Elevage bovin
L’export ou la vie !

Eleveur dans la Nièvre et responsable de la commission Export d’Interbev, Emmanuel Bernard interpelle Stéphane Le Foll sur la nécessité d’anticiper dès maintenant l’afflux massif de réformes laitières sur le marché de la viande dans les mois à venir. Au risque d’une crise plus intense encore…
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Depuis plus de deux ans et après plusieurs décisions politiques, les cours des bovins viande ne cessent de dégrader. Et l’embargo russe ainsi que l’abandon des quotas laitiers nous entraînent dans une situation intenable.
Sur le marché intérieur, le choix opéré par la grande distribution, notamment Leclerc et Carrefour, de tirer les prix agricoles au plus bas met toutes les filières dans le rouge.
La seule production qui est aujourd’hui en train de récupérer des cours acceptables est le porc. De fait, depuis le début de l’année, les exportations vers la Chine se développent de façon exceptionnelle. Certes, toutes les entreprises ne sont pas agréées par les autorités chinoises, mais la remontée des cours bénéficie évidemment à tout le monde. Les éleveurs ne sont pas sauvés mais le moral revient et, finalement, la grande distribution achète le porc à 1,45 € sans broncher et le consommateur continue d’acheter du porc au même rythme que l’an dernier…
Débloquer les situations
En viande bovine, la situation est claire en matière de marché : soit la filière se laisse monter dessus par la grande distribution et les éleveurs n’ont aucune chance de sortir du tunnel, soit des débouchés à l’export permettront de rééquilibrer le rapport de force.
Si le marché turc fait partie des enjeux de cette fin d’année, il y a aussi la Libye, l’Iran, l’Egypte, Israël, etc. Comme toujours, pour ouvrir ou relancer des échanges nous avons besoin des autorités de l’Etat et de leur réactivité !
Sur la Turquie, c’est politique ; il nous faut un appui du ministre de l’agriculture. Sur la Libye, il faut un accord de Bercy pour que l’argent venant de ce pays puisse arriver en France. Aujourd’hui, les bateaux qui partent vers ce pays sont réglés à un intermédiaire espagnol, lequel prend une commission au passage. A ce sujet, je serais curieux de savoir si l’on prend autant de précautions lorsque l’on vend des armes… ?
Pour l’Iran, ce sont nos banques françaises qui bloquent les contrats. Certes, l’embargo est levé pour la France, mais comme ces banques sont installées aux Etats-Unis, elles craignent des sanctions de la part des autorités fédérales.
Enfin, en Egypte, nous y vendons régulièrement de la viande mais il y a beaucoup de difficultés pour faire sortir les devises du pays alors même que les acheteurs sont tout à fait solvables. Il y a, là encore, deux poids deux mesures ; en effet, lors de la vente des deux porte-avions par la France, cette question ne s’est pas posée…

Les solutions existent


Le nombre de destinations est beaucoup plus large et les problèmes beaucoup plus diversifiés. Ce qui est certain, c’est que les solutions existent, que des entreprises françaises sont en capacité de répondre à des acheteurs.
Pour aboutir, il nous faut des autorités françaises en phase avec les enjeux du moment difficile que nous vivons.
Arrêtons de laisser aux services vétérinaires ainsi qu’aux banquiers de Bercy et d’ailleurs le soin de décider de ce qui bon pour nous !
Ayons un ministre qui se transforme en VRP des productions françaises !
Laissons l’administration continuer à se noyer dans la Pac, dans la recherche de nouvelles contraintes car cette machine ne sert plus qu’à cela !
Il nous faut instituer un système dans lequel le ministre, accompagné de professionnels du commerce, fasse le travail de prospection et de promotion de nos produits. Nos avons des atouts, malheureusement, une trop grande partie des services administratifs du ministère de l’Agriculture ne sert plus qu’à nous trouver de nouvelles contraintes. Et l’inversion de cette tendance n’est pas encore à l’ordre du jour !
L’enjeu est donc très simple pour cette fin d’année, monsieur le ministre : soit vous faites le "job" et les résultats seront au rendez-vous, soit vous laissez faire votre administration et il ne se passera rien !
Notre avenir est entre vos mains…