Enseignement agricole
Des atouts pour la République

Publié par Cédric Michelin
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Suite aux attentats de janvier, une mobilisation a été lancée dans l’enseignement agricole avec l’organisation de temps d’échange. Objectif : mettre en avant les spécificités de cet enseignement pour faire vivre les valeurs républicaines, à travers une série de débats organisés par le ministère.
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Les attentats de janvier ont attiré l’attention sur les valeurs citoyennes et, dans une certaine mesure, sur l’échec de leur transmission. Vecteur privilégié de ces valeurs depuis la IIIème République, l’enseignement public doit, pour cette fonction, renouveler ses pratiques. Dans ce contexte, l’enseignement agricole se mobilise pour faire vivre les valeurs républicaines et la citoyenneté en s’appuyant sur ses caractéristiques propres. Soulignées lors d’un premier débat avec les lycéens de l’enseignement agricole au salon de l’agriculture, en présence de Stéphane le Foll et de la ministre de l’Education nationale Najat Vallaud Belkacem, les spécificités de l’enseignement agricole sont multiples : lieu de brassage, lien privilégié avec l’environnement qui participe à l’élaboration d’une conscience citoyenne, pratique répandue de l’internat qui favorise l’apprentissage de la vie en communauté, capacité à s’intégrer rapidement sur le marché de l’emploi avec un taux net d’emploi à 33 mois supérieur à 85 %... Dans la lignée de cet échange, un deuxième débat avec les lycées agricoles s’est tenu le 10 mars, à la cité nationale de l’histoire de l’Immigration, à Paris, en présence du ministre de l’Agriculture et de l’historien Benjamin Stora.


Ouverture à l’autre



La question des valeurs républicaines se superpose aujourd’hui avec celle de la laïcité, comme en témoignent les questionnements des élèves qui se demandent par exemple comment la faire respecter, ou s’il est possible de faire la prière en internat quand l’endroit est considéré comme un lieu public. Cependant, il ne faut pas oublier que si « aujourd’hui, l’autre c’est l’étranger, avant, l’autre c’était le paysan. Il faudrait que ces histoires se rassemblent », a commenté Benjamin Stora. L’historien a ainsi rappelé l’exode rural entraîné par la révolution industrielle et l’inconnu qu’a représenté la ville pour ces paysans venus travailler dans les usines. D’autres vagues d’immigration ont marqué l’agriculture, comme celle des travailleurs agricoles venus de l’autre côté de la Méditerranée suite de la perte de leurs terres, dans les années 1920-1950. Une histoire qui remet en perspective le regard social porté sur le monde agricole longtemps considéré comme en dehors de la modernité. Aujourd’hui, l’enseignement agricole favorise de plus en plus les expériences à l’étranger dans les parcours scolaires, et souhaite s’ouvrir davantage, par exemple aux banlieues pour sortir de cette image d’ « ethnocentrisme du terroir » qu’il reflète parfois.


Etre acteur



Les élèves sont les premiers à manifester cette volonté d’ouverture, clé d’une meilleure connaissance de l’autre et donc du vivre ensemble. Il faut néanmoins être capable de leur donner un rôle d’acteur. « Nous sommes dans une culture qui fait l’apologie de la jeunesse et cette jeunesse n’a pas de place », résume Patrick Denoux, professeur en psychologie interculturelle. L’enseignement agricole, qui fait la part belle à l’expérimentation et à l’apprentissage, possède de ce point de vue un avantage pour donner aux élèves un sens concret à leur expérience. Car pour Stéphane Le Foll, deux questions sont déterminantes dans l’apprentissage de la citoyenneté : « est-ce que je vais réussir ma vie ou pas, et est-ce que je me sens humilié ou pas ». « L’humiliation est un moteur puissant de réaction et de colère, il faut que la République fasse le choix d’offrir la réussite et de lutter contre l’humiliation », a souligné le ministre en conclusion du débat. Il faudra certainement du temps avant que ce beau programme ne s’avère effectif et efficace, en attendant la réflexion se poursuit avec un dernier débat prévu le 24 mars et une restitution de l’ensemble des échanges le 7 avril.