Travaux agricoles
Gare aux tassements !

Conditions humides et machines lourdes combinées augmentent le risque de dégradation de la structure des sols en profondeur, notamment lors des opérations de récolte. Jumelage, pneus basse pression, mais aussi organisation de chantier sont des pistes pour réduire l'impact défavorable des passages d'engins.
132569--2711_Pneumatiques.jpg
Les conditions au moment d'une intervention arrivent en première ligne des facteurs de nature à impacter la structure des sols, en particulier à dégrader leur porosité, une composante importante de la fertilité. En effet, dans un sol poreux, l'exploration racinaire, la circulation de l'air, de l'eau, des micronutriments sont favorisés, ce qui participe à l'efficience des moyens de production.
« Les travaux de recherche les plus récents dans ce domaine mettent en évidence qu'avec des charges élevées, les contraintes sont plus élevées en profondeur. Avec des conséquences pratiques au niveau des systèmes agricoles : les tassements sévères peuvent être évités en limitant les charges par pneu à moins de cinq tonnes, mais les chantiers de récolte de plus en plus lourds (jusqu'à 10 tonnes) peuvent induire des tassements profonds », expliquait Claire Chenu, d'AgroParisTech, lors d'un récent colloque sur le travail du sol.

Facteur charge


« Le facteur charge est très important pour l’évaluation du risque de tassement. Avec un même pneu, si la charge varie, l’empreinte au sol n’est pas la même. Il y a donc deux cas de figures : les chantiers ''légers'', lors du travail du sol et de l’implantation, et les chantiers ''lourds'', lors de la récolte.
Dans le premier cas, la charge par essieu n’est pas très élevée. Il est possible, avec des pneus basse pression gonflés à 0,8, voire 0,6 bar, de limiter le tassement sur le sol pour une large gamme d’humidité.
Dans le deuxième cas, la taille des machines de récolte a beaucoup augmenté et, en conséquence, la charge par pneu. Si des pneus larges et performants, avec une large surface portante pour répartir la pression, permettent de réduire les tassements en surface, le risque de tassement en profondeur est élevé dès que le sol est humide
», poursuit Hubert Boizard, ancien directeur de recherche à l'Inra, auteur de nombreux travaux sur le thème du tassement.
La première piste à retenir pour limiter les tassements du sol est organisationnelle. Il s'agit tout simplement de réduire le trafic sur les parcelles, en limitant le nombre de passages. Et, quand c'est possible, de n'intervenir que dans les conditions propices, c'est-à-dire avec des sols suffisamment ressuyés. Limiter la charge peut aussi passer par une mesure comme l'augmentation de la fréquence de la vidange de la trémie lors du chantier de récolte.

Basses pression vs jumelage


D'autres axes d'amélioration passent par des investissements matériels.
C'est le cas de pneumatiques plus respectueux de la structure des sols. La carcasse radiale, qui répartit la charge de manière homogène sur toute la largeur de la bande de roulement est un premier pas dans ce sens.
L'utilisation de trains de roues jumelées va plus loin. Alternative aux équipements "basse pression", cette solution offre l'avantage de pouvoir revenir à une utilisation "solo" lorsque le pneu jumeau est démonté. Il est cependant un handicap pour les déplacements routiers et l'utilisateur devra se conformer à la législation locale. Sur le plan technique, c'est très efficace mais à condition d’ajuster les pressions et de ne jamais jumeler des pneus à carcasses différentes... Il faut aussi garder à l'esprit que de par l'augmentation de capacité de traction et le porte-à-faux des roues, les jumelages fatiguent d'avantage les transmissions qu'une utilisation "solo". Il faut donc les utiliser avec discernement, particulièrement sur les ponts "avant" des tracteurs.
Enfin, la technologie "basse pression" qui se démocratise depuis une dizaine d'années dans les exploitations agricoles. A diamètre et charge égaux, la différence est notable sur des critères tels que la largeur d'empreinte, la compaction et l’orniérage. En réduisant de près de 40 % la pression, l’empreinte du pneu basse pression est supérieure de 22 %, la compaction est réduite de 18 % et l’orniérage de 33 %. Avec des économies en ligne de mire, sur le poste carburant notamment (de l'ordre de 15 %), qui permette théoriquement de compenser le surcoût à l'achat.
Alexandre Coronel