Couverts végétaux
Se couvrir sur le long terme

Publié par Cédric Michelin
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Le 25 septembre, la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire organisait un rallye à Sevrey, Mercurey et Fontaines pour parler des couverts végétaux. Pour Noël Charrière, Henry Dutroncy et Romain Dague la vraie plus-value de ce type de culture se trouve : « dans les sols : c’est un investissement à long terme ». Pour des sols bien portants, des cultures économes, des itinéraires intéressants et au final des exploitations sécurisées.
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Couvrir le sol en permanence et semer en direct reviennent au devant de la scène. « Quitte à faire une culture dérobée, autant bien la faire et pas à une densité de Cipan ». Tout sourire, Noël Charrière continue visiblement de prendre du plaisir à apprendre. Mais de façon réfléchie et stratégique. « Certes, c’est un investissement au départ mais avec 2-3 tonnes de matière sèche par hectare, s’il vient à manquer de "came" pour les troupeaux l’hiver, au final, il n’y aura pas une énorme différence avec l’achat d’aliments », analyse l’agriculteur de l’EARL des Grands Taillis. Et de conclure : « la différence est pour les sols : les dérobées sont un vrai investissement à long terme ».
Les trois profils de sols étaient là pour en témoigner à Sevrey. Les techniciens de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire constataient une riche vie biologique, un bon enracinement et par conséquent des limons sableux (drainés) meubles et bien portants. Sur la parcelle de Chazelles, Noël a testé trois types de couvert qu’il a semé en direct sur ses chaumes de blé (pailles broyées). Il prévoit l’implantation d’un tournesol l’an prochain. Des différences sont visibles entre la féverole d’hiver pure (130 kg ; PMG 500 g) et les deux autres mélanges. Avec 970 grammes/m2, le mélange composé de féverole (130 kg), niger (1 kg) et phacélie a produit presque le double de matière que la seule féverole (530 g/m2) en ce 25 septembre. Cette dernière variété est absente du 3e couvert qui n’atteignait pour l’heure que 250 g/m2 avec son mélange de vesce (15 kg), trèfle incarnat (2kg), niger (1,5 kg), phacélie (1,5 kg) et avoine brésilienne (10 kg).
Des différences qui s’expliquent aussi par les dates de semis différentes (10 et 20 août) et les pluies le lendemain du semis du 1er couvert, qui ont favorisées son développement. Le semis derrière moissonneuse est souvent recommandé. La graine même positionnée dans un terrain sec ne se perd pas et attendra la pluie. Le risque c’est que les millimètres de pluie qui suivront le semis actionneront la germination de la graine mais ne seront pas forcément suffisants pour alimenter la plante. « C’est un pari sur l’avenir ! ».
De par son expérience, Noël Charrière cherche aujourd’hui essentiellement à cultiver les légumineuses pour couvrir ses sols, maintenir la structure en stimulant la vie du sol et restituer de l’azote à la culture suivante. L’observation de l’enracinement des légumineuses dans les différents profils confortaient ces choix : nodosités en activité et en nombre et d’exploration des racines en profondeur. Après les premières gelées, Noël a prévu de détruire ses couverts par roulage. Cette technique permet d’éclater les tiges et de fragiliser la plante. Le roulage sera d’autant plus efficace qu’il ne sectionnera pas les tiges.

Un couvert à récolter



Henry Dutroncy a lui choisi un mélange (Chlorophiltre) avec deux variétés de trèfles « gélifs », s’assurait bien Martine Despreaux-Robelin de la Chambre d’agriculture. Le tout sera enrubanné fin octobre. Sur sa parcelle des Champs ronds à Mercurey, son objectif est clairement de produire de la matière. Outre l’aspect quantitatif qui a tout son intérêt une année sèche il recherche aussi la qualité d’où le mélange avec de la vesce pour obtenir un enrubannage riche en protéine. L’an dernier, il a réalisé des analyses du même type de produit pour ajuster ses rations. « Seulement 18 % de protéines ». Pas d’inquiétude pour autant, le rassurait Guillaume Dupuits. L’exploitation du lycée de Fontaines a en effet remarqué des écarts de valeur avec la réalité de leur production laitière prévue. « Les valeurs d’analyses sont systématiquement en dessous de la vraie valeur fourrage (UF, PDI, PAT et protéines) car les laboratoires connaissent mal ces mélanges d’espèces et font de mauvaises équations », a constaté le directeur adjoint de l’EPL. Pour Henry Dutroncy, les belles racines et nodosités le confortaient dans ses choix pour sa parcelle en limon argileux. Surtout d’un point de vue agronomique. La parcelle est « plus facile à travailler car plus sèche en surface ». Reste à savoir si un apport d’azote est rentable et permet un gain de productivité. Pour tester et répondre à cette question Henry a choisi de fertiliser que la moitié de la parcelle avec 25 unités d’azote, la récolte lui donnera raison ou pas.

Parfait désherbage



Le piégeage des nitrates est aussi une priorité pour Romain Dague. Avec son collègue Vincent Demonfaucon, l’optimisation de l’itinéraire a été poussée avec le recours à des semences de ferme pour les féveroles et pois protea. Le coût du mélange descend ainsi à 35 €/ha. Ils mélangent 10 kg de féveroles avec 8 kg de pois, 5 kg de vesce, 0,75 kg de Fenugrec, 0,75 kg de moha, 0,75 kg de vicking, 1 kg de radis chinois, 1,4 kg de nyger et 1,6 kg de phacélie. Le semis des grosses graines se fait à la volée à l’épandeur à engrais puis au semoir (Delimbe) monté sur vibro pour les petites graines. Romain Dague a récolté jusqu’à 7 t/ha de matière sèche l’an dernier. « Au niveau désherbage, c’est le mélange parfait », commentait Antoine Vilard qui avait du mal à trouver les quelques renouées ou chénopodes. Un constat qui faisait plaisir à Romain Dague qui doit toutefois « s’y prendre tôt » pour avoir les semences qu’il désire. La destruction du couvert se fera vers la mi-novembre avec l’aide de 2 l de glyphosate puis roulage sur sol gelé.
Autant dire que les couverts végétaux présentent de nombreux atouts : agronomique, autonomie fourragère, économique, désherbage… sans oublier les obligations réglementaires pour les Zones vulnérables.