en raison de population de cicadelles « plus » présentes en vigne AB et atteignant le seuil de déclenchement de traitement. Sa collègue à la Fredon Bourgogne, Anaïs Chemarin rajoutait qu’en effet les parcelles suivies seront « ajustées en fonction de ce recensement » des parcelles bio. Après les comptages, les informations seront diffusées aux vignerons dès le lendemain, via de multiples canaux dont le site www.stop-flavescence-bourgogne.fr et les bulletins techniques. Le 1er traitement devrait arriver « vers le 10 juin ».
Concernant « la nouveauté de l’année », en zone à risque "moyen", le déclenchement des traitements se fera en fonction des comptages dans le cercle défini et non plus à l’échelle de la commune. Ainsi, pour un cercle en 2-1 traitements, sont concernées par la lutte insecticide, toutes les parcelles cadastrales du cercle qui sont définies sur les cartes téléchargeables sur le site de la DRAAF (apparaissant en jaune). En revanche, sont concernées par la lutte insecticide, toutes les parcelles de la commune en zone à risque "élevé" (3-1). La liste des communes sera inscrite dans l’arrêté préfectoral. En Saône-et-Loire, au final, dix zones (471 ha) sont définies allant de moins de 10 ha (St-Gengoux-le-National) à plusieurs centaines d’ha (138 ha comme à Chasselas).
Suite aux prospections 2013-2014, « l’amélioration de la situation est significative », tant du côté du foyer historique nord Mâconnais que du côté de Mercurey « avec plus qu’un seul résultat positif » l’an dernier.
L’évolution de la stratégie insecticide pour 2015 devrait induire « une forte diminution » entre 2014 et 2015 des surfaces de vignes recevant au moins un insecticide, de l’ordre de -61 % pour la Saône-et-Loire et de -92 % pour la Côte-d’Or.




Adapter la lutte aux souches de flavescence



« Voulue par la profession », le Sral a accepté une expérimentation à zéro traitement autour de pieds positifs. La condition requise : que le génotype de la bactérie responsable (phytoplasme) soit connu et peu ou pas épidémique. A Saint-Aubin (21) et à La Chapelle-de-Guinchay ont ainsi été trouvées des souches correspondant à ces critères. Si aucun traitement insecticide ne sera obligatoire, la surveillance et l’arrachage des pieds atteints le seront. Pour Jean-Hugues Goisot, « l’objectif est d’arriver à terme le plus rapidement possible à des pieds isolés, pour les génotyper et les traiter de façon très ciblée et sur des surfaces les plus restreintes possibles ». En attendant aussi peut-être la reconnaissance de la flavescence à l’aide de drones. Mais « cela reste complexe », temporise Corinne Trarieux, responsable de la coordination technique au BIVB.