Viticulture
« La Bourgogne tient son rang »

Publié par Cédric Michelin
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Pour leur traditionnelle conférence de presse de rentrée post-vendanges, Claude Chevalier, président du BIVB et Louis Fabrice Latour, président délégué, étaient tout sourires. La Bourgogne viticole se trouve à nouveau « bénie des dieux », le millésime 2015 qui se profilent en atteste, l'inscription des Climats au patrimoine de l'Unesco aussi. Partout les vins de Bourgogne tiennent leur rang et ça passe même avec des prix à la hausse.
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La cuvée du millésime 2015 à peine rentrée, Louis Fabrice Latour, président délégué du BIVB, a trouvé des accents lyriques pour en célébrer les prémisses, la robe, la richesse aromatique... Ce beau potentiel reste à exploiter, mais il promet déjà de riches heures de dégustation. Après une relative traversée du désert par manque de volumes, la Bourgogne viticole se retrouve donc « bénie des dieux » et sanctifiée par l'inscription des Climats au patrimoine mondial de l'Unesco.
Au contraire d'autres cultures, la vigne a su pleinement profiter d'une climatologie exceptionnelle, qui a précipité la maturation des baies, fait progresser de façon « fulgurante » la teneur en sucre, tout en conservant un bon niveau d'acidité, en harmonie avec un potentiel aromatique très prometteur. « Toutefois » relève Louis Fabrice Latour, « au-delà des terroirs et des territoires, ce qui a fait aussi la différence ce sont les niveaux de chargement et l'âge du vignoble ». Les jeunes vignes ont souffert plus que les vieilles vignes et cela se traduit par une grande hétérogénéité de rendement. Au final le millésime 2015 devrait faire date et l'année 2015 s'affirmer comme une grande année pour les vins de Bourgogne.
Seul bémol, cette très belle récolte, devrait rester en volume en deçà de la moyenne. La chaleur et la sécheresse ont su la préserver de toute maladie ou attaque parasitaire, mais les volumes en pâtissent. Les zones touchées par la grêle dans le Chablisien et l'Auxerrois, se voient également amputées de quelques hectolitres, même si une grande réactivité a permis aux viticulteurs de limiter les dégâts.
Claude Chevalier, président du BIVB, apprécie la suppression du ban des vendanges, « c'est un grand bienfait pour le vignoble et la qualité des vins, car qui peut mieux que le viticulteur apprécier le moment idéal pour démarrer ». De fait, cette année, tout le monde ou presque a démarré en même temps et pour l'essentiel des surfaces, en quinze jours la récolte était faite.

Le millésime 2014 tire les ventes



Côté marchés, c'est le millésime 2014, « généreux et qualitatif » qui concentre l'activité du marché régional. Les sorties de propriété en vrac progressent, 94% des volumes échangés proviennent de la récolte 2014. « La Bourgogne tient son rang » et si les volumes sont à la peine, la valeur est en hausse, à l'image de la moyenne des vins français qui totalisent +7% en valeur et -3% en volumes. La valeur progresse donc plus vite que les volumes.
Les signes de retour à la croissance observés aux Etats-Unis, au Japon et en Chine, profitent aux Bourgogne dont les prix restent élevés et favorisent la commercialisation du millésime 2014. En revanche, l'Angleterre et les pays de l'Europe continentale, très sensibles au prix, marquent le pas. Les vins de Chablis et les Mâcon notamment, en pâtissent.
Le marché des cavistes suit globalement les hausses de prix des « grands » vins, en revanche pour le marché français sur la restauration « c'est moyen-moyen » et de fortes baisses sont enregistrées dans la grande distribution, un secteur en France comme ailleurs, plus sensible au prix dans certaines gammes de produits.

Priorité à la vente et à l'acte de production



La question du Beaujolais reste toujours en suspens. Claude Chevalier, sans occulter la difficulté de la situation des vins du Beaujolais, ne voit pas d'autre alternative qu'une seule et même interprofession, quand le temps sera venu et que les querelles se seront apaisées entre « les familles » du Beaujolais.
Pour l'heure, la feuille de route du BIVB est tracée, il s'agit prioritairement « d'assurer l'avenir en préservant le potentiel de production ». C'est « un objectif majeur à 5 ans », qui suppose de donner une « priorité à la vente et à ce qui la soutient », à savoir l'amont, l'acte de production. Claude Chevalier rappelle ainsi que la Bourgogne viticole a été élément moteur dans l'édification d'un vrai plan national de lutte contre les maladies du bois. Un travail va aussi s'engager avec les pépiniéristes sur la traçabilité des plans car le matériel mis à disposition des viticulteurs doit faire l'objet d'une attention toute particulière. « Les choses vont se mettre en place afin que l'on ait l'assurance de disposer d'un matériel sain et que l'on avance ».
Concernant la grande région Bourgogne Franche-Comté, « la viticulture a précédé l'Etat », le périmètre du bassin englobe déjà le vignoble du Jura. Faisant référence à l'objectif affirmé par FranceAgriMer en d'autres temps, « Un bassin, une interprofession », Claude Chevalier se veut confiant « nous saurons nous adapter si nécessaire pour y parvenir ».



Marchés : un millésime 2015 très attendu



Avec un volume de récolte élevé (1,58 millions d'hectolitres, +8% par rapport à la moyenne décennale) le millésime 2014 a redonné des couleurs au marché régional. Après trois campagnes de baisse conséquente, liées à trois années de faibles récoltes (2010, 2012, 2013), les échanges sont repartis à la hausse. Les volumes de transactions entre viticulture et négoce sont en hausse de plus de 18% pour les douze mois de la campagne 2014-2015. Ce qui se traduit par un fort volume d'achat sur le millésime 2014, le négoce ayant besoin de reconstituer ses stocks. En dépit de ces volumes, les stocks à 8 mois seulement pour la campagne 2014-2015, restent tendus et à un seuil critique pour la filière.
En France, la Bourgogne poursuit son développement auprès des circuits traditionnels (cavistes, restauration), le secteur caviste restant le plus dynamique, en dépit du manque de disponibilité des vins de Bourgogne. Les appellations privilégiées sur ce marché sont majoritairement des vins rouge de milieu de gamme : Mercurey, Givry, Pommard, Santenay et Marsannay. Dans la restauration, c'est l'appellation Chablis qui reste la plus représentée, viennent ensuite le Bourgogne aligoté et le Mercurey. Le Crémant de Bourgogne trouve doucement sa place. Les circuits de la grande distribution, en revanche, sont largement impactés par les petites récoltes.
A l'export, les Bourgogne ont le vent en poupe, le vignoble bénéficie d'une belle image et la demande redémarre dans plusieurs pays, soutenue par le début de commercialisation du millésime 2014, très attendu. Les marchés d'Amérique du Nord renouent avec la croissance en volume et passent au premier rang pour le chiffre d'affaires. Les appellations régionales en blanc ont boosté les ventes aux Etats-Unis en 2014. La bonne santé des vins de Bourgogne sur le marché américain se confirme sur les sept premiers mois de 2015. Ce sont les appellations régionales en blanc et Chablis qui profitent le plus de ce retour de croissance. Les ventes au Canada profitent aussi d'une embellie, tandis que le volume global exporté sur les trois principaux marchés asiatiques (Japon, Chine, Hong-Kong) repart aussi à la hausse (+ 2% en volume, + 15% en CA).