SMET 71 Ecocea à Chagny
La 3e révolution du gaz

Publié par Cédric Michelin
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C’est une première en France qui a eu lieu ce 17 septembre au SMET 71 à Chagny : du biométhane a été injecté dans le réseau de GRT Gaz. L’équivalent en quelques sortes du premier envoi d’électricité photovoltaïque sur le réseau EDF. Si cela paraît aujourd’hui courant pour l’électricité, c’est encore un sujet explosif pour le gaz. GRT Gaz parle même de « troisième révolution ». Qu’importe. Aboutissement de dix années de travail, tous les acteurs saluaient ce bel exemple d’économie circulaire. En effet, la consommation sera également locale. Y compris avec le compost sur les terres agricoles. Reste que ces énergies renouvelables ne sont –pour l’heure– pas encore viables, sans la contribution des habitants de Saône-et-Loire.
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Le Syndicat Mixte d’Etudes et de Traitement des déchets ménagers de Saône-et-Loire (SMET 71) est en effet un établissement public qui a pour mission de traiter les 70.000 tonnes d'ordures ménagères produites chaque année par les 315.000 habitants de son territoire, situés principalement le long du val de Saône et à l’est du département. Pour respecter la réglementation française et européenne, les élus du SMET 71 avaient décidé en 2009 de construire une usine permettant de trier les déchets pour produire avec du biométhane et du compost. Le coût du projet global s’élève alors à 40 millions d’€. Depuis janvier 2015, cette unité de tri-méthanisation-compostage (Ecocea) est mise en service. « C’est la plus importante de France avec une production de 2,6 millions de m3 de biométhane par an », insistait son président. Dominique Juillot en profitait pour saluer tous les acteurs historiques -Chagny, conseil Départementale, région Bourgogne, Ademe Bourgogne…- « solidaires » autour de ce « vrai projet d’économie circulaire ». Mais pas question de l’idéaliser pour autant. « Même si on s’inscrit dans un cercle vertueux, il ne faut pas laisser croire qu’on a trouvé LA solution en matière d’énergie renouvelable. Les recettes attendues ne couvrent pas les coûts d’exploitation. Même si les usagers payent, c’est le service public qui finance cette usine », tempérait immédiatement Dominique Juillot devant les médias nationaux. En effet, les habitants payent pour le ramassage de leurs ordures, ont subi depuis trois ans des hausses pour financer ce projet et enfin, les contribuables financent un tarif d'achat supérieur (réglementé) au prix du gaz actuel.

Changement de paradigmes



Mais une « révolution énergétique » est bel et bien en marche, selon le directeur général de GRT Gaz. Après le gaz de "ville" (charbon/houille), après le gaz "naturel" (mélange d’hydrocarbures), Thierry Trouvé estime que le gaz "vert" représente la « troisième génération » de gaz à venir. Pourquoi ? Car « le biométhane permet de passer à une énergie renouvelable sans avoir à modifier son installation de gaz ». Un vrai atout pour tout particulier ou toute usine, déjà équipés et reliés à GRTGaz.
Encore faut-il techniquement réussir à produire du méthane, à partir de déchets, respectant les normes réglementaires françaises. Ecocea a donc du rajouter 4 millions d’€ pour "épurer" le biogaz pour ne garder que le méthane, avant de le compresser pour l’injecter à haute pression (67,7 bars) dans le réseau de GRTGaz. La production n’étant pas constante (Ecocea ne fait pas d’apports de digestât le dimanche), des variations de quantité injecté existeront. GRT Gaz a donc conçu un système qui en permanence analyse le gaz injecté, vérifie sa conformité (par chromatographie) et l’odorise (avec THT) pour signaler aux usagers toute fuite possible.
Mais surtout le raccordement comptabilise la quantité de gaz. Car c’est bien une inversion des rôles pour GRT Gaz. « D’habitude, c’est nous qui livrons le gaz au client », souffle un technicien –qui mélange, comme la majorité des français– GRTGaz qui est une filiale à 75% de GDF Suez… distributeur et producteur respectivement, autrefois GDF.

Des bio-tuiles cuites au bio-méthane



A quelques centaines de mètres de là, Terreal fabrique des tuiles pour les toits d’habitation. Elle utilise pour cela des fours capables de les cuire à 1.000° C. Son directeur technologies et innovation, François Amzulesco réfléchi à ce projet depuis l’implantation de l’usine à Chagny en 2006. Le tout, sans avoir besoin de changer ses installations. Possible avec le biométhane distribué par GRTGaz. Le groupe s’est donc engagé avec le SMET 71 pour lui acheter un volume de gaz pendant 15 ans. La production totale annuelle de biogaz ne permettra cependant de couvrir, au maximum, qu’un tiers du « besoin énergétique » de Terreal. Le gaz "naturel" continuera d’être livré pour le reste, ne serait-ce que pour sécuriser l’activité industrielle. Un accord gagnant pour tous. « Sans Terreal, on produirait trop de biogaz pour tout Chagny », glisse notre guide. Mais ce choix n’est pas exclu et est d’ores-et-déjà techniquement possible.
En revenant voir sa famille paternelle originaire de Chalon, Laurent Musy, le PDG de Terreal, était visiblement fier « tant professionnellement que personnellement » d’annoncer que ses "bio-tuiles de Chagny" étaient maintenant fabriquées au "bio-méthane de Chagny" à partir de déchets verts et déchets ménagers locaux, illustration parfaite de l’économie circulaire en circuit court.


27.000 tonnes de compost



L'unité Ecocea reçoit 73.000 tonnes de déchets par an, soit 230 kg/habitant. Environ 50 % de ce total est fermentiscible. Ainsi, le méthaniseur dégrade cette matière organique pour produire du biogaz et 27.000 tonnes de compost par an. Les plans d'épandage réalisés par la chambre d'agriculture de Saône-et-Loire envisage donc un total de 1.350 à 1.800 ha (entre 15 à 20 t/ha) nécessaire. Un compost qui doit respecter la norme NFU-044. Des analyses sont réalisées pour chaque lot par Bourgogne du sud qui a signé un partenariat avec l'usine. Des analyses aléatoires sont aussi réalisées par la chambre d'agriculture. La coopérative se charge de venir chercher le compost à Chagny pour le livrer à ses adhérents inscrits à ce service. Pour l'heure, le site n'a pas encore atteint sa vitesse de croisière et les premières livraisons cet été n'ont été que partielle : 500 tonnes sortie usine fin août. Lors de la visite du site, le guide ne cachait pas qu'il peut rester jusqu'à « 2% de matériaux inertes (métaux...). La partie délicate du processus étant de trier le plastique dans les déchets verts ».