Chardonnay
Une triple « dimension »

Publié par Cédric Michelin
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Emmanuel Nonain est un vigneron atypique. Ce coopérateur à la cave de Lugny est historien et géographe de formation. C’est ainsi qu’il a créé et développé Enoculture, sa société proposant des activités œnotouristiques, en parallèle de son métier de guide conférencier.
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Les touristes viennent en Bourgogne en premier pour ses vins. Faisant référence au cépage mondialement renommé, le village de Chardonnay est ainsi un « produit d’appel », notamment pour les clients étrangers (Japonnais, Australien…). Car « le vin est une culture », débute Emmanuel Nonain, ne distinguant jamais le cépage du village. Cet arrière petit fils de vignerons (depuis 1750) propose ainsi des rallyes pédestres « œno-culturels » pour partir à la "quête des origines du chardonnay". Rendez-vous est donné Place du millénaire, lieu de son siège à Chardonnay, aux visiteurs particuliers comme aux professionnels (15-20 €/HT/personne). Si les agences touristiques représentent la majorité de ses réservations, les entreprises font de plus en plus appel à des demi-journées de ce type pour développer la « cohésion » de leur équipe (teambuilding). Deux parcours sont donc au programme : soit la visite classique (1h30) soit le rallye en autonomie à l'aide d'un "roadbook". « Je suis persuadé que le tourisme passif est terminé. Le touriste moderne veut être actif et construire sa découverte », explique-t-il. Il s’agit alors de répondre à une série de questions, de tests, de jeux et d’activités manuelles (remuage des crémants…). Le but est de progresser sur trois « dimensions » pour tout savoir au final sur ce cépage mais également sur ses vins mondialement renommés et ce village de Bourgogne du Sud.

Comparer les chardonnays à Chardonnay



Les dégustations de vins issus du cépage chardonnay ne sont pas oubliées. Pour être totalement indépendant, Emmanuel achète les cuvées – provenant de vignerons, de coopératives et de négociants – en local, dans toute la France et du reste du monde (Australie, Californie…) pour permettre à ses clients de comparer. Mais pas question de déguster n’importe où. Son circuit permet de découvrir entre 3 et 5 vins issus du village, avec apéritif sur demande, sur le terroir même où ils sont produits. Il emmène ainsi ses 300 visiteurs annuels – à pied ou à 4x4 selon - dans le village et les vignes alentours pour des lectures de paysages et des histoires complémentaires sur le patrimoine bâti.
Arrivé en haut du village, il décrit le paysage qui s’étend jusqu’aux Alpes, en passant par le fossé bressan. « Nous sommes sur la 2e chaine du Mâconnais avant le val de Saône ». Un tiers de la surface de la commune est couverte en vignes. Il décrit alors les lieux-dits, les clos et leurs histoires relatives à cet océan de vignes. Il tend ensuite aux visiteurs un cahier avec des illustrations et leur demande de reconnaître le cépage. Un rudiment d’ampélographie pour reconnaître la grappe caractéristique et la forme de sa feuille (5 lobes, sinus ouvert, nervures le délimitant…). Un peu à la manière d’un Jules Guyot – l’agronome qui donna son nom à la fameuse taille – qui écrivit en 1860, sa découverte du « chardonet dans le village de Chardonnay ».
Il fait également comprendre les origines du cépage en s’arrêtant sur une parcelle plantée en pinot noir « de Chardonnay », qui, croisé avec le cépage gouais, a donné le chardonnay. « Tout est documenté. Le but ultime étant qu’à l’issu, les visiteurs aient compris les relations entre un cépage, un village et ses vins »

Transversalité des savoirs



« Il faut bien maîtriser le terrain pour le restituer de la façon la plus simple possible. Je maîtrise par exemple les processus de vinification et je sais expliquer ce que "cuver un vin" veut dire ». Sa transversalité se matérialise par son impressionnante bibliothèque, remplie de livres : architecture, histoire de l’art, religions, philosophie, histoire générale, sur le vignoble de Bourgogne, de France et du monde entier… Ce passionné érudit poursuit en parallèle son Master 2 à l’Université Lyon II : « très sensible » à la biodiversité et à la conservation des paysages.
Avec 200 habitants, les Charneurons semblent retrouver une certaine fierté à croiser des touristes dans leur village. Si la majorité de ses clients sont des entreprises, des retraités ou des scolaires, il officie parfois pour des enterrements de vie de garçons ou de filles. Pas facile toutefois de concilier cette activité lors des travaux de saison, notamment lors des vendanges. « Cela m’a pourtant dépanné une fois pour finir de ramasser les raisins en cagettes pour les crémants », sourit-il. 7.300 Hl (110 ha environ) sont revendiqués directement en AOC régionale Mâcon-Chardonnay qui peut également être produit à Ozenay, Plottes et Tournus. C’est la deuxième (15 % des volumes) appellation régionale Mâcon + nom de commune, juste après sa voisine : Mâcon-Lugny.
« Je vends aussi les vins des différents producteurs – au prix départ cave – pour ne pas frustrer mes clients. Un vin est toujours meilleur quand il est dégusté dans son milieu originel. Le touriste a alors une affinité directe avec, bien plus que chez un caviste à Paris. Le visiteur a ainsi l’impression d’emmener un bout de ses vacances. L'expérience œnoculturelle, c’est simple mais aussi très rare », conclut-il.