Départ des jeunes des campagnes
La faute aux élus locaux ?
Accès aux services
Parmi les difficultés des jeunes en milieu rural, le Cese pointe, sans surprise, un déficit en matière d’équipements et de services. En revanche, l’accès au logement est plus aisé, au niveau des prix, en zone rurale qu’en ville, le Cese constate cependant que l’offre d’habitation qui intéresse les jeunes est faible : « l’offre de logements vacants de petite taille est en général limitée ». D’ailleurs, les jeunes âgés de 18 à 25 ans dans les zones rurales très peu denses « vivent plus fréquemment chez leurs parents que les jeunes urbains (56,5 % contre 50 %) ». Par ailleurs, les jeunes déplorent, comme leurs aînés, les difficultés pour accéder aux services de soins et autres services publics. De fait, le permis de conduire et la possession d’une automobile s’avèrent indispensables dans ces territoires. Les jeunes auditionnés ont fait part de l’idée d’ajouter les leçons de conduite dans l’enseignement scolaire. Car « l’obtention du permis de conduire est déterminante pour l’accès à l’emploi ». 45 % des titulaires d’un CAP ayant le permis de conduire ont un emploi. Le taux tombe à 19 % pour ceux qui n’ont pas le permis.
Manque de formation et emploi
Les conditions d’accès à la formation et à l’emploi constituent également un des enjeux majeurs pour la jeunesse. Or, les jeunes des territoires ruraux sont, dans l’ensemble, ont moins de choix que les urbains. Les jeunes ruraux sont moins diplômés que les autres : le taux de jeunes titulaires d’un diplôme universitaire de 2e ou 3e cycle est deux fois plus faible en zones rurales (7,3 % des 18-29 ans, contre 15,4 % en ville). Par ailleurs, après la 3è, la moitié d’entre eux s’orientent en voie professionnelle (41 % chez les urbains), particulièrement dans l’enseignement agricole. Il ne s’agirait pas d’un problème si tous ces élèves entraient dans les voies professionnelles par choix, mais les jeunes interrogés par le Cese déplorent une sorte de déterminisme dans leur orientation scolaire et professionnelle, du fait de l’offre de formation limitée. Derrière, « le taux de jeunes ni en études ni en emploi est particulièrement élevé en zone rurale » (24,4 % contre 20,8 % chez les urbains).
Perte de confiance
Mobilité, logement, services, éducation, emploi… Autant d’enjeux qui concernent directement la jeunesse rurale et qui, pourtant, ne font pas l’objet d’une politique adaptée à cette population spécifique, note le Cese. Par exemple, les actions en faveur de la jeunesse mises en œuvre par les élus locaux se cantonnent bien souvent à la cible « petite enfance », remarque le Cese. Pire, « le pourcentage de communes où la jeunesse est inscrite comme une priorité politique est beaucoup plus élevé en milieu urbain (9/10) qu’en milieu rural (un peu plus d’un quart) ». Oubliés par leurs représentants, les jeunes perdent confiance dans leurs institutions représentatives. « La confiance dans le Parlement », restée presque identique chez les jeunes urbains (47 % en 1990 contre 46 % en 2008), s’est effondrée chez les jeunes ruraux, passant de 64 % en 1990 à 38 % en 2008. Même constat à l’égard des institutions européennes : le taux de confiance est passé de 77 à 57 % chez les jeunes urbains ; il a dégringolé de 76 à 50 % chez les ruraux. Ce qui alimente nombre de ressentiments inter-générationnels aussi...
Coordonner les actions politiques
Pour lutter contre cette défiance politique et le malaise exprimé par ces jeunes « oubliés de leurs élus » locaux, le Cese préconise d’abord de recentrer les actions politiques en faveur de la jeunesse (et des femmes). Notamment parce que « les compétences ayant une incidence majeure pour les jeunes ruraux sont souvent éclatées entre les niveaux de collectivités ». Pour ce faire, il suggère la mise en place d’une compétence « jeunesse » obligatoire à faire porter par les communautés de communes qui déclineraient des « Projets jeunesse de territoire ». Il propose également la création d’un « pacte jeunes ruraux » à rattacher aux contrats de ruralité mis en place par les Comités interministériels aux Ruralités. Pour rappel, les contrats de ruralité permettent aux collectivités situées en zone rurale d’obtenir des financements publics (issus du Fonds de soutien à l’investissement local) pour mettre en œuvre des projets de développement territorial. Il est urgent de débloquer maintenant la situation...
Ouvrir les instances décisionnelles aux jeunes
Le Cese relève également la nécessité de faire participer les jeunes à
la vie de leur territoire. Cela passe notamment par la création de
Campus ruraux de projets, lieux réservés à la jeunesse, propices à la « création d’activités économiques, sociales, de projets citoyens, culturels, festifs et ludiques ».
Pour aller plus loin encore, il faudrait donner aux jeunes davantage
accès aux processus de décision. Le Cese propose de faciliter leur accès
au sein des instances politiques par des mécanismes incitatifs. Par
exemple, « la mise en place d’une bonification de crédits […] voire
de dotations […] pour les communes dont le conseil municipal compte une
proportion significative de jeunes de moins de 30 ans ». Car une
fois aux manettes, les jeunes pourront agir pour leurs pairs en faveur
des problématiques qui les concernent directement.
Il reste du travail à faire, mais le terreau est bon, explique le Cese.
Les jeunes des territoires ruraux n’aspirent pas à fuir leur région. « De
nombreux témoignages de jeunes expriment un fort attachement à l’égard
des espaces ruraux où ils vivent et un souhait de pouvoir” vivre et
travailler au pays” ». La jeunesse est prête à faire vivre ses campagnes. Reste aux pouvoirs plus de leur en donner les moyens.