Viticulture de Saône-et-Loire
Passer des caps

Publié par Cédric Michelin
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Le 15 octobre à Buxy, la filière viticole donnait rendez-vous à ses partenaires pour faire un point d’étape sur les évolutions majeures en cours en Saône-et-Loire. Les millésimes 2012 et 2013 ont en effet rebattu nombre de données. Les exploitations -particulières comme en coopératives- font face à de nouveaux défis. Trois enjeux se dégagent donc : économique, potentiel de production, les deux pour installer et transmettre.
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« Ces dernières années, les prêts de trésorerie à court terme ont "pourri" vos capacités d’investissements (matériels, cuvage…), entamant la pérennité de vos exploitations ». « Aujourd’hui, nous ne pouvons plus nous baser sur les références historiques comme avec les rendements des appellations qui ne sont plus atteints ». « Dès lors, comment adosser des plans de financement pour installer des jeunes ? Pourtant, nous ne refusons pas de financer », expliquaient successivement les représentants des banques (Banques populaires, Crédit agricole et Crédit mutuel). La filière viticole en Bourgogne vit et subit de nombreux paradoxes, tant d’un point de vue économique, que technique ou politique. L’Union viticole de Saône-et-Loire a donc voulu coordonner les efforts de chacun en invitant l’ensemble de la filière à Buxy. Tous s’accordent à dire qu’il n’y a pas de distinction entre coopérateurs et chais particuliers, le critère « le plus important étant le capital technico-économique » du chef d’exploitation.

Résultats en baisse, mais impôts en hausse


Les faibles volumes des millésimes 2012 et 2013 ont été accompagnés d’une « explosion » des cours des vins, selon le BIVB, qui fait aussi état d'une hausse des coûts de production. « Les résultats baissent alors que le chiffre d’affaires est en hausse », résumait Emmanuel Bruno, de l'association de gestion et de comptabilité AS 71. Ce qui complique le volet fiscal, alors que la dernière loi de finance a encore durci le ton. « Les outils de compensation tendent à disparaître ». Le directeur des Finances publiques du département (DDFip), Pierre Royer, évoquait les dispositifs fiscaux « spécifiques » restants et le nouveau pacte de compétitivité qui démarrera au 1er janvier 2015 (CICE, exonération charges sociales…). Il ne voit cependant pas « d’évolutions fortes » supplémentaires de la part du Gouvernement ou du pouvoir législatif.

L'assurance de produire


Sur la gestion des risques et aléas, pour Groupama, Luc Chevalier ne cachait pas que les dernières campagnes difficiles ont « mis à mal » le ratio sinistre/cotisation passant « à 200 % de moyenne et avec des pics à 400 % ». Il en convient, l’assurance récolte « n’est pas la panacée avec une franchise qui n’est pas à la hauteur du bénéfice » en viticulture. Il invitait donc les pouvoirs publics à réfléchir à un dispositif permettant – comme aux Etats-Unis – d’assurer le revenu. D’autant qu’une « part grandissante (de vignerons, NDLR) n’ont plus aucun type d’assurance ». Le président de la MSA de Saône-et-Loire, Pierre Dufour, évoquant aussi la dégradation des recouvrements des cotisations sociales, « toutes productions confondues » d’ailleurs. Le président de la CAVB, Jean-Michel Aubinel, estime que le VCI – en blanc uniquement - peut « éviter des assurances » à l’avenir. Mais encore faudra-t-il le constituer et avoir encore la capacité de produire.

7.000 ha autour de lieux publics


Vice-président de l’Union viticole, Christophe Brenot en témoignait. Rien que l’Esca lui coûte 20.000 pieds à arracher et replanter sur 15 ha, soit 3 ha improductifs pour cette seule maladie du bois. « Sans parler des autres, d’Ecophyto ou de l’interdiction d’épandre à moins de 200 m autour d’un bâtiment public », critiquait-il. En Saône-et-Loire, la moitié du vignoble, soit 7.000 ha, serait concernée par cette dernière règle, a estimé la chambre d’agriculture.
Le DDT, Christian Dussarat expliquait « rechercher des voies équilibrées » pour ne plus voir s’opposer « production, économie et environnement ». Une communication positive en ce sens sera nécessaire.
Sur le long terme, Benjamin Alban a pour consigne de « remettre un mouvement lent vers la production », avec des conseils techniques pour ne pas perdre le bénéfice qualitatif de la baisse des rendements, voulue à une époque de “surproduction”. La question des cahiers des charges des ODG étant une nouvelles fois centrale. Dommage qu’aucun représentant de l’INAO n’ait pu répondre à la question de « sa réactivité ».
Chef du service FranceAgriMer à la Draaf Dijon, François Castanié pouvait lui parler des « autorisations » de plantation, « nouveautés qui avancent rapidement vers une libéralisation des anciens droits », même si des critères devraient encore protéger les zones AOC/AOP, des investisseurs s’implantant en Bourgogne avec des vins sans IG. Ce qui serait un bien plus grand bouleversement...



