EXCLU WEB / Journée des droits des Femmes 8 Mars : Portraits d’agricultrices

Le 8 mars 2022 aura lieu, comme chaque année, la journée internationale des droits des femmes. Cette journée d'engagement permet de dresser le bilan des inégalités persistantes entre femmes et hommes, mais aussi de mettre en lumière des initiatives positives et d’appeler à des changements. Dans le monde, les femmes représentent 43 % des agriculteurs et 60 % de la production agricole mais n’ont accès qu’à 20 % des surfaces cultivables. Comme dans les autres secteurs, elles font face à des inégalités dans l’accès aux facteurs de production, tels le foncier, le crédit, les intrants, les semences, l’eau. Leur travail est faiblement reconnu, socialement et économiquement.

A cette occasion, nous vous proposons ces portraits de celles qui, au Burkina Faso, au Togo ou en France, participent quotidiennement, au développement agricole et rural de leur pays.

Pour en savoir plus :

https://www.facebook.com/CommissionNationaledesAgricultrices/

www.afdi-opa.org

EXCLU WEB / Journée des droits des Femmes 8 Mars : Portraits d’agricultrices
Christelle Koffi Akakpo, agricultrice togolaise 

Christelle Koffi Akakpo, agricultrice togolaise 

Christelle est productrice et transformatrice de champignons à Noépé en Région Maritime au Togo, et présidente de la coopérative Top Agrobusiness.

Christelle a eu la chance d’être scolarisée et accompagnée par des mentors au cours de sa vie professionnelle. C’est ce qui lui a permis d’être élue présidente de sa coopérative qui réunit 17 femmes. Le manque d’éducation, c’est le premier obstacle qu’elle met en avant en parlant d’égalité hommes-femmes, « le problème central au Togo est celui de l’alphabétisation et de l’éducation. Sans cela, les femmes ne peuvent pas être indépendantes ». Au sein de sa coopérative, elle propose des formations gratuites aux femmes, dans les domaines de la gestion et la comptabilité notamment, mais elle est également impliquée dans des programmes d’alphabétisation. Avec la CTOP (Coordination togolaise des organisations paysannes et de producteurs agricoles) partenaire d’Afdi, elle mène un plaidoyer auprès des autorités afin d’obtenir l’ouverture de financements ciblés pour les femmes. En effet, l’accès au crédit est un autre frein important auquel se heurtent les agricultrices au Togo : « les ressources financières sont gérées par les hommes, les femmes doivent, par exemple avoir l’accord de leurs maris pour obtenir un crédit. Les inégalités sont fortes également dans le partage des revenus de l’exploitation familiale, c’est l’homme qui gère les revenus alors même que la femme a contribué au travail. Et elle ne peut pas revendiquer ses droits car il n’y a ni aide ni recours. Elles n’ont pas de statut clairement défini ».

Pour Christelle, « pour avoir plus d’égalité, il faut mettre en place des mécanismes de prise en compte des femmes dans l’agriculture, appuyés par l’intervention des autorités locales et coutumières pour aider la femme à accéder à l’éducation, au foncier, à des crédits et à un statut d’agricultrice ».

Catherine Faivre-Perret, agricultrice en France, en Bourgogne Franche-Comté

Catherine Faivre-Perret, agricultrice en France, en Bourgogne Franche-Comté

Catherine est cheffe d’exploitation agricole, productrice de lait pour le fromage Comté dans le département du Doubs, en France. Elle est membre du bureau de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles).

En France, pour le même métier, les femmes et les hommes n’ont pas la même rémunération. Les femmes gagnent en moyenne 30 % de moins que les hommes. Pour Catherine, il y a beaucoup de femmes qui subissent la pression et le pouvoir de leur conjoint ou associé, ce qui entrave leur autonomisation sociale mais aussi leur accomplissement professionnel. Et en France aussi « les agricultrices connaissent un parcours plus difficile que leurs homologues masculins, notamment pour l’accès au foncier. »

Les formations sont un bon vecteur d’accomplissement, et dans les organisations agricoles, c’est essentiel. « Les nouvelles élues peuvent ainsi avoir une bonne connaissance du dossier qu’elles prennent ». Pour l’avenir, Catherine souhaiterait trouver des moyens de mettre les agricultrices en confiance dans leur vie professionnelle et dans les organisations professionnelles agricoles. En proposant des formations professionnelles elles pourront avoir des pistes pour développer et orienter leur activité, et des méthodes de travail. Elle souhaiterait aussi dégager « des moyens pour les accompagner dans leurs vies de femme afin qu’elles puissent avoir assez de temps pour leurs formations ». « Si on constate que les jeunes filles sont de plus en plus nombreuses dans les établissements d’enseignement agricole on peut penser qu’elles vont aussi être nombreuses à s’orienter vers les métiers de l’agriculture, dans toute leur diversité. J’espère que cela fera évoluer la mentalité et permettra à des jeunes filles de se projeter dans notre profession et de faciliter leur accès aux métiers et aux responsabilités, dans les coopératives, les syndicats, les banques agricoles, les assurances… »

