Filière Cuirs et peaux
Tout commence dans les élevages

Le président du Conseil national du cuir (CNC), Franck Boehly rappelle les bons chiffres de la filière, qui place la France au niveau du 3e exportateur mondial de cuirs et peaux bruts. Et en la matière, il insiste sur le rôle des éleveurs en amont.
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Comment se porte la filière cuir en France ?
Franck Boehly : la filière est composée d’artisans, de PME-PMI, et de grandes entreprises au nom prestigieux, mondialement reconnus pour leur savoir-faire traditionnel, la qualité de leurs produits et leur capacité d’innovation et de création à la française. D’un point de vue général, la filière portée par le luxe présente de bons résultats à l’export : la France est l’un des leaders mondiaux des cuirs de veau et de cuirs exotiques, 3e exportateur mondial de cuirs et peaux bruts ainsi que d’articles de maroquinerie. Nous exportons pour une valeur globale de 9,3 milliards d’€ en 2015 pour un chiffre d’affaires total de la filière de 15 milliards.
Néanmoins, en 2016, nous connaissons un léger ralentissement sur certains pays étrangers comme en Chine, notamment à Hong Kong, et au Japon.

Pourquoi avoir réintégré le Salon de l’agriculture cette année ?

F. B. : il est naturel que la filière cuir soit présente au Salon de l’agriculture, cela correspond à la volonté des professionnels de faire rayonner les savoir-faire de leurs entreprises. Le Syndicat général des Cuirs et Peaux y représentait la filière, sur son stand L’Atelier du Cuir. Nous avons saisi cette opportunité pour toucher deux cibles : le grand public et les professionnels. C’était l’occasion de rappeler que le cuir est un coproduit de l’élevage et l’intérêt des éleveurs à suivre les bonnes pratiques. Le thème étant porté sur les métiers de nos secteurs, nous avons prévu des ateliers de démonstration pour sensibiliser les visiteurs à venir se former au cuir.

Seules 20 % des peaux achetés aux éleveurs français peuvent être transformées en cuir de qualité. Comment expliquer cette difficulté d’approvisionnement ?

F. B. : la filière du cuir portée par le luxe se retrouve aujourd’hui dans une situation où la matière première est devenue insuffisante pour faire face à la demande des grandes maisons.
Si la France est reconnue pour ses cuirs de veau, matière la plus recherchée dans le secteur de la maroquinerie, les peaux se font rares puisque le nombre de bêtes abattues est en diminution, du fait de la baisse de consommation de viande. D’autre part, nous faisons face au problème de la teigne et aux blessures d’origine mécanique (barbelés) qui ont tendance à fortement dégrader la qualité de la peau et la rendre impropre à la fabrication d’articles de luxe.
Une commission transversale a été mise en place en 2009-2010 réunissant l’ensemble des acteurs de la filière pour mesurer l’impact des bonnes pratiques. Ce n’est pas possible aujourd’hui d’augmenter la production, il est en revanche possible d’accroître de façon spectaculaire le pourcentage de peaux de premier choix en appliquant ces mesures.

Êtes-vous optimiste quant à l’avenir économique de la filière ?
F. B. : oui, nous sommes résolument optimistes. Notre filière continue de créer des emplois. Les entreprises recherchent continuellement des candidats au poste de piqueur, monteur, ingénieur tannerie, maroquinier, podo-orthésiste… Pour maintenir et transmettre ces savoir-faire, le CNC communique beaucoup auprès des jeunes pour les attirer dans notre filière. Nous avons lancé des projets pour renforcer les synergies entre les différents acteurs de la filière : mise en place de clusters pour mutualiser les moyens entre professionnels d’une même région, soutien accordé à la création d’entreprises dans le secteur du cuir à travers le dispositif ADC pour "Au-delà du cuir", lancé à l’initiative du CNC et la Fédération française de la Chaussure avec la participation du CTC, projet de création d’un fonds de garantie pour la reprises d’entreprises…
La filière a connu et surmonté des moments difficiles, notamment à l’époque de la désindustrialisation, mais nous elle a su s’adapter aux contraintes environnementales avec une modernisation exemplaire des sites industriels, notamment pour les tanneries/mégisseries. Elle a su également renforcer son exigence pour des produits de haute qualité et entretenir sa créativité et sa capacité d’innovation.





