Prix du lait
« Le chacun pour soi n’est pas de mise »

« J’ai l’engagement du ministre de l’Agriculture sur le pacte laitier », rappelle Thierry Roquefeuil, président de la FNPL, à quelques mois de la fin des quotas laitiers. Interview.
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Vous avez un annoncé un pacte laitier au congrès de la FNPL en mars dernier. Quand sera-t-il opérationnel ?
Thierry Roquefeuil : la FNPL est à l’initiative d’un pacte laitier pour préparer l’après quotas. Je l’ai annoncé au congrès de Pontarlier en mars dernier. Mon idée est que, d’ici la fin novembre, les acteurs de la filière prennent des engagements avec les pouvoirs publics pour se préparer à ce nouveau monde sans filet et sans quota. La fin d’une politique laitière négociée entre les pouvoirs publics et la profession est actée avec la libéralisation de notre secteur. Nous sommes face à un incroyable défi. A la FNPL, nous sommes optimistes à neuf mois de la fin des quotas. Peu de secteurs économiques peuvent se prévaloir de tels potentiels de développement. La fin des quotas peut être positive pour toute la filière, à condition de faire preuve de responsabilité. C’est le fondement même de ce pacte. Il va se concentrer sur quelques mesures spécifiques pour plus de performance et d’innovation. Ce pacte doit initier des réflexions qui ne seront pas toutes finalisées en novembre. Ce sera l’amorce d’une volonté de travailler ensemble au niveau interprofessionnel régional et national. Le chacun pour soi n’est pas de mise au regard de l’ampleur du changement qui attend tous les acteurs de la filière. Nous avons un modèle laitier à défendre. Cela ne se fera pas en six mois après trente ans de politique administrée !

Qu’attendez-vous des pouvoirs publics ?

Th. R. : le ministre Stéphane Le Foll est prêt à s’engager à nos côtés pour préparer le monde laitier de demain. Le fondement d’un pacte qui engage l’Etat est l’assurance de créer de l’emploi et de la valeur ajoutée dans un secteur économique, en échange de mesures spécifiques qu’il nous faut inventer. Les vieilles recettes ne marchent plus. Ces nouveaux dispositifs doivent nous permettre de libérer les initiatives, de favoriser la création d’industries laitières et l’installation en production laitière tout en nous protégeant contre les crises. La filière laitière, fortement pourvoyeuse d’emplois est synonyme de produits de qualité, de territoires vivants économiquement et socialement. Sa balance commerciale affiche un résultat qu’on nous envie. La France aux mille fromages est une richesse et un gage de sérieux qui nous permet de conquérir les marchés émergents. Ne bradons pas ces atouts. C’est une réussite collective. Je n’accepterai pas que les entreprises décident seules quel producteur de lait sera "digne" d’être collecté ou pas. La liberté d’entreprendre est une liberté fondamentale pour les entreprises laitières mais aussi pour les producteurs de lait. Nous devons nous donner les moyens d’être maîtres de notre destin d’éleveur laitier. Ce ne sont pas aux seules entreprises de décider qui sera un éleveur d’avenir digne de recevoir des volumes de production supplémentaires ou pas.

De quelles marges de manœuvre disposez-vous face à des entreprises qui ont la main sur les prix et les volumes ?

Th. R. : je dis souvent qu’on ne change pas de politique laitière sur un simple claquement de doigt. Bâtir est un enjeu. Toutefois, je n’accepte pas que la libéralisation de notre secteur soit synonyme d’injustice entre les producteurs de lait français. Je n’accepte pas que la fin des quotas rime avec un droit nouveau détenu par les seules entreprises. Notre transformation ne peut décider seule sur quels territoires, pour quels volumes et à quel prix l’activité laitière existera. Renault ou Peugeot, sont de grandes entreprises, mais elles n’ont pas décidé du Code de la route ! Nous avons la responsabilité de décider ensemble d’une nouvelle politique laitière. Il nous faut réfléchir à un cadre contractuel partagé de filière. Il ne s’agit pas de refaire des quotas mais de définir des objectifs communs. L’interprofession –où les JA sont parties prenantes– a un rôle à jouer dans ce nouveau modèle d’organisation qui doit répondre à des enjeux aussi fondamentaux que l’installation, la pérennité de nos outils de production et la transmission de nos exploitations. Sans règles partagées, le pouvoir des uns deviendra vite le désespoir des autres. Au final, toute la filière y perdra. Je ne m’y résous pas.