Fertilisation du maïs
Localiser l’engrais pour économiser

Publié par Cédric Michelin
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Arvalis-Institut du végétal est en train d’effectuer des essais de fertilisation du maïs en localisant l’engrais. L’objectif de cette méthode – Cultan – est une meilleure efficacité en évitant en plus la volatilisation. Les premiers tests semblent encourageants même si ils se poursuivent, notamment pour évaluer les gains économiques.
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Le défi actuel de l’agriculture est de produire des produits de qualité, en étant compétitif, tout en limitant autant que possible tout risque d’impact sur l’environnement. Optimiser au maximum l’efficience des fertilisants azotés est stratégique pour répondre à cet enjeu. En limitant au maximum les risques de pertes vers les eaux d’une part et en évitant les pertes vers l’atmosphère par volatilisation d’autre part, on peut essayer de répondre à ce double enjeu et ainsi produire mieux.
L’élément « azote » est particulièrement sensible à ces deux phénomènes. Si le premier a été largement étudié, il n’en est pas de même pour les pertes dans l’air encore appelé « volatilisation » dans le cas de la forme ammoniacale et « émissions » dans le cas du protoxyde d’azote. L’ammoniac est un précurseur de particules fines préjudiciables à la qualité de l’air alors que le protoxyde d’azote est un gaz à effet de serre. Selon le Citepa (Centre interprofessionnel d’étude de la pollution atmosphérique), l’agriculture est responsable de plus de 95 % des émissions d’ammoniac en France et l’épandage de fertilisants minéraux représente près de 22 % de ces émissions (2011).

Optimiser les doses



Parfaitement adapté au contexte pédoclimatique de l’Est de la France, le maïs valorise les fertilisants apportés par d’excellents rendements. Travailler encore à optimiser les doses et les dates d’apports de l’azote est forcément un enjeu environnemental fort pour la région.
Pour le maïs, l’engrais est généralement apporté après le semis, en une ou deux fois, sous forme solide et positionné en surface. La forme d’engrais la plus utilisé est l’urée. On sait que cette forme est particulièrement sensible au phénomène de la volatilisation si les granulés restent sur le sol par un temps sec, chaud et quelquefois venteux. Ces conditions sont souvent rencontrées d’avril à juin, période de fertilisation des maïs. Pour remédier aux risques de pertes vers l’air lors de la fertilisation du maïs, la localisation des engrais au semis ou juste après, qui consiste à enfouir le fertilisant à proximité de la graine ou de la jeune plante est une des solutions à étudier.

De nombreux bénéfices



Des expérimentations réalisées de part et d’autre du Rhin consistent à comparer les effets de l’enfouissement de l’engrais azoté par rapport à la technique conventionnelle de l’apport en plein en surface. On rajoute un degré supplémentaire dans les tests en localisant l’azote en profondeur et en appliquant une forme d’engrais qui se mettra progressivement à la disposition des plantes.
Le projet consiste à mettre au point un outil d’injection de précision d’engrais azoté solide et de tester différents types d’apports azotés dans les situations les plus fréquemment rencontrées dans la plaine du Rhin, à savoir les sols légers et caillouteux et les sols limoneux profonds.
Les bénéfices attendus sont de trois ordres :
- Diminution du lessivage d’azote nitrique vers les nappes par rapport aux pratiques conventionnelles, la forme d’azote ammonium étant plus stable dans le sol.
- Moindre volatilisation de la forme ammoniacale dans l’atmosphère, du fait de l’incorporation de l’engrais.
- Plus-value économique pour les agriculteurs, grâce à une baisse des coûts de production, principalement via l’économie d’engrais (meilleure efficience des apports) et de carburants (un seul passage couplé avec le semis)

Economie d’engrais



Ce dernier volet est important et devrait entraîner l’adhésion des agriculteurs afin qu’ils adoptent cette méthode de la localisation des engrais pour la culture du maïs.
Car, le principe de la méthode Cultan est de localiser un dépôt d’engrais azoté le plus concentré possible en forme ammonium. De ce fait, il inhibe l’activité des micro-organismes qui participent à la nitrification et la transformation en nitrates. L’engrais est libéré progressivement.
Comme il n’existe pas de forme d’engrais solide suffisamment concentré en ammonium, Arvalis-Institut du végétal et ses partenaires ont utilisé la forme Alzon 46 (urée avec un inhibiteur de nitrification). D’autres formes - avec des inhibiteurs d’hydrolyse tels que le Nexen ou l’Utec - seront également testés.

Rendements pleins



Dans les premiers essais d’Arvalis en France et en Allemagne, localiser l’azote un inter-rang sur deux ne provoque pas de diminution de rendement par rapport à la l’apport en plein. Les techniciens allemands avancent même une diminution possible de la dose d’azote de l’ordre de 20% grâce à une meilleure efficience de l’engrais, moins de pertes par volatilisation et par drainage.
Les essais réalisés en France montrent pour l’instant une productivité conservée même à très haut niveau de rendement. Il faudra aller plus loin dans les études pour affiner la possibilité de réduction de doses mais tous les indicateurs sont au vert pour aller dans ce sens (moins de pertes, libération progressive de l’azote au fur et à mesure des besoins de la plante…)
Figure 1. Devenir d’un apport d’engrais azoté
Pendant la transformation de l’urée en ammonium par hydrolyse, une partie de l’azote est susceptible de se volatiliser dans l’air sous forme d’ammoniac (NH3) (voir figure 1).

L’enfouissement de l’azote, plus particulièrement de manière localisée, est étudiée dans le cadre du projet Européen INDEE, acronyme de « Injection d'engrais N sous forme de Dépôt pour plus d´Efficience et moins d´Emissions dans l'environnement ». Il repose sur la mise en œuvre de la méthode Cultan (Controled Uptake Long Term Ammonium Nutrition que l’on peut traduire par Absorption contrôlée d‘azote par alimentation de longue durée en ammonium)

Schéma 3D du placement précis du dépôt d’engrais

Figure 2. Quantité d’azote ammoniacal volatilisé (en % de l’azote total apporté) après l’apport d’engrais azoté sur maïs sur divers lieux. Urée surface et urée enfouie par binage : apport en 2 fois / Cultan : apport en 1 fois.
A titre d’exemple, l’essai conduit à ARTZENHEIM en 2014 met en évidence une légère émission (4%) suite à l’enfouissement de l’urée par une bineuse, alors que la méthode CULTAN n’en génère aucune. Cette différence pourrait provenir du fait que certains granules d’engrais restent quand même à la surface du sol, par exemple autour des plantes, suite à l’enfouissement par binage. L’azote laissé en surface se volatilise à hauteur de 28 % !