Race montbéliarde
Se préparer à 2019…

Présente sur tout le territoire français et très demandée dans le monde, la race montbéliarde se porte bien. Mais comme toutes les races françaises, elle va devoir se mettre à l’heure du nouveau règlement zootechnique européen, lequel entrera en vigueur en janvier 2019. D’inspiration libérale, ce projet vise à casser le modèle administré de la sélection à la française, en autorisant la création de plusieurs "breed society" par race et par pays. La fin d’une époque.
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Le 4 mars dernier à Charrette-Varennes, dans le cadre des assemblées générales de Lait’lite 71 et des syndicats de race, l’organisme de sélection de la race montbéliarde a tenu son assemblée générale de section pour la Bourgogne. La section Bourgogne de l’OS compte un peu plus de 500 adhérents sur un total de 17.000 à l’échelle nationale. Plus de la moitié de ces adhérents sont en Saône-et-Loire et il est à noter que la section Bourgogne est la seule des sept sections de l’OS à progresser en effectif. Au chapitre de l’activité "Livre généalogique", on retiendra que la race se féminise avec 8,4 % de femelles en plus en cinq ans du fait du développement des semences sexées. 2015 voit une nouvelle augmentation de l’édition de pedigrees export (13.721), conséquence de la forte demande de génisses montbéliardes à l’étranger, Algérie en tête (pour 61 %) suivie, dans une moindre mesure, de la Russie, du Maroc et de la Turquie. En 2015, la race a enregistré une hausse de de +31 % du nombre de semences exportées. Des chiffres qui tendent à montrer « que tous les voyants sont au vert pour la montbéliarde ». La race est par ailleurs implantées aux quatre coins de la France, y compris en Bretagne, et voit ses effectifs constamment progresser depuis 2000 (avec 439.000 lactations en 2015) alors que les races holstein et normande sont en recul. Avec 7.689 kg de lait par vache et par an, la Saône-et-Loire compte parmi les départements les plus performants pour la race, bien au-dessus de la moyenne nationale (7.079 kg).

Nouveau règlement zootechnique européen


La montbéliarde est sans doute l’une des races françaises qui se porte le mieux aujourd’hui avec des opportunités réelles en termes de développement et de plus-values. Des voies s’ouvrent à elle dans le monde entier avec aussi le développement du croisement à trois voies "cross"… Mais comme toutes les races de France, elle est à un tournant de son histoire. La raison de cette épreuve est « le nouveau règlement zootechnique européen qui va remplacer la loi française sur la sélection à compter de janvier 2019 », expliquent les responsables de l’OS. « Un gros changement qui va mettre fin au système français administré par la loi de l’élevage », tel qu’on le connaît aujourd’hui. A la place, le règlement zootechnique européen instaure la création de "breed societies" (BS ou BSUE). Impératif libéral européen oblige, plusieurs "breed society" pourront être créées au sein d’une même race ou d’un même pays. Et chacune de ces nouvelles BS auront le droit de « gérer - par délégation - le programme de sélection ; la gestion et la définition des objectifs de race ; le choix de diffusion des reproducteurs ; le livre généalogique ; le contrôle de performances ; l’indexation… Ces futures BS pourront être agréées par l’Etat si elles assurent toutes ces missions ».

Changement radical


C’est un changement radical dans une sélection animale jusqu’alors très encadrée et qui appartenait toujours aux éleveurs avec une répartition des tâches, certes complexe, mais reposant sur des valeurs collectives et mutuelles. Le nouveau règlement européen rend clairement possible une libéralisation et un éclatement des races françaises sur le modèle privatisé de la sélection végétale.
Pour l’OS montbéliarde, il y a là un risque de dérive qui justifie au moins un minimum de « mutualisation autour du livre généalogique, de la définition du standard de race, de l’indexation et même d’une promotion générique en commun ». Au-delà du risque de voir fleurir des standards de race divergents, les responsables de l’OS s’inquiètent du contrôle de performances qui, pour être pertinent, doit être le même pour tout le monde, de sorte que les index soient comparables entre animaux. Or, tel qu’il est présenté, « le texte européen permet tout en la matière », prévient le président de l’OS, Alain Vuaillat. Au niveau de l’Union européenne, l’esprit de cette nouvelle loi « est que l’éleveur aie le choix ». Mais sous couvert de cela, le nouveau dispositif ouvre aussi la race à la concurrence. Et pour les responsables de l’OS, certains pays étrangers, notamment européens, « pourraient avoir les dents longues ! ». Pour faire face, Alain Vuaillat plaide pour que la montbéliarde reste unie en France.



Risque d’éclatement


La race montbéliarde compte plusieurs unités ou entreprises de sélection qui siègent pour la plupart dans l’OS montbéliarde (Umotest, Jura Bétail, Montbéliarde Sélection). Ce sont ces entreprises de sélection qui assurent la création et la diffusion de la génétique montbéliarde en France et dans le monde. Certains craignent qu’en vertus du nouveau règlement zootechnique européen, « chaque unité de sélection crée sa propre BS pour son propre intérêt économique au risque de fermer la porte à la diversification - qui régnait jusqu’alors au sein de la race unie - et de briser LA Montbéliarde ». Les intéressés avancent que « chaque BS pourrait alors choisir ses partenaires, sans l’aval de ses éleveurs, dans des catégories comme la tenue du livre généalogique, du contrôle des performances et du calcul des index qui en découlent, avec ce que cela implique en termes d’impartialité… ». Pour éviter ce scénario, ces défenseurs de la montbéliarde prônent « la création d’une seule BS raciale, dans la continuité de l’Organisme de sélection, qui pourrait, dans ce cas, laisser libre action aux unités de sélection de gérer leur propre schéma et de laisser à l’éleveur ses propres choix de partenariat. Mais avant tout, l’impartialité des index serait assurée, ce qui paraît primordiale pour une bonne dynamique raciale ». En cela, ces acteurs de la montbéliarde rejoignent - et prennent pour exemple - leurs homologues charolais signataires d’une charte de cohésion raciale lors du dernier Salon de l’agriculture (lire notre édition du 18 mars en page 6). Un exemple d’autant plus pertinent que l’une des entreprises de sélection charolaise aurait déjà décidé de créer sa propre "breed society". Comme quoi, le scénario évoqué plus haut est loin d'être une simple vue de l’esprit…