70e congrès de la FNSEA
Le ministre dans la tourmente

Accueilli au congrès de la FNSEA, Stéphane Le Foll a été chahuté et hué pendant tout son discours par des responsables agricoles qui lui reprochent de ne pas apporter de réponses à la hauteur de leurs difficultés.
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« Les responsables agricoles ont le sentiment qu’on leur tourne le dos », a déclaré le président de la FNSEA, Xavier Beulin, à l’adresse du ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, qui venait de terminer son discours devant le 70e congrès de la FNSEA, lequel s’est déroulé à Laval, les 30, 31 mars et 1er avril. Il faut dire que Stéphane Le Foll venait de dérouler la totalité de ses propos, imperturbable, dans le brouhaha et les chahuts des congressistes dont certains avaient ouvert des parapluies, tournant le dos à la tribune…
Dans son discours d’accueil, Xavier Beulin avait donné le ton. « Je ne peux taire les désaccords qui sont les nôtres. Nous avons un passif, Monsieur le ministre ». Avant de faire l’inventaire sans concession de tous les sujets de mécontentement, même s’il reconnaissait, ici et là, quelques avancées. Ainsi en est-il de la mise en œuvre de l’année blanche, même si des instructions récentes viennent de sortir. « Le texte ne nous convient pas », a-t-il martelé. « Du même tonneau » pour la seconde enveloppe du Fonds d’allègement des charges, avant que le ministre s’engage « à ajuster et compléter ce qui a été fait ».
Le président de la FNSEA a plaidé pour la mise en place d’un congé formation pour ceux qui n’auraient d’autre alternative que de quitter le métier et d’envisager une reconversion professionnelle. D’ailleurs pour ceux qui sont en difficulté et pour protéger leur patrimoine privé, la FNSEA demande la création d’un statut de l’agriculteur et la mise en place d’une fiscalité professionnelle. « La fiscalité n’est plus adaptée aux conditions actuelles de l’exercice du métier. Elle mélange privé et professionnel et ne tient pas suffisamment compte des variations de revenu », a observé Xavier Beulin, qui souhaite une véritable fiscalité d’entreprise, interannuelle et qui favorise les investissements.

Le compte pénibilité sur la sellette


Si la FNSEA se félicite de la diminution des cotisations sociales de 10 points pour engager une baisse durable du coût du travail (lire en page GG de cette édition), il n’en reste pas moins que la politique de l’emploi du gouvernement a été décriée pour son manque de lisibilité. Il en va ainsi du compte pénibilité : les dispositions actuelles « sont inapplicables en l’état ». Il en allait de même sur la complémentaire santé inadaptée à l’agriculture, en raison du caractère saisonnier des activités.
Le ministre a été aussi interpellé sur les normes. Certes, la mise en place du comité d’élaboration des normes, promis par le Premier ministre en février, a tenu sa première réunion le 23 mars dernier. Pas de quoi rassurer complètement la profession, notamment sur la mise en place du Certificat d'économie phytosanitaire dont le décret est en préparation. « Pas de sur-transposition par rapport au cadre européen ! Nous voulons la norme européenne, ni plus, ni moins », a insisté Xavier Beulin.

Ligne rouge


Sur les filières, on sait que la FNSEA se bat pour un meilleur et plus juste partage de la valeur ajoutée entre les différents maillons. La contractualisation est une voie qu'elle promeut, à condition, bien entendu, qu'elle prenne en compte les coûts de production. « Les coûts de production doivent être des indicateurs qui servent à déterminer le prix des contrats ». Idée reprise par Stéphane Le Foll qui précisait que la loi Sapin 2 comportera un article en ce sens ainsi que la possibilité d'engager des négociations pluriannuelles. Plus précisément, elle intégrera un article interdisant la cessibilité des contrats laitiers ainsi qu'un renforcement des astreintes pour les entreprises qui ne publient pas leurs comptes. Comme Lactalis ou d’autre d’ailleurs…
Interpellé sur la Pac et notamment sur les SNA, les Surfaces non agricoles, le ministre a promis que les corrections effectuées cette année vaudraient pour 2015 et 2016 ainsi que pour 2017 et 2018. Mais il n'a pas répondu à la demande de report de la date limite de dépôt des dossiers Pac, ni d’ailleurs sur la levée de l'embargo russe ou, à défaut, de mesures de compensation. En revanche, comme la FNSEA, Stéphane Le Foll partage la nécessité d'étendre à l'échelle européenne la maîtrise de la production laitière. « Je vais reprendre mon bâton de pèlerin », pour convaincre nos partenaires réticents.
Quant aux négociations sur le traité transatlantique avec les Etats-Unis, le ministre a rappelé la ligne rouge de la France, à savoir pas de remise en cause des normes sanitaires européennes, ni d'ouverture des frontières qui compromettrait la capacité de production de l'Europe, sur la viande bovine par exemple. Il est vrai que, quelques instants plus tôt, Xavier Beulin lui avait demandé la suspension des négociations, l'agriculture ne devant pas être considérée comme une monnaie d'échange.
Il n’en reste pas moins que quelles que soient les réponses que le ministre ait pu apporter, la confiance est désormais rompue et on ne voit pas très bien ce qui pourrait la restaurer…