Chèvrerie des Filletières à Chenôves
La force de l’expérience

Devenu au fil du temps l’un des plus importants élevages caprins du département, la Chèvrerie des Filletières à Chenôves démontre que compétence, expérience et vente directe peuvent être un cocktail synonyme de réussite.
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Au cœur de la Côte Chalonnaise, il est une production qui tire parfaitement son aiguille du jeu en appliquant une méthode qui sort un brin de l’ordinaire. En effet, la Chèvrerie des Filletières –car c’est d'elle dont nous parlons– occupe une position à part à Chenôves, là où le vin est traditionnellement prédominant. Ce Gaec de trois associés –Claude Jouve, 59 ans, Michel Lacharme, 53 ans, et Mylène Larochette, 52 ans– est né en octobre 1986 suite à la volonté de ces trois personnes d’unir leur destin.

Trois parcours pour une même vision


Chalonnais pur jus, Claude Jouve a fait un détour par la Fac d’histoire avant de bifurquer vers l’agriculture au milieu des années 1970. « La chèvre est un animal qui m’a toujours intéressé. Je me suis installé à Bissy-sur-Fley car le lieu se prêtait bien à cet élevage et parce que j’ai eu une opportunité d'y trouver une ferme ». De son côté, Michel Lacharme a été bercé depuis sa plus tendre enfance par l’agriculture. Malgré cela, il suit une filière classique « car je n’étais pas destiné à m’installer. » Mais un évènement impromptu va bouleverser son destin. « Mon père est tombé malade et je me suis installé en 1980 ». Il débute alors avec à peine une SMI, 8 vaches laitières, 70 chèvres et 20 ares de vignes. Quant à Mylène Larochette, issue du milieu viticole mâconnais, elle décide de suivre des études agricoles. « Je n’aimais que les chèvres ». Elle enchaîne les stages dans le Larzac, dans le Causse noir et à… Chenôves en 1977. Ce qui lui vaut de revenir sur cette dernière exploitation en 1982. « Avant la création du Gaec, nous travaillions déjà ensemble », précise Claude Jouve. Dès lors, le passage à la forme sociétaire semblait aller de soi pour optimiser cette collaboration et passer à une autre échelle.

La réussite de la vente directe


Aujourd’hui, le Gaec emploie deux salariés tout en s’appuyant sur deux apprentis et des stagiaires. L’exploitation couvre 80 hectares, à savoir 20 hectares de cultures (blé, orge, avoine, tournesol) et 60 hectares de prairie. Elle possède un troupeau de 300 chèvres (290 de race saanen et 10 alpines). « En 1988, nous avons construit notre fromagerie. L’année 2000 a été un tournant important avec le CTE. Cela a marqué l’arrêt de l’ensilage, le début du séchage en grange et de l’affourragement en vert. Il y a également eu l’agrandissement de la chèvrerie ». Suivra l’embauche de salariés et, en 2010, l’installation de la nouvelle salle de traite et de l’alimenteur sur rail. Des changements qui font mesurer à Michel Lacharme le chemin parcouru depuis l’époque où il devait effectuer 17 heures de traite par jour.
Côté commercialisation, le GAEC a parfaitement su équilibrer ses débouchés puisque ses fromages sont vendus à 40 % en vente directe, 30 % en magasins et 30 % à travers le GIE Capri Ferme, lequel rassemble cinq producteurs de Saône-et-Loire distribuant leur production principalement sur Rungis. La vente à la ferme augmente régulièrement depuis le début. « Nous avons une trentaine de clients par jour. L’un de nos atouts est la facilité d’accès à l’exploitation ». Une force d’autant plus grande qu'ils proposent des visites libres au grand public. L’occasion non seulement de voir le travail des éleveurs mais aussi de côtoyer les animaux tout en échangeant sur les produits et le métier d’agriculteur. « Nous sommes ouverts tous les jours. Les gens peuvent visiter la ferme sans aucune obligation d’achat. Nous organisons également deux week-ends portes ouvertes autour du 1er mai ». Côté magasins, le Gaec vend ses produits dans différentes villes de Bourgogne, de Buxy à Dijon en passant par Chalon-sur-Saône, Mercurey et Sennecey-le-Grand au sein d’enseignes telles que Leclerc, Super U, Auchan ou encore Intermarché.

Une gamme de fromages étendue


L’un des atouts de l'exploitation –qui transforme près de 200.000 litres de lait– vient de la qualité de ses fromages et de l’extrême diversité de sa gamme, entre frais, mi-secs et secs. Qu’il s’agisse du "Saint Biquet", de la "Tour de Filletières", de la "Crotine", du "Bouton de culotte", du "Cabrilou", du "Charolais", du fromage sans sel, du fromage fort, de la brique, du lingot et du "Cœur cendré". Avec une préférence des consommateurs pour les deux premiers en mi-sec. Du fait de la diversité de ses débouchés, le Gaec peut vendre toute l’année. « Par exemple, l’été, nous ne vendons rien à Paris mais beaucoup à la ferme » précise Michel Lacharme.
Si la situation actuelle de la chèvrerie n’engendre pas d’inquiétude, l’âge des sociétaires imposera prochainement la recherche d’un ou deux nouveaux sociétaires lorsque Claude Jouve fera valoir ses droits à la retraite. « Nous ne recherchons pas un profil particulier. Le futur associé devra avoir un esprit d’ouverture et une réelle capacité d’adaptation, souligne Michel Lacharme. Il faut aussi avoir à l’esprit qu’il y a une énorme capacité de développement ». Cela passe notamment par la création d’un site Internet, par la mise en place d’un panneautage plus efficace ou encore par la réalisation d’outils de communication.

La fierté de son métier


Plus que tout, les trois associés ont une vraie fierté de leur métier. « Il y a un réel intérêt de faire un produit du début à la fin. Nous maîtrisons une certaine qualité et nous faisons des choix qui ne sont pas que techniques », rappelle Claude Jouve. « Notre production a un avenir. Ce ne sera pas forcément facile mais rien n’est facile aujourd’hui ». Pour sa part, Michel Lacharme estime que « nous sommes des acteurs du monde rural. Nous recevons beaucoup de monde, qu’il s’agisse de familles, de scolaires, de colonies de vacances,… L’idée est de ne rien cacher à personne, que ce soit au consommateur ou à l’administration ». Ce que confirme Mylène Larochette en insistant sur le fait que « le mot "Ferme" doit encore avoir une signification ».