Génétique laitière
Une autre version de la montbéliarde

"Montbéliarde sélection" est la dernière née des entreprises de sélection montbéliarde. S’appuyant sur 300 élevages détenant 20.000 montbéliardes pour l’essentiel en montagne et production AOC, MS pour Montbéliarde sélection propose un modèle alternatif de la race franc-comtoise où la rusticité, la mixité priment sur l’ISU. Découverte.
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Le 25 février dernier, Montbéliarde sélection organisait son exposition annuelle à Lons-le-Saunier (39). Agréée comme entreprise de sélection et de mise en place en 2009, Montbéliarde sélection (MS) est la dernière-née des trois ES, entreprise de sélection, de la génétique montbéliarde. Son histoire remonte cependant à la fondation du premier centre d’insémination montbéliard en 1948 et au lancement du testage sur descendances en 1952. C’est en effet à Emile Richème, l’initiateur du centre d’insémination Jura Bétail, que MS doit son existence. Contraint de quitter sa coopérative pour cause de conflit, ce charismatique ingénieur jurassien fondait en 1978 Montbéliarde sélection. A sa disparition, la SARL Comtoise MLS était créée en 2001. Et en 2009, l’agrément d’entreprise de sélection marqua un nouveau départ avec la possibilité de diffuser les taureaux MS à tous les éleveurs.

Association d’éleveurs


La SARL Comtoise MLS est aujourd’hui constituée d’un associé unique, en l’occurrence l’association d’éleveurs Montbéliarde sélection. Car MS demeure avant tout une démarche d’éleveurs. A sa tête, un conseil d’administration composé de 17 détenteurs de montbéliardes, lesquels s’impliquent fortement dans les décisions et la gestion de l’entreprise. Structure juridique assurant la gestion quotidienne de MS, la SARL Comtoise MLS est l’entreprise de sélection et de diffusion proprement dite avec son siège à Montrond (39).
MS représente environ 300 éleveurs pour une base de sélection de quelque 20.000 vaches. « Elle rayonne sur le berceau de race franc-comtois, mais également en Savoie, dans le Cantal, la Loire, en Auvergne, dans le Nord, en Suisse et même en Belgique », détaille son directeur Régis Gremion (1). Les taureaux MS séjournent au centre de production de semences ElvaNovia de Fontaines où ils sont collectés. En 2014, MS a progressé de +2,4 % en termes de parts de marché et l’entreprise ne cache pas ses ambitions de développer ses ventes auprès d’une clientèle s’orientant vers des systèmes moins intensifs, plus durables.

Sélection linéaire


L’originalité de MS est d’être restée fidèle à la « sélection linéaire », un concept initié dès les années soixante par Emile Richème et qui est aujourd’hui une spécificité de l’entreprise. Elle consiste à travailler des lignées en les perfectionnant de génération en génération par la sélection et l’amélioration de deux ou trois caractères au sein de chacune de ces lignées. MS dispose ainsi de dix lignées avec chacune leurs points de force.
Impliquant des accouplements consanguins pour la création des mâles, cette « sélection linéaire » permettrait de conserver une diversité génétique importante, d’où une plus grande facilité de croisement. Et les taureaux MS affichent « d’excellents résultats dans les valeurs fortes de la race », assurent les intéressés. « Notre système de sélection est particulièrement efficace puisque, avec un effectif limité et en testant peu de taureaux en comparaison des autres unités, nous parvenons à des résultats satisfaisants », fait valoir Régis Gremion.

Rustique, solide et mixte


Comme ses responsables aiment à le dire, c’est une autre version de la montbéliarde que MS propose aux éleveurs. « A la différence des autres entreprises de sélection, nous ne sommes pas des adeptes de la culture du chiffre ISU ! », confie le directeur. Sélectionnée par des élevages pour 90 % d’entre eux en système foin-regain et production AOC de montagne, la montbéliarde MS est avant tout une vache « rustique, solide et performante économiquement ». La mixité originelle de la montbéliarde est l’une des valeurs auxquelles les éleveurs de MS sont particulièrement attachés. Alors que la race avait tendance à se dégrader en aptitude bouchère, MS a tout fait pour la préserver. Autre spécificité, en bon puriste de la morphologie montbéliarde, l'entreprise sélectionne aussi la couleur du pelage de ses animaux. Conséquence de cette sélection originale, les troupeaux MS sont « remarquables d’homogénéité », fait valoir Régis Gremion.
Depuis peu, MS fait génotyper tous les mâles candidats au testage sur descendances. La sélection génomique va ainsi permettre à l’entreprise de « pré trier » ses taureaux de testage. « Les éleveurs ont par ailleurs la liberté de génotyper leurs femelles », précise Régis Gremion.

(1) Régis Gremion n’est pas un inconnu en Saône-et-Loire puisqu’il a officié en tant que technicien génétique à la chambre d’agriculture 71 avant de devenir directeur technique du Herd-book charolais. Depuis 2012, ce fils d’éleveur du Haut-Doubs est revenu au pays de ses attaches familiales où il se consacre à la génétique montbéliarde.



Anthony Nicolet, producteur de Comté bio

Du lait et de la viande !


Anthony Nicolet fait partie d’un Gaec à 30 km de Lons. A quelque 700 mètres d’altitude, lui et ses trois associés produisent environ 450.000 litres de lait avec 65 montbéliardes. Adhérente d’une petite fruitière à Comté, la famille Nicolet s’est convertie au bio en 1998, suivant les conseils de l’affineur, demandeur en lait à Comté bio. Cette conversion a sauvé la coopérative qui a doublé son nombre de producteurs et triplé son litrage. Le lait à Comté bio est payé 570 € tonne (soit 100 € de plus que le lait à Comté standard). Les vaches du Gaec sont nourries à l’herbe pâturée, au foin et au regain. En bio, la proportion de concentrés autorisée descend à 1.500 kg par vache et par an. Chez les Nicolet, la production moyenne par vache est de 7.185 kg de lait. « Avec la génétique MS, on trouve les vaches solides et rustiques, dont nous avons besoin. Nous faisons autant de lait que les autres et nos rendements fromagers sont bons. Dans notre troupeau, nous avons beaucoup de vaches de plus de dix ans », confie Anthony. Mais ce qu’apprécie par-dessus tout le jeune éleveur, c’est la mixité des taureaux MS. L’élevage fait partie d’une association qui fournit la restauration collective sur Lons-le-Saunier. En 2014, la famille Nicolet a ainsi engraissé une quinzaine de vaches de moins de huit ans pour ce créneau. Or ces femelles issues de la génétique MS affichent des poids de carcasse globalement supérieurs aux autres, signale Anthony. Le poids moyen des vaches du Gaec Nicolet est de 370 kg, mais nombreuses sont celles qui dépassent 400 kg de carcasse ; jusqu’à atteindre 465 kg. Vendues 4,10 € le kilo (classement « O=3 »), les réformes du Gaec dépassent aisément 1.200 € à la vente voire 1.800 € pour les meilleures d’entre elles.

Un lait très fromageable

Dans le Cantal, Alain André dont le Gaec transforme à la ferme 250.000 litres de lait, apprécie en la génétique MS les qualités d’une « vraie montbéliarde : du bassin, de la profondeur, de bons aplombs, des trayons réguliers… ». Ces producteurs de Cantal, Salers, Bleus d’Auvergne… médaillés du dernier concours général de Paris, apprécient aussi la bonne fromageabilité de leur lait avec un bon rapport TB/TP. Quant aux qualités bouchères, elles leur permettent de vendre des veaux d’un mois entre 250 et 280 €.