Madiara Véronique Traore, agricultrice au Burkina Faso 

Madiara Véronique Traore, agricultrice au Burkina Faso 

Madiara est productrice à Orodara dans la province du Kénédougou au Burkina Faso et elle est trésorière générale du collège des femmes de la CPF.

Pour Madiara, les principaux freins rencontrés par les agricultrices burkinabè sont liés au foncier. Si la loi sur le foncier existe, « beaucoup de femmes en ignorent l’existence. Au Burkina Faso, un accès équitable à la terre est prévu, mais dans la réalité ce n’est pas appliqué ». « Ce qui est frappant ce sont les tailles des parcelles, celles que les femmes occupent sont beaucoup plus petites que celles des hommes. En plus, les hommes peuvent hériter du foncier et ce n’est pas le cas des femmes, la femme est alors étrangère chez ses parents et chez son mari ». Aider les femmes à accéder à l’information sur leurs droits, les soutenir pour les faire appliquer, mais aussi faciliter l’accès à la formation professionnelle et au conseil agricole, c’est le combat que mène Madiara, notamment au sein de son OP, la CPF (Confédération Paysanne du Faso), partenaire d’Afdi. Elle a elle-même d’abord rencontré des difficultés à gravir les échelons, mais grâce à sa fédération, elle a pu être formée et accompagnée, jusqu’à devenir trésorière générale du collège des femmes.

Afdi, à travers des projets comme Alfop, au Tchad ou Sepop, en Afrique de l’Ouest et Madagascar, contribue à réduire les inégalités de genre au sein des organisations paysannes.

Ces projets mettent l’accent sur deux leviers, la place des femmes dans la gouvernance des organisations paysannes et une offre de services techniques adaptés à leurs situations (foncier, crédit, formations…).

 

Jacqueline Cottier, agricultrice en France 

Jacqueline est agricultrice dans le Maine-et-Loire, associée avec son mari, avec qui elle produit du lait, de la viande bovine, et des volailles labellisées. Elle est présidente de la commission nationale des agricultrices de la FNSEA. Aujourd’hui l’agricultrice est reconnue en France comme il se doit, grâce au statut qui est d’ailleurs obligatoire. Mais Jacqueline estime que des inégalités perdurent, sur l’accès au métier, l’accès au stage, dans leur installation et dans la prise de responsabilité. « Trop souvent les jeunes filles sont orientées vers des métiers de services, de soin à la personne. En milieu rural en particulier. Les femmes rencontrent plus de difficultés que les hommes à trouver des stages agricoles. Les maîtres de stage ont des doutes sur leur capacité physique. Ensuite, quand elles s’installent, elles font face à des préjugés, encore une fois sur leurs capacités à mener à bien leur projet, quel que soit leur niveau de formation. Il est d’ailleurs souvent supérieur aux hommes. Mais les jeunes femmes doivent toujours faire leurs preuves ! ». Enfin dans la prise de responsabilité et notamment dans les organisations professionnelles agricoles, Jacqueline note plusieurs freins : la vie familiale, qui pèse encore plus sur les femmes que sur les hommes, est déjà difficile à conjuguer avec la vie professionnelle et ne facilite pas l’investissement dans des engagements hors de l’exploitation. Enfin, dans de nombreuses instances, les femmes sont encore minoritaires, et cela ne facilite pas leur mobilisation. Pour modifier ces équilibres, Jacqueline a de nombreuses idées : « aller à la rencontre des jeunes dans les collèges et les lycées et témoigner de notre façon d’exercer notre métier le rend plus accessible aux yeux des jeunes filles. Mais ça ne suffit pas, il faut aussi sensibiliser les organisations agricoles pour qu’elles féminisent leurs conseils d’administration et leurs bureaux. Il existe certaines méthodes pour cela comme la mobilisation des femmes, l’inscription dans les statuts de pourcentages minimums pour aller vers la représentativité professionnelle comme c’est le cas dans les chambres d’agriculture, la formation de nouvelles responsables. Enfin, le maintien de services en milieu rural et l’accès au numérique sont primordiaux. »

La commission nationale des agricultrices de la FNSEA œuvre à une meilleure reconnaissance socio-économique des agricultrices et à la promotion de l’agriculture et du monde rural.