Utilisation des produits phytos
Un encadrement plus strict

En présence des représentants des maires et de la profession, le préfet de Saône-et-Loire signait le 21 juillet à Prissé la charte départementale des bonnes pratiques agricoles et viticoles pour l’usage des produits phytopharmaceutiques. Retour.

Un encadrement plus strict

Le sujet a fait couler beaucoup de salive, et beaucoup d’encre, ces derniers mois et quasiment ces dernières années. La lutte rendue obligatoire contre la cicadelle de la flavescence dorée en 2015 a été en quelque sorte la goutte d’eau qui a fait débordé le vase. Et depuis, régulièrement, il a débordé, ici ou là. Ici, inquiétudes des parents alors que l’école de leurs enfants jouxte une vigne ; là, une insulte quand ce n’est pas une menace, ou simplement une réflexion, à l’encontre de tel ou tel exploitant qui traite une parcelle… Le tout dans un contexte national et avec une climatologie "anormale" cette année qui ont, eux aussi, fait "monté la sauce"…
Ramener de la sérénité
On en pense ce que l’on en veut, mais les faits sont là. Et il était urgent pour tous, à commencer par les producteurs, de sortir de cette ambiance parfois délétère par le haut et de remettre au plus vite de la sérénité dans les débats.
Pour les pouvoirs publics, préfet en tête, il pouvait être plus simple de prendre un arrêté préfectoral encadrant l’usage des produits phytosanitaires « dans l’intérêt de mieux préserver les personnes vulnérables, notamment à proximité des établissements sensibles ». Cela a été le cas finalement sur la presque totalité du territoire national, sauf… en Bourgogne. Un tel arrêté aurait été vécu par la profession comme une décision unilatérale de plus, comme un encadrement supplémentaire, bref des contraintes nouvelles… Donc, il aurait été mal vécu par la profession et aurait sans nul doute donné lieu à de nouvelles tensions. D’où le choix d’opter pour des chartes discutées localement avec les représentants des utilisateurs et les représentants des habitants que sont les maires. Bref, le choix « d’ouvrir le dialogue », comme le résumait Robert Martin, premier vice-président de la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire.

 

Âprement négociée
Pour aboutir à cette charte, inutile de signaler que les négociations –de part et d’autre !– ont été âpres, parfois même, reconnaissons-le, tendues. Sa rédaction n’a pas été des plus simple, mais elle a permis à tous de mesurer les difficultés de rapprocher les points de vue et analyses des uns et des autres.
Bien conscient des enjeux, le monde agricole et viticole était venu nombreux dans les locaux de cave coopérative Les Vignerons des Terres secrètes à Prissé le jeudi 21 juillet vers 19 h 30. Rendez-vous avait été donné à 19 heures pour la signature mais le préfet, Gilbert Payet, s’est trouvé mobilisé à Chalon-sur-Saône pour la visite ministérielle d’Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication, lors du festival "Chalon dans la Rue"…
Accueillis par Michel Daventure, maire de Prissé, et Michel Barraud, président de la cave coopérative, et en présence de Jean-Paul Émorine, sénateur, et de Thomas Thévenoud, député, étaient ainsi présents : Marie-Claude Jarrot pour l’Association des maires de Saône-et-Loire ; Jean-François Farenc pour l’Union des maires des communes rurales de Saône-et-Loire ; Robert Martin pour la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire ; Bernard Lacour pour la FDSEA et l’Union viticole de Saône-et-Loire ; Damien Lemière pour les JA 71 ; Jean-Michel Aubinel pour la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne ; Marc Sangoy, pour la Fédération des caves coopératives Bourgogne-Jura ; enfin Éric Palthey, pour les vignerons indépendants. Tous signataires.

