Jean-Marie Lefort
Les entreprises de travaux ont la cote !

Très répandues en France, les entreprises de travaux agricoles et viticoles se développent en Bourgogne jusque dans les zones d’élevage. A l’heure où la main-d’œuvre se fait plus rare dans les exploitations et face à la dérive des coûts de mécanisation, les ETA représentent une alternative crédible en offrant la possibilité d’externaliser certaines tâches.
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Les ETA ont aujourd’hui le vent en poupe même si, historiquement, elles n’étaient pas très répandues dans les secteurs dominés par l’élevage comme la Saône-et-Loire. Selon Jean-Marie Lefort, vice-président de la Fédération nationale des entreprises des territoires (FNEDT) et secrétaire général d’EDT Bourgogne, deux raisons expliquent ce regain d’intérêt. D’abord, il y a de moins en moins d’actifs agricoles et de moins en moins de main-d’œuvre dans les exploitations. D’autre part, le matériel, toujours plus gros, est de plus en plus sophistiqué, ce qui le rend moins accessible aux exploitations, tant en termes d’investissement que de compétences techniques. « Avec l’électronique embarquée, le guidage par GPS, les drones…, les nouveaux matériels nécessitent de la main–d’œuvre performante et formée », affirme Jean-Marie Lefort. La mission des entreprises de travaux agricoles est justement de fournir ce matériel performant et cette main-d’œuvre qualifiée. Et « à la différence des autres modes de mécanisation partagée que sont l’achat en commun, l’entraide, la location…, l’entreprise est la seule alternative apportant à la fois la machine et le chauffeur », défend le vice-président de la FNEDT.

Machine avec chauffeur


Un service clé en main qui mérite d’être étudié de près dans des exploitations de polycultures élevage perpétuellement débordées par le travail. Et Jean-Marie Lefort de prendre l’exemple des épandages d’engrais de fin d’hiver qui, cette année, auraient dû être réalisés très précocement et qui, tombant en pleine période de vêlage, ont été accomplis avec retard et ont provoqué le jaunissement de bon nombre de champs de céréales en ce mois de mars ! « Sans compter que pour réaliser son chantier d’épandage lui-même, l’éleveur va perdre du temps à atteler, nettoyer, remettre en service son "semoir" pour seulement quelques heures, tout cela pour un épandage de qualité moyenne du fait d’un matériel dépourvu de dispositif de précision. L’entreprise fournit la machine, le carburant, le tracteur, le chauffeur et en plus, elle le fait beaucoup plus vite et mieux ! », résume le représentant des entrepreneurs qui prédit aussi que les chantiers d’épandage d’engrais - tout comme de pulvérisation - vont devenir de plus en plus « compliqués » d’où le besoin d’intervenants « spécialisés », estime-t-il.

Leaders dans l’épandage


Parmi les tâches que les éleveurs délèguent de plus en plus aux entreprises, les épandages de fumiers et de lisiers explosent. Avec l’augmentation de la taille des élevages, la généralisation des aires paillées, la dispersion des parcellaires du fait de l’agrandissement, les chantiers d’épandage d’effluents se sont transformés en corvées terriblement chronophages. Dotée d’un matériel que ne peut rentabiliser un éleveur seul, l’entreprise offre un débit de chantier sans commune mesure, tout en délestant entièrement le client de ce fastidieux travail. Sans oublier la qualité de la prestation avec des épandeurs capables de réguler leurs débits ; des convois équipés de pneus basse pression pour préserver les sols… « Les ETA innovent sans cesse ! Certaines sont capables de prendre en charge l’alimentation d’un troupeau à l’aide d’une mélangeuse automotrice. Elles ont accompagné le retour de remorques ensileuses-autochargeuses et pourraient tout à fait prendre en charge des chantiers de fenaison ».

L’analyse des coûts de mécanisation parle…


Contrairement à certaines idées reçues, faire appel à l’entreprise est loin d’être incompatible avec une optimisation des charges d’une exploitation. D’abord, le coût de l’entreprise intègre la main-d’œuvre, le carburant, le temps : autant de charges dont l’exploitant sera libéré par ailleurs. Il ne faut pas oublier non plus la technicité permise par l’entreprise et la qualité de travail qui peut en découler. Pour Jean-Marie Lefort, en termes de tarifs, les entreprises n’ont pas à rougir face aux autres modes de mécanisation partagées, ni vis-à-vis des coûts de mécanisation des exploitations. D’ailleurs, le vice-président de la FNEDT dénonce « les coûts exorbitants de mécanisation régulièrement pointés du doigts par les centres de gestion qui traduisent un sur-équipement phénoménal en France, bien supérieur à ce qu’il est à l’étranger », observe-t-il. Convaincu que le recours à l’entreprise représente une alternative économique tout à fait crédible pour la mécanisation des exploitations, le secrétaire général d’EDT Bourgogne invite les agriculteurs à analyser leurs coûts de mécanisation et à les comparer avec les tarifs pratiqués par les entreprises et les autres formules de mécanisation « partagées ».

Repenser la relation entre prestataire et client


« C’est dans les périodes de difficultés que les entreprises ont le plus de demandes », confie Jean-Marie Lefort qui constate que, pour les agriculteurs, le recours à l’entreprise n’est pas incompatible avec la recherche d’économie. Mais ce rôle de « roue de secours » ne permet pas d’optimiser la relation entre l’entreprise et sa clientèle. « Il faudrait considérer ses rapports avec son entreprise différemment », estime le vice-président de la FNEDT. Ce dernier aimerait voir instaurée « une relation plus mature entre les agriculteurs et leurs ETA » : anticiper les chantiers en début de saison ; pourvoir compter sur un minimum d’engagement… Les entrepreneurs seraient d'ailleurs favorables à une forme de « contractualisation » avec leur clientèle, l’objectif étant de limiter les appels en catastrophe et de prendre le temps de se mettre d’accord sur le travail à accomplir et les conditions de réalisation du chantier. « Il faut repenser totalement la relation entre le prestataire et le client », conclut Jean-Marie Lefort.

