Résidence équine du Domaine du Verseau
Le pâturage se gère aussi chez les chevaux

A Frontenaud, Roselyne Steurer a créé une résidence équine dans laquelle elle héberge 14 chevaux en retraite, convalescence ou "éducation". Très sensible au bien-être des équidés, elle a veillé à concevoir un environnement idéal pour ses pensionnaires dans lequel les herbages et leur gestion tiennent une place primordiale.
130013--roselyne_steurer.JPG
Roselyne Steurer est la propriétaire de la résidence équine du Verseau à Frontenaud. Après avoir exercé plusieurs métiers dans le commerce, le bâtiment et même la formation, cette passionnée de chevaux a finalement opté pour une reconversion professionnelle dans la filière équine. En 2010, par le biais de la Safer, elle rachetait une ferme bressanne entourée de sept hectares de prairies. Dans la foulée, Roselyne préparait un BPREA équin. Pour concevoir son projet, elle s’est faite accompagner par la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire et notamment Valérie Bizouerne, conseillère équine. Avec l’aide de l’ancien propriétaire de la ferme, un éleveur retraité dont elle a pu bénéficier de l’expérience et du savoir-faire, la nouvelle agricultrice réalisait de lourds travaux d’aménagement de l’exploitation.
La stabulation bovine a ainsi été transformée en bâtiment équin abritant une série de boxes. Les sols des alentours ont été stabilisés, une carrière créée. Les sept hectares d’herbage ont également subi une vaste métamorphose. Les prés ont été découpés en paddocks et en parcs desservis par de larges chemins. Certaines parties ont été drainées. Mille piquets de châtaignier ont été nécessaires pour une clôture entièrement électrifiée sur secteur. Un impressionnant réseau de clôtures hautes à trois rubans, se substituant entièrement aux anciens barbelés bovins.

Retraite, convalescence ou éducation


La résidence équine du Verseau a ouvert ses portes en 2012. Son exploitation repose sur trois activités. La première est l’accueil de chevaux « en retraite », souvent d’anciens chevaux de compétition que Roselyne propose de garder en pension jusqu’à leurs derniers jours de vie. La structure prend également en charge des chevaux en convalescence. Dans ce domaine, l’exploitante s’est faite une véritable spécialité, elle qui a toujours eu une prédisposition pour les soins aux chevaux. Sans se substituer à la médecine vétérinaire, Roselyne apporte à ses pensionnaires ses qualités d’observation et d’écoute, mais aussi ses compétences acquises en homéopathie, phytothérapie, algothérapie. Des médecines douces qui avec la qualité des soins apportés au quotidien mais aussi la qualité de l’environnement de l’exploitation font des merveilles pour les chevaux se remettant d’un pépin de santé.
Pour compléter son activité, Roselyne Steurer propose également des séjours « d’éducation » à ses pensionnaires. Ce peut être un apprentissage dans le cadre « d’un travail à pieds ».
Au total, la résidence accueille 14 pensionnaires pour des séjours plus ou moins longs. L’exploitante avoue avoir rapidement trouvé sa clientèle. Un succès qui tient pour beaucoup à la qualité du service proposé. « J’ai toujours été très sensible à l’environnement du cheval. Les chevaux ne disposent pas toujours d’un cadre à la hauteur de leurs besoins. En créant cette résidence, j’ai voulu faire l’écurie où je voudrais voir mon propre cheval ! », confie Roselyne. Et pour cela, l’éleveuse y a mis le prix en investissant autant dans l’achat de la ferme que dans ses aménagements.

Séjour au vert…


Dans cet objectif de bien-être de ses pensionnaires, les prairies tiennent une place de premier plan. Déplorant le manque de connaissance en la matière qui règne dans le milieu équin, Roselyne n’a pas hésité à se former auprès de la chambre d’agriculture en sollicitant les conseils d’un spécialiste du pâturage et des systèmes fourragers, en l’occurrence Eric Braconnier. Plus que l’aspect purement alimentaire, c’est la santé du cheval qu’il faut savoir gérer à travers la conduite à l’herbe. « La problématique de la gestion de mes prairies est de disposer d’une herbe, tant en qualité qu’en quantité, ajustée aux besoins des chevaux, avec une propreté des prés limitant les zones de refus et la diffusion des parasites », explique l’éleveuse.
Les chevaux restent dehors de fin mars à fin novembre. Durant cette période, ils sont répartis par lots de trois sur des parcs de 1,5 hectare. Chacun des parcs est équipé de son point d’eau et d’un abri. Avec seulement 5.000 mètres carrés par cheval, le chargement est supérieur à la préconisation habituellement admise, fait remarquer Roselyne qui précise toutefois que ses pensionnaires reçoivent aussi quotidiennement du foin ainsi qu’un aliment complémentaire (fibre, protéines, nutriments…). En hiver, les chevaux sortent le plus souvent possible sur les paddocks aménagés à côté de l’écurie. Seule la neige constitue un réel danger à les sortir car elle se colle sous les fers, générant des risques d’accident. En été, lorsque les chaleurs sont trop fortes, les chevaux ne sortent que la nuit.
Sur ses terres lourdes typiquement bressannes, Roselyne a du s’adapter aux inconvénients de l’humidité. Outre le drainage par endroit, certains sols ont été stabilisés par empierrement. « Une zone stabilisée est nécessaire pour pouvoir parquer les chevaux au sec », explique l’éleveuse. Les accès aux parcs ou paddocks ont été recouverts de dalles spécifiques.

