Bouchon et bouchonnage
Ne pas tout gâcher !

Publié par Cédric Michelin
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Les 21 et 22 janvier à Davayé, à Beaune et à Chablis, le BIVB organisait trois demi-journées pour parler des bouchons et du bouchage. Enjeu, la qualité des vins évidemment, et notamment l’oxydation prématurée des blancs. Mais pas que, puisqu’il s’agit aussi de l’image renvoyée aux clients, pro comme particuliers. Verdict du SAQ ou des laboratoires de conseil : des marges de progrès sont possibles à tous les niveaux… Il s’agit en effet de ne pas gâcher tout le travail d’une année ou plus.
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72 % des bouteilles de bourgogne contrôlées par le SAQ du BIVB présentent un niveau de dégarni insuffisant, inférieur à 10 mm. Quelle que soit la nature du bouchon, le vin risque alors de couler. Seuls 22 % des niveaux de remplissage sont corrects, entre 10 et 15 mm. C’est le constat que dresse le Suivi aval de la qualité (SAQ) depuis 2009 sur environ 7.500 bouteilles (hors effervescents).
Rien à voir mais pourtant même proportion au SAQ, 73 % des bouchons sont en liège naturel ou colmatés. 15 % sont des bouchons techniques et 9 % sont des obturateurs synthétiques. « Progressivement, le liège diminue. Les capsules à vis n’évoluent pas (3 %), débutait Dominique Meluc, la responsable du SAQ, avant de préciser toutefois que : sur Chablis, la progression des bouchons techniques (39 %) et obturateurs synthétiques (12 %) ou capsules à vis (10 %) est plus rapide, souvent liée au niveau d’appellation » et aux marchés, notamment export comme en Angleterre, où ils sont mieux acceptés. Depuis le millésime 2001, le liège a donc perdu son outrageuse domination (99 %) pour tomber à 50 % des bouteilles prélevées pour le millésime 2013 ! Les obturateurs ont donc tendance à être plus techniques sur l’échantillon SAQ.

De 80 à 300 € les milles



« Une dizaine, voire une quinzaine de bouchonniers, viennent me démarcher tous les ans », constate Christophe Briotet. Le responsable de la cave du Domaine du lycée viticole de Beaune « recherche l’absence de défaut » pour ses vins. Goût de bouchon, bouteilles couleuses ou mauvaise qualité visuelle… sont sa hantise. Mais il reste pragmatique. Selon le niveau de l’appellation, il commande trois modèles de bouchons. En agglomérés 44/24 pour ses régionales et hautes-côtes de Beaune - sur le fruit à « consommation rapide » -, avec une attention particulière sur l’aspect “vrai” bouchon et selon l’homogénéité des lots. Sa fourchette de prix se situe entre 80 et 120 € les milles. Pour ses appellations villages, « à garder 10 ans », Christophe recherche des bouchons naturels 44/24 de qualité « standard » (200 €/1.000). « On prend le risque », lâche-t-il. Mais pas pour les premiers et grands crus, « sans défaut avec le meilleur miroir » que le lycée paye au « minimum » 300 € les milles.

D’où la longueur du bouchon



S’il livrait volontiers les prix, à aucun moment il ne parlait de la longueur du bouchon. Pourtant, ce dernier paramètre est capital puisque celui ci doit être en adéquation avec la hauteur de contrôle de la bague, insistait le BIVB. En effet, l’étanchéité est en jeu. Pour la bague CETIE cette hauteur est de 45 mm. En dessous, la forme du col s’évase et un bouchon plus long n’assure plus une étanchéité parfaite. Sur une bouteille couchée le vin peut se loger entre le verre et le bouchon ce qui peut favoriser les fuites éventuelles. Ce risque augmente en cas de pression importante dans la bouteille. D’où le risque important avec des niveaux de dégarni insuffisants, surtout avec des variations de température.

Tireuse ou prestataire ?



