Marchés céréaliers : Une campagne chahutée

Cédric MICHELIN
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Le dernier rapport du Conseil international des Céréales (CIC) porte à 2 175 millions de tonnes la production mondiale de blé et de céréales secondaires pour l’actuelle campagne. Mais, d’ores et déjà, les projections du CIC nous promettent un nouveau record en 2020/2021, avec 2 223 Mt (1). La consommation et les échanges internationaux devraient se charger de réguler cet accroissement de l’offre, les stocks finaux céréaliers 2020/2021 étant même prévus en baisse léger retrait : 605 Mt, soit 3 Mt de moins qu’à la fin de l’actuelle campagne.

Marchés céréaliers : Une campagne chahutée

C’est peu de dire que les marchés céréaliers mondiaux ont été chahutés cette campagne et les fondamentaux malmenés par des facteurs exogènes, tels ceux d’origines géopolitiques comme la crise sino-américaine ou, aujourd’hui, une crise sanitaire dévastatrice. Quelle que soit la compétence et l’expertise des prévisionnistes, il est difficile de considérer comme acquises des projections, même à moyen terme. Afin de ne pas s’égarer dans des considérations lointaines, en temps comme en distance, nous nous contenterons de tirer quelques constats de la situation actuelle du marché national, sachant que la réalité d’aujourd’hui n’est pas la vérité de demain.

Une conjoncture imprévue

La campagne 2019/2020 est entrée dans son troisième quart dans des conditions d’activité de marché et de prix inespérées compte tenu des disponibilités, notamment pour le produit directeur, le blé tendre, crédité d’une récolte de 39,6 Mt, la plus importante depuis 2015/2016 et surtout d’excellente qualité grâce à de très bons courants d’échange à l’exportation. Effectivement, devant l’importance de la demande des pays importateurs, FranceAgriMer a été, ces deniers mois, amenée à réviser régulièrement en hausse ses prévisions d’exportation de blé tendre vers les pays tiers pour les porter, lors de son conseil spécialisé du 11 mars au niveau record de 12,7 Mt. Outre nos traditionnels clients, en particulier le Maghreb, la Chine s’est révélé comme l’un de nos grands acheteurs cette campagne avec une perspective plausible de 1,2 Mt. La qualité de la récolte française 2019, a permis de reconquérir un de nos principaux débouchés, fortement réduit depuis 2016/2017 par une moisson 2016 qualitativement décevante. François Gatel, directeur de France Export Céréales, se réjouit de cette reconquête et souligne les efforts d’information déployés par son organisation pour rassurer les importateurs de blé français qui craignaient de nouveaux problèmes logistiques de chargement dans nos ports après les mouvements sociaux de début d’année.

La bonne gestion de la logistique

Des craintes explicables mais qui ont pu être majoritairement évitées, comme nous le rappelle Serge Kindelberger, directeur général d’un des plus gros chargeurs sur le port céréalier de Rouen : le groupe coopératif Senalia. Il considère que les transports routiers ont pu assurer à peu près normalement les approvisionnements des silos portuaires à partir des coopératives du groupe et que le fret fluvial fonctionne à environ 70 % de son potentiel habituel. Seuls les transports ferroviaires demeurant nettement déficients. Dans le port même, les effectifs employés aux installations, étaient présents à 80 %. Jusqu’à présent, les embarquements dans les ports de l’hexagone ont maintenu des niveaux élevés et les exportations pays-tiers cumulées à la date du 30 mars, depuis le début de la campagne, représentent 7,6 Mt de blé tendre, soit 1 Mt de plus que l’an dernier, à la même date et 2,2 Mt d’orge contre 1,8 il y a 1 an.

Le retour des stockeurs familiaux

L’activité sur le marché intérieur, n’a pas été en reste. Confrontés aux mêmes difficultés logistiques, les organismes stockeurs et leurs clients, fabricants d’aliment du bétail, meuniers, semouliers, fabricants de pâtes ont dû faire face à un accroissement imprévu de la demande de la distribution, elle-même débordée par les achats irraisonnés des habituels stockeurs familiaux, à l’assaut des rayons alimentaires dès l’annonce des mesures de confinement. Bien que normalement couverts à cette époque de l’année, les industriels ont recouru à des compléments d’approvisionnements pour alimenter les usines. Ce qui, s’ajoutant au dynamisme de l’exportation, a tiré les prix des céréales à la hausse, mais à travers des épisodes de grande volatilité qui jettent un doute sur la persistance de cette tendance. Une tendance que ne partagent pas l’orge de brasserie et le malt dédaignée par des fabricants de bière privés de leur clientèle des brasseries et de la consommation hors domicile. Mais la belle saison reviendra et l’orge de printemps, dont les semis se sont accélérés ces dernières semaines avec des conditions météorologiques enfin favorables, retrouvera sa vocation brassicole et la bière, sa pression.

 

(1) Dont 768 Mt de blé et 1 157 Mt de maïs, record.

Rattrapage pour le blé dur

Les semis retardés de blé dur ont également tiré profit du retour du temps sec, particulièrement dans le bassin ouest Océan dont la surface consacrée au blé dur estimée en janvier à 40 000 ha, en baisse de 25 %, a été revue à hauteur de 56 000 ha par Arvalis Institut du végétal plus récemment . Dès lors, la superficie de blé dur dans l’hexagone, annoncée en baisse de 4 %, en janvier retrouverait une orientation positive. On attend les estimations de semis céréaliers par le ministère de l’Agriculture vers le 10 avril.

Rattrapage pour le blé dur

 

Les semis retardés de blé dur ont également tiré profit du retour du temps sec, particulièrement dans le bassin ouest Océan dont la surface consacrée au blé dur estimée en janvier à 40 000 ha, en baisse de 25 %, a été revue à hauteur de 56 000 ha par Arvalis Institut du végétal plus récemment . Dès lors, la superficie de blé dur dans l’hexagone, annoncée en baisse de 4 %, en janvier retrouverait une orientation positive. On attend les estimations de semis céréaliers par le ministère de l’Agriculture vers le 10 avril.