Mise à l’herbe dès 300 degrés


Utilisatrice de la lettre d’information herbagère Herbe Hebdo émise par la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, Roselyne se fie à la méthode des sommes de températures pour décider de la date de sortie de ses pensionnaires. Fin mars dernier, le seuil des 300 degrés était atteint, mais la pluie a conduit l’éleveuse à différer quelque peu la mise à l’herbe. Lorsque ses chevaux n’ont pas eu d’herbe à manger depuis au moins un mois, Roselyne préfère les lâcher dans une herbe courte de quelques centimètres. C’est plus prudent pour la santé des animaux. L’éleveuse rappelle d’ailleurs que le cheval, contrairement aux ruminants, n’est doté que d’un petit estomac. Il lui faut donc manger 16 heures par jour et c’est ce qui impose de lui donner du foin à volonté. Un foin dont la qualité doit être irréprochable (absence de poussière, de pourriture, bon stade de récolte…), ajoute l’agricultrice. Cette exigence a un coût. Si elle avait davantage de surfaces, Roselyne pourrait viser l’autosuffisance en fourrage. Mais sur ses terrains humides de Bresse, l’éleveuse redoute de ne pouvoir récolter des foins de qualité suffisante.

Chaulage, hersage, broyage, regarnissage


Guidée par les conseils d’Eric Braconnier, Roselyne Steurer pratique une véritable gestion de ses prairies. Cela débute par une étude des sols, la prise en compte de conseils de saison et un suivi annuel (Herbe Hebdo). Des analyses de pH ont mis en évidence le besoin d’amendement en chaux pour abaisser l’acidité du terrain. La chaux est ainsi apportée tous les deux ans. « Outre l’augmentation de pH, cet amendement assainit le terrain et diminue les mauvaises herbes », confie Roselyne. Les parcelles sont hersées tous les ans vers la mi mars. Les refus sont régulièrement broyés et les parties abîmées regarnies chaque année. « Les graines de prairies pour chevaux sont spécifiques. Il faut des espèces très résistantes au piétinement, d’autant plus lorsque les chevaux sont ferrés », confie l’agricultrice qui explique aussi « faire la guerre aux rumex », véritable fléau des prés pâturés. Privilégiant l’arrachage manuel, Roselyne constate un recul de cette mauvaise herbe dans ses parcelles.

Coproscopies, vermifugations, élimination des crottins


Tous les pensionnaires de la résidence du Verseau subissent des coproscopies. Un examen qui permet d’adapter la vermifugation des animaux. Une fois traités, les chevaux demeurent cinq jours sans accéder aux parcs pour éviter tout risque de recontamination des sols, explique l’éleveuse. Une pratique peu courante dans le milieu équin, estime-t-elle. Dans le même ordre d’idée, l’exploitante se montre très vigilante à la propreté de ses parcelles. Elle préfère se débarrasser du fumier produit par ses chevaux pour le donner à un agriculteur voisin. Les crottins sont une source de parasites évidente. L’hiver, le gel peut avoir raison des mauvais germes. En plein été, lorsque la température dépasse 30 degrés, un passage de herse permet de tuer en grande partie les larves de mouche logées dans le crottin. Dans les paddocks, Roselyne ramasse régulièrement ces crottins pour prévenir l’infestation des sols en parasites ainsi que la prolifération des mouches. Pour plus de confort, elle envisage de s’équiper d’un « ramasse-crottin » mécanisé.


Concept « d’écurie active »

Les chevaux doivent marcher 10 à 15 km par jour pour être en bonne santé


Chez les chevaux, l’accès aux prairies dépasse l’unique nécessité de s’alimenter. « Les animaux ont besoin de marcher », estime Roselyne Steurer qui réfléchit à un projet « d’écurie active ». Il s’agit d’un aménagement de l’espace de vie des chevaux privilégiant leur déplacement à raison de 10 à 15 kilomètres par jour. Ce circuit est instauré par le positionnement des fourrages, de l’eau et des compléments. « Ce système qui force les chevaux à marcher résout un grand nombre de problématiques telles que coliques, problèmes de pieds, arthrose… », conclut l’exploitante.