Si l’opération de bouchage se veut aussi pédagogique au lycée, avec une tireuse manipulée par les élèves, reste que 70 % des volumes du Domaine sont fait à façon « pour les gros lots ». « Efficacité » (170 hl/j contre 35 hl/j avec tireuse), « sécurité » (réglage précis), « fiabilité » et certification sont à mettre au crédit du prestataire qui a cependant pour seul défaut « d’imposer ses dates ». Pour Christophe, le prestataire « maîtrise sa machine et fait ça tous les jours », alors qu’au domaine, ce n’est pas le cas. Pas question pour autant de ne pas contrôler sa prestation. « On contrôle visuellement après et tous les deux ans, on fait des analyses d’oxygène dissous sur des lots ». Les résultats sont « bons » avec 0,8 mg/l en pré-mise et 1 mg/l après, pour des bouteilles non-inertées. « Mais les premières bouteilles à passer sont débouchées et sont remises pour éviter les niveaux supérieurs ».

Audit pour s’autocontrôler après



Un conseil qu’approuvait Jean-Luc Soty du Centre œnologique de Bourgogne. « Le contrôle de l’oxygène est important tout au long du processus mais surtout à la mise. Le but étant d’amener le vin avant tirage vers 0,4 mg/l d’O2 dissous », résumait-il. Mais avant, un sulfitage doit être « approprié », selon lui, en fonction du type de vin bien sûr mais aussi de l’obturateur. Le Coeb réalise évidemment des diagnostics mais effectue aussi des audits (voir encadré) en cave « pour améliorer les points critiques et permettre un autocontrôle ensuite » de la part du vigneron. Y compris ceux moins connus comme l’hétérogénéité des bouchons laissant passer plus ou moins d’oxygène.

Plus de trous, moins d’oxygène !



De l’Université de Bourgogne, Thomas Karbowiak étudie les bouchons sous toutes ses formes. « Le liège n’est finalement pas si bien connu que ça », reconnaissait-il. Ses recherches ont permis de voir que les cellules ont des structurations différentes selon l’axe choisi (horizontal/vertical) soit en « nid d’abeille », soit en « grosses briques ». « Le liège, c’est 80 % de vide. Mais les bouchons les plus denses sont ceux avec le plus de lenticelles. Paradoxalement, la quantité de matière est plus grande dans ces “trous”. Et l’oxygène a plus de difficulté à transpercer les parois de ces canaux ».
S’il laissait entendre qu’humidifier avant la mise ses bouchons en liège peut être bon pour ne pas les (cellules) abimer avec la compression mécanique, le risque (microbiologique) est en revanche grand de les stocker dans un endroit humide.



Préconisations générales de sulfitage



Pour le sulfitage, le Coeb conseille de raisonner en SO2 actif pour les vins rouges.







• Vins rouges de garde (> 2ans) : 0.6 mg/l ;







• Vins rouges à rotation rapide (1 à 2 ans) : 0.4 mg/l







Pour les vins blancs, il faut prendre en compte le type d’obturateur en plus.







• Vins blancs de garde (> 2ans)







Capsules SO2 libre: 30- 35 mg/l







Synthétiques/liège SO2 libre : 45 mg/l







• Vins blancs à rotations rapides (< 2ans)







Capsules SO2 libre : 25-30 mg/l







Synthétiques/liège SO2 libre : 35 mg/l







• BIB SO2 libre : 45 mg/l







En effet, pour rappel, 1 mg/l d’oxygène consomme 3 à 4 mg/l de SO2. En moyenne l’oxygène total se situe entre 1,5 et 3 mg/l s’il est géré, soit 4.5 à 12 mg/l de SO2 consommés… sans compter le rôle du bouchon liège.







Ces préconisations sont, bien entendu, à adapter en fonction des objectifs propres à chaque domaine.










Les points critiques vérifiés par le Coeb



Le Coeb propose des prestations de mesure dans les caves selon un mode opératoire défini par l’Inra. Le plan de contrôle alors permet des mesures sur cuves avant tirage, des mesures sur chaine d’embouteillage en cours de tirage et enfin, un rapport des points sensibles et voies d’amélioration.







La Commission technique du BIVB agrège maintenant toutes ses données qu’elle déjà a fait « remonter aux bouchonniers » pour qu’ils aient plus de retours "clients". Une démarche similaire devrait bientôt s’engager avec les verriers.