Des fermiers font grimper le foncier


Depuis janvier 2010, la Safer de Saône-et-Loire a enregistré 940 ventes concernant 917 ha de vignes pour un marché de 50 millions d’€. La Safer est intervenue sur un tiers d’entre elles (380 ventes ; 291 ha ; 16 millions €). Ces ventes parcellaires (97 ares en moyenne) caractéristiques de la Bourgogne « nous protègent des investisseurs », indique Emmanuel Cordier, le directeur. Son président, Bernard Lacour, insistant sur la politique départementale de conserver un « marché foncier connecté aux valeurs liées à la production ». Malgré cela, « le coût du foncier devient important », relève pour les JA, Ludovic Cottenceau. Pour 100 installations dans le département, quinze se font habituellement en viticulture. Sauf que le Répertoire à l’installation constate pour la première fois cette année, des vignes sans repreneur. Résultat, dans le Beaujolais ou dans le Couchois, ce sont les négociants qui reprennent les vignes pour faire des appellations régionales (bourgogne ou crémants) et gagner des parts de marché à l'export. « Nous avons un problème d’attractivité » sur certaines appellations, déplore Guillaume Bouchacourt, vice-président de l’Union viticole pour le Beaujolais, qui ne veut pas non plus se tourner que vers la solution de l’agrandissement (+30 % en moyenne entre 2000 et 2010).
Bernard Lacour insistant : « la politique du département vise à accompagner l’installation. Mais ce qui nous ennuie, ce sont les ventes avec des fermiers en place, protégés pourtant, qui augmentent les références et qui nous empêchent d’activer les leviers après ». Les fermiers « pèsent » en effet généralement pour un tiers dans la construction du prix de marché. Ces ventes au-dessus des références locales ne sont pas nombreuses mais « marquent les esprits ». D’autres « correspondent à des stratégies d’entreprises très individuelles et ponctuelles », pour compléter bien souvent sa gamme de vins par exemple. La Safer intervient alors pour faire des révisions de prix. Mais ces nouveaux référentiels sont autant de « freins » pour l’installation. Les coopératives réfléchissent à porter du foncier pour installer des jeunes. La transmission familiale restant le schéma le plus courant.




Maîtriser ses coûts de production


« On ne connaît pas nos coûts dans les exploitations familiales », déplore Marc Sangoy, vice-président de l’Union viticole sur le Mâconnais nord. D’autant que les coûts de production augmentent globalement de façon « préoccupante », souligne Bernard Lacour. Philippe Longepierre, qui travaille sur la question, insiste sur la notion de confidentialité de l’étude du BIVB qui vise à créer à terme un outil d’aide à la décision, « en fonction du potentiel de production » par parcelle. Et il n’y a que les viticulteurs directement qui peuvent le dire. Seuls vous, savez la valeur et la rémunération de vos baux ou parcelles par exemple pour enfin dégager « des pistes à creuser » pour que chaque viticulteur « s’approprie ses chiffres » et puisse les comparer avec d’autres.





Tenir les prix


« On s’est retrouvé plombés avec les petites récoltes. On sort d’une décennie où nous n’avons pas été assez vigilants sur nos coûts de production », constate amèrement Robert Martin pour la chambre d’agriculture. Les hausses des cours vrac n’ont pas compensé les pertes totalement et les hausses bouteilles ont déstabilisés les marchés. Derrière, le temps de vente provoque une « inertie entre ce qu’on entend au négoce et les paiements », rappelaient François Legros pour les coopératives et Eric Palthey pour les Vignerons indépendants. Or, « les coûts de production n’ont pas pour finalité le positionnement prix de vente », précisait Emmanuel Bruno, d’AS 71, faisant le lien avec le précédent sujet. « L’enjeu est de tenir les prix » et poursuivre la montée en gamme, reprenait Philippe Longepierre du BIVB. Il rappelait d’ailleurs que comparativement à l’inflation globale des autres régions viticoles concurrentes, la Bourgogne n’est pas si décalée…