 

Un cadre précisé qui engage
Le texte de la charte rappelle les mesures de bon sens qui s’imposent à tous, et dont il faut bien reconnaître que certains ont oubliées ou négligées. Il rappelle aussi ce que fixe le Code rural et qui est souvent ignoré. Bref, il liste les engagements du monde agricole et viticole, mais aussi ceux des maires, de l’Etat et de la chambre d’Agriculture pour « sortir résolument de ce dossier par le haut », comme le mettait en avant avec insistance Gilbert Payet pour qui « nous nous étions fixés le principe de privilégier la concertation et l’échange pour rechercher le dialogue et le consensus sur un sujet dont il faut bien reconnaître qu’il est difficile, passionnel parfois ».
Reste aujourd’hui à vulgariser le contenu de cette charte auprès des différentes parties, notamment auprès des exploitants agricoles et viticoles du département. Et parce que l’usage des produits phytos n’est pas une option, mais bien une nécessité, la profession dans son ensemble a tout intérêt à ce que cette charte soit un succès dans son application, dans sa déclinaison. Et ce n’est pas là une option, mais bien une obligation. Et Gilbert Payet d’avertir : « et s’il y a des mauvais coucheurs, de part ou d’autre, nous disposons désormais d’un cadre ».
Reste que tous en convenait, cette charte n’est pas un aboutissement, ni une fin en soi, mais bien le point de départ d’un dialogue patient, constructif, qu’il conviendra de conduire, localement, commune par commune pour, comme le soulignait Bernard Lacour, « travailler le vivre ensemble et le cultiver ».



 

Des enjeux de santé publique

 

La majeure partie du territoire départemental est dédiée à une agriculture diversifiée et les espaces viticoles et de production végétale cohabitent avec les zones urbanisées. Un certain nombre d’établissements d’enseignement ou accueillant des personnes vulnérables sont ainsi implantés à proximité immédiate de parcelles agricoles ou viticoles. La multiplicité des ravageurs et parasites des végétaux rend nécessaire l’utilisation de produits phytopharmaceutiques pour prévenir les maladies des plantes et permettre la production de denrées agricoles.
La présente charte d’engagement est une des réponses apportées par les professionnels, les élus et l’État pour renforcer les mesures de prévention essentielles pour protéger les populations, à commencer par les plus vulnérables (enfants, personnes âgées, malades…), et sécuriser les traitements phytosanitaires à proximité des établissements qu’elles fréquentent, en limitant les risques de dérive de produits phytos.

 

Engagements réciproques
Par la signature de la charte, la profession agricole affirme son engagement à répondre à ces enjeux, d’une part par le respect de bonnes pratiques d’utilisation de ces produits pour préserver la santé publique, et d’autre part, par la mise en place de concertations locales, pour déterminer et mettre en œuvre des mesures de protection particulières des personnes vulnérables dans les établissements qui les reçoivent (écoles, espaces ouverts au public, établissements de santé, etc.) pour les préserver des dérives de produits phytopharmaceutiques, ainsi que pour examiner toute difficulté liée à cette utilisation.
Localement, l’adaptation des horaires et dates de traitement pour éviter la présence de ces personnes vulnérables lors des traitements sera recherchée. Lorsque ce n’est pas possible, le traitement ne pourra se faire qu’au-delà d’une distance minimale, lequel dépend du type de culture et du matériel utilisé.
Quant aux maires, ils s’engagent à faciliter ces démarches de concertation locale pour faire émerger les mesures à prendre, notamment en identifiant les établissements concernés et les partenaires à réunir, sous leur égide.
L’État, les organismes professionnels agricoles et les maires s’engagent ainsi aux côtés des exploitants agricoles, pour concilier l’activité agricole et viticole avec les enjeux de santé publique.





 

 

Dans leurs propos, les représentants de la profession ont tous rappelé le réel mal-être du monde agricole et viticole face à une communication quasiment toujours à charge sur le dossier Phytos, qui n’intègre jamais - ou en tout cas très rarement - les efforts pourtant bien réels qui ont été faits au cours des dernières décennies. « On ne traite pas pour s’amuser », rappelaient-ils avec force, soulignant la réalité des contraintes climatologiques d’une campagne comme celle que nous vivons. Loin, très loin de la campagne idéale de 2015…



 

 

Le texte de la charte est téléchargeable sur Agri71.fr