Travail en élevage
L’ergonomie investit les exploitations

Dans un métier où les tâches sont multiples et l’astreinte importante, l’organisation du travail est essentielle. La mécanisation ne résout pas tout. Une analyse plus humaine du travail, quantifiant temps de travaux et tâches et tenant compte des attentes psycho-sociales de l’éleveur peut permettre d’optimiser les choses.
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En Saône-et-Loire, la chambre d’agriculture sensibilise depuis plusieurs années à l’organisation du travail et à la notion d’ergonomie dans les élevages. Conseillère d’entreprise dans le département, Huguette Delage est l’une des rares en France à avoir suivi une formation dans ce domaine. Ici, la notion d’ergonomie est vue comme une « science du travail », explique Huguette Delage, titulaire d’un master en ergonomie et conception de système de production. De fait, quand on parle d’organisation du travail, on le limite le plus souvent à une question de mécanisation, or cela va bien au-delà, comme le révèle la conseillère.

Un diagnostic et une analyse de travail


Depuis 2006, la chambre d’agriculture propose deux prestations spécifiques aux agriculteurs. « Le diagnostic Travail repose sur un entretien semi-directif où il est question de l’exploitation, de son outil de production, des temps de travaux, congés éventuels… Ce diagnostic permet d’établir un planning de travail à l’année en faisant ressortir ce qui va et ce qui ne va pas », explique Huguette Delage. Une seconde prestation consiste en une « analyse de travail ». Là, la conseillère se livre à une observation méticuleuse des travaux réalisés par l’agriculteur sur sa ferme. Elle permet de repérer les tâches qui se répètent : l’astreinte. Elle met en évidence la pénibilité de certains travaux, les risques, la dangerosité de certains gestes, confie Huguette Delage. Cette observation peut déboucher sur du conseil. Voir ainsi comment il serait possible de simplifier le travail, d’améliorer les choses.

Tâches répétitives, pénibles, énergivores…


Dans les analyses qu’elle réalise, la conseillère note les heures et enregistre notamment des tâches très répétitives comme les nombres de seaux déplacés ou bien les montées et descentes du tracteur… Certains de ces gestes peuvent prendre des proportions surprenantes, à l’image de l’enlèvement des ficelles de bottes de fourrages « qui consomme une énergie folle ! », fait remarquer Huguette Delage.
Le diagnostic pointe parfois un problème de bâtiment ; une répartition des lots d’animaux peu fonctionnelle, des modes de stockage et de conditionnement des aliments peu pratiques, un type de ration inadapté au bâtiment... D’où l’intérêt d’intégrer l’ergonomie à la conception des nouvelles constructions.
La mécanisation n’est pas forcément la solution aux problèmes de travail, constate la conseillère qui estime que « l’embauche d’un salarié –même à temps partiel– est parfois plus sympathique que d’investir dans une machine… ».
« Le poste le plus important de tous est la distribution des concentrés »,
révèle-t-elle. « J’ai rencontré des éleveurs chez qui un rationnement hyper rigoureux des animaux les amenait à multiplier les interventions dans la journée. Cela interroge sur la distribution de l’alimentation. L’éleveur est-il prêt à perdre un peu en précision de ration contre un peu moins d’astreinte au travail ? Il faut trouver le bon compromis entre l’exigence technique et l’humain », fait valoir Huguette Delage.

L’humain prime sur les chiffres


Ingénieure de formation, Huguette Delage délaisse pourtant les chiffres et les moyennes du conseil agricole traditionnel, pour leur préférer une approche faite de sciences humaines. Une méthode plus proche des techniques de coatching qui prend en compte « la logique de l’éleveur », sa santé, son bien-être au travail, son projet de vie…
Si encore peu d’agriculteurs font analyser l’organisation du travail sur leurs fermes, en revanche les lycées et autres CFPPA sont demandeurs en sensibilisation. Huguette Delage intervient ainsi régulièrement dans les établissements de formation. « On essaie de faire rentrer l’ergonomie un peu partout », confie la conseillère qui sensibilise des techniciens, des écoles supérieures, l’Institut de l’élevage…