Sensibilisation des éleveurs


Pour réduire les défauts mécaniques, les professionnels prônent plusieurs recommandations, parmi lesquelles le remplacement des barbelés qui griffent la peau, le traitement des animaux contre les maladies et bien sûr le vaccin systématique du cheptel contre la teigne. Depuis 2010, 3.260.000 doses de vaccin ont été utilisées et on estime à plus de 750.000, le nombre de doses retenues pour 2016. Un animal sain décuple les chances non seulement de produire une peau de qualité, mais aussi de dégager un bénéfice économique pour l’éleveur. L’investissement global entre 2010 et 2014 pour l’amélioration de la qualité des peaux en France est estimé à 12 millions d’€, financés par l’ensemble de la filière et notamment par la taxe affectée prélevée sur les entreprises industrielles.
Un guide de bonnes pratiques est disponible à destination des éleveurs : adaptation des élevages pour réduire l’apparition de défauts sur les peaux, hygiène des locaux, vaccination, traitement contre les parasites, contrôle des conditions de transport et de l’abattage dans la chaine de production des peaux de veaux, de jeunes bovins et d’ovins. Le Syndicat général des Cuirs et Peaux le distribue systématiquement dans les salons et congrès, mais aussi sur le terrain, dans les lycées agricoles, les abattoirs et bien sûr auprès des éleveurs qui le demandent. C’est le credo du syndicat, aussi actif dans les sections élevage des lycées agricoles que les élevages eux-mêmes. Plus de 500 exploitations ont ainsi été visitées depuis 2013 et 300 environ en 2015.






Le marché du cuir en France


Le cuir est un secteur majeur qui met en lumière le savoir-faire artisanal et l’expertise industrielle de la France, valant pour celle-ci son rayonnement international au regard de la qualité des produits fabriqués.
La majorité du cuir produit provient des animaux d’élevage (veau, chèvre, agneau, vachette, etc.). Le tannage désigne l’opération par laquelle on transforme la peau en cuir selon des procédés chimiques. Cela demande donc la mise en place d’une logistique considérable pour aboutir au produit fini mis sur le marché en l’état (cuir et peaux bruts) ou transformé. Cela exige aussi des animaux d’élevage bien entretenus, ce qui conditionne la qualité du produit final. Voilà pourquoi, le cuir est à l’origine d’une forte collaboration entre l’agriculture, les abattoirs et l’artisanat ainsi que dans la mise en place de métiers variés connexes tels que les tanneurs, les classeurs de cuir (selon la couleur ou la qualité), les modélistes, etc. Par ailleurs, il touche différents secteurs qui vont de la mode (vêtements, maroquinerie, chaussures, ganterie, etc.) à l’ameublement en passant par d’autres domaines tels que la sellerie ou l’automobile.
La filière représente 8.000 entreprises*, artisans, PME-PMI, grandes entreprises au nom prestigieux, qui emploient 70.000 salariés et réalisent 15 milliards d’€ de chiffre d’affaires. Elles exportent pour une valeur globale de 9,3 milliards d'€ en 2015.







Le tannage végétal


A côté du tannage chimique, il existe également le cuir tanné à partir d'écorces, de fruits, de racines ou de feuilles. Il s’agit souvent d’un cuir très ferme, sans élasticité mais plus respectueux de l’environnement au regard de son processus de fabrication. Le cuir à tannage végétal est généralement utilisé dans la fabrication de semelles de chaussures et des courroies industrielles.





Marché mondial du cuir
La place de la France


Pour la filière cuir, la France est le 8e importateur mondial : les importations françaises en 2015 sont estimées à 10,7 milliards d’€, dont 50 % proviennent de l’Asie Océanie et 45 % de l’Europe, avec comme principaux fournisseurs la Chine et l’Italie. Cela représente 10 % de plus par rapport à 2014. Au regard des exportations, elle se place au 3e rang (9,3 milliards d’€, soit +11 % par rapport à 2014), dont 60 % dans le seul domaine de la maroquinerie et 30 % pour les chaussures. La principale clientèle française est européenne, avec l’Italie en tête (14 % du marché en 2015).
Concernant la filière cuirs et peaux bruts, les importations sont de l’ordre de 153,1 millions d’€, dont 2/3 concernent les peaux brutes exotiques, largement utilisées dans l’industrie du luxe et les exportations de l’ordre de 369 millions d’€, majoritairement du cuir bovin. La France est le 3e exportateur mondial dans ce secteur.
Enfin concernant les filières maroquinerie et chaussures, la France est placée respectivement en 3e (9,2 % des exportations) et 12e (1,7 %) exportateur mondial. Au niveau des importations, elle est classée 3e dans le domaine des chaussures (6,2 %) et 4e dans la maroquinerie (6,5 %) .
Théo Gning