Faire sauter les freins…


Dans un secteur agricole en pleine mutation, les entreprises de travaux agricoles ont des choses à apporter aux exploitations. Mais pour cela, il faut arriver à dépasser un certain nombre d’idées préconçues et de freins, à commencer par ce réflexe ancestral de vouloir tout faire avec son propre matériel et cela sans déléguer. Culte du travail accompli doublé d’une hantise des fournisseurs ou prestataires extérieurs quel qu’ils soient… Le vice-président de la FNEDT estime par ailleurs que la cause des entreprises souffre aussi d’une conception des chantiers très influencée par la philosophie coopérative et mutualiste. Sans vouloir opposer les systèmes, le représentant des ETA regrette que les entreprises qu’il défend ne bénéficient pas des mêmes exonérations fiscales que d’autres schémas de la mécanisation. Jean-Marie Lefort constate que les ETA sont finalement les seules concernées par la réglementation issue du Grenelle de l’Environnement. Avec toutes les exemptions qui ont été consenties sous la pression de différentes organisations professionnelles, la réglementation s’applique qu’à 5 % des épandages, ceux qui sont effectués par les entreprises, assure-t-il. Actuellement, la FNDT se bat pour que les entreprises soient éligibles au Certificat d’économie de produits phytosanitaires.



Entreprises des Territoires
79.000 emplois en France


Les entreprises de travaux agricoles (ETA) constitueraient l’un des rares secteurs du régime agricole à voir sa masse salariale progresser. A l’échelle nationale, on recense près de 13.000 ETA agricoles générant pas moins de 79.000 emplois. Les ETA sont très implantées dans les zones de production de cultures industrielles, type betteraves, pomme de terre, légumes… (Nord-Picardie, Champagne, Alsace…). « Plus la mécanisation est lourde et sophistiquée, plus nous sommes présents », résume Jean-Marie Lefort. Les entreprises sont également bien implantées dans l’ouest de la France, signe que les éleveurs - laitiers en premier lieu - prennent l’habitude de déléguer un certain nombre de travaux mécanisés.

168 ETA en Saône-et-Loire


La Saône-et-Loire compterait 168 ETA sur son territoire pour environ 871 emplois. Elles seraient 456 à l’échelle de la Bourgogne en comptabilisant les secteurs "agricole" et "rural" pour 1.700 emplois. Une forte progression du nombre d’entreprises est observée en Bourgogne ces dernières années, fait valoir Jean-Marie Lefort, même si ce dernier admet qu’il est assez difficile de comptabiliser les ETA, car parmi celles-ci coexistent des entreprises qui réalisent la majorité de leur chiffre d’affaires dans les travaux agricoles et d’autres, plus « opportunistes », qui ont créé une structure pour répondre à des impératifs de législation (épandage de produits phyto par exemple ou Gaec souhaitant se diversifier dans les travaux agricoles…).

Une union syndicale


EDT Bourgogne - EDT pour Entrepreneurs des territoires - est l’union régionale des syndicats départementaux « des prestataires de services de travaux agricoles, forestiers et ruraux ». EDT Bourgogne représente ainsi près d’un millier d’entreprises dont la moitié sont des entreprises forestières et sylvicoles, l’autre moitié des entreprises de travaux agricoles et ruraux. Ces structures représentent près de 3.000 emplois en Bourgogne. Le président en est Jean-François Rochette de Bragny-sur-Saône et le secrétaire Jean-Marie Lefort de Saint-Léger-lès-Paray. EDT Bourgogne fait partie d’une fédération nationale : la FNEDT. Le Saône-et-Loirien Jean-Marie Lefort en est le vice-président, responsable du secteur agricole.








Bien que le recensement des entreprises de travaux agricoles ne soit pas chose facile, EDT Bourgogne estime que la Saône-et-Loire dénombre environ 170 entreprises actives sur le territoire, dont près de 25 % sont adhérentes à l’union régionale EDT Bourgogne.

Les missions de cette union sont d'informer les entreprises, de représenter les particularités des métiers, de répondre aux interrogations des chefs d’entreprises. Localement, l'Union communique sur les EDT, représente les entrepreneurs auprès des institutions et participe au dialogue social. Le réseau des adhérents EDT Bourgogne, tant d’un point de vue géographique que d’un point de vue technique, est relativement homogène avec un large panel de travaux proposés sur un maillage équilibré du territoire.
Pour répondre à la demande de leurs clients et proposer des prestations de qualité, les entreprises sont largement employeuses de main-d’œuvre tant sur des postes permanents que sur des postes saisonniers pour les périodes les plus actives. Au niveau national, ces questions relatives à l’emploi et au perfectionnement des salariés sont régulièrement abordées et des actions sont conduites par la FNEDT en collaboration avec les spécialistes de l’emploi pour une meilleure identification des métiers présents au sein de nos entreprises, pour un développement de formations spécialisées sur la gestion des chantiers en ETA ou bien encore sur des partenariats actifs avec des centres de formation.
Intervenir chez des tiers, travailler avec des contrats de prestations, s’adapter à des réglementations environnementales et proposer un large panel de prestations souvent dans des domaines spécialisés sont autant de caractéristiques plaçant les entrepreneurs comme partenaires des exploitations agricoles du territoire.
Pour en savoir plus : edt-bourgogne@orange.fr ou www.fnedt.org