Assemblée générale de la FNB
Un ministre peu convaincant

Dans la crise qui secoue l’élevage, l’assemblée générale de la Fédération nationale bovine a pointé la responsabilité des pouvoirs publics qui n’ont pas pris conscience des difficultés des éleveurs et de l’aval de la filière qui ne joue pas la carte de la production nationale.
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« Vous êtes responsable, en tant que ministre, de la situation. Les pouvoirs publics ont tardé à prendre conscience de l’ampleur de la crise », a déclaré Jean-Pierre Fleury, président, en accueillant le ministre de l’Agriculture au congrès de la Fédération nationale bovine (FNB) qui s’est tenu à Bourg-en-Bresse, les 3 et 4 février.
Accueilli sous les huées, Stéphane Le Foll a été soumis à un véritable réquisitoire de la part de la profession. Le plan de soutien à l’élevage annoncé le 3 septembre dernier et complété en janvier dernier ? « Les intentions sont bonnes », notamment en matière d’Année blanche, a convenu Jean-Pierre Fleury, mais pour préciser aussitôt que « les moyens ne sont pas suffisants ». L’étiquetage de l’origine de la viande dans les produits transformés ? « Il faut mettre les moyens notamment à Bruxelles », a conseillé le président de la FNB, reprochant au ministre son manque de combativité sur le sujet. La Pac ? « La France est aux abonnés absents à Bruxelles », alors que se jouent des négociations qui conditionnent l’avenir de la viande bovine.

Bien du mal à répondre…


Pour Jean-Pierre Fleury, la Commission européenne ne se préoccupe que de signer des accords de libre-échange, hier avec le Canada, aujourd’hui avec les Etats-Unis, demain avec le Mercosur… sans se soucier des réelles conséquences observées dans les pays membres.
Aux pouvoirs publics, il est également reproché de ne pas procéder aux contrôles et aux sanctions sur les manquements aux relations commerciales, comme le prévoit la loi, l’accumulation des normes et réglementations qui plombent la compétitivité des exploitations, les difficultés des déclarations Pac (registre parcellaire, SNA…), le rejet des dossiers sécheresse et l’utilisation d’outils inadaptés contre l’avis même de son administration décentralisée, les lourdeurs de la méthanisation, la persistance des difficultés d’exportation liées à la FCO (avec les craintes liées aux conséquences de la prochaine reprise de l’activité vectorielle…) et la disponibilité des vaccins.
Autant de sources de mécontentements auxquelles le ministre a eu bien du mal à répondre.
La besace vide
Dans sa corbeille, le ministre n’avait finalement qu’un nouveau décret sur la pesée, le classement et le marquage des carcasses pour tenter de moraliser les relations commerciales entre l’éleveur et l’abatteur… Bien maigre apport, dont le texte est prochainement à paraître et devrait fixer un laps de temps pendant lequel l’éleveur pourra accepter ou contester le classement de ses animaux. Par ailleurs, le ministre a annoncé un assouplissement du régime des installations classées pour l’environnement (ICPE). Sur le modèle déjà en vigueur pour le porc et la volaille, un régime d’enregistrement va se mettre en place entre 400 et 800 places. De même, il a informé de la mise en place du nouveau dispositif de cotation par FranceAgrimer pour février.
Stéphane Le Foll a également confirmé qu’il allait publier un décret sur l’origine des viandes dans les produits transformés, et cela sans attendre le feu vert de Bruxelles. Une annonce déjà faite la semaine précédente, alors de mauvais cœur parce que faite sous la pression des éleveurs…
Et quant aux huées, Le ministre disait accepter ces « interpellations » comme il qualifiait lui-même : « j’en ai l’habitude, mais cela ne m’empêchera pas de continuer ! ».

Un nouveau modèle de filière


Mais les débats se sont également focalisés à Bourg-en-Bresse sur le comportement de la filière qui ne joue pas la carte du troupeau allaitant et dont la politique du bas prix est incompatible avec le maintien des élevages extensifs à l’herbe. Il fut bien entendu question du principal opérateur, le groupe Bigard, lequel contrôle 40 % de l’abattage en France. Convié aux travaux du congrès, son dirigeant avait décliné l’invitation.
« Nous voulons un nouveau modèle de construction de la valeur dans la filière qui intègre les coûts de production », a plaidé Jean-Pierre Fleury. Ainsi la filière Viande bovine est-elle accusée de ne pas s’être inscrite dans une démarche de revalorisation du prix à la production, sous l’égide du ministre de l’Agriculture, en juin dernier. « Aujourd’hui, il manque 60 cts/kg de carcasse, soit 250 € par animal », déplorent les éleveurs. Au groupe Bigard, il est également reproché de torpiller la stratégie exportation. Ainsi, la plate-forme Export mise en place l’été dernier n’a, à ce jour, conclu aucun contrat… Il est également reproché à Jean-Paul Bigard de bloquer les travaux menés par l’interprofession sur la segmentation du marché, segmentation qui, seule, permettra de mieux valoriser les viandes issues du troupeau allaitant. Et de toujours jouer la carte des prix les plus bas…





Les jeunes « à poil »


Coup d’éclat des Jeunes agriculteurs à l’assemblée générale de la FNB à Bourg. A l’issue du discours de Stéphane Le Foll, plusieurs JA de l’Ain se sont invités à la tribune et ont offert au ministre, pour son anniversaire, un millefeuille, une pelle à tarte et un réveil rose, avant de se déshabiller…
« Le millefeuille pour représenter les difficultés des jeunes agriculteurs face à l’administration et aux normes environnementales. La pelle, c’est pour le partage des marges, en espérant qu’il nous restera quelques miettes. Le réveil, c’est pour que le gouvernement se réveille, vite, parce que nous, on ne pourra pas continuer comme ça pendant des années », a expliqué Jérôme Martin, le président des JA de l’Ain.
Une manière spectaculaire de dire au ministre que les paysans se retrouvent à poil, dépouillés par la chute des cours, éreintés par la hausse des charges et les tracasseries administratives.
Visiblement ému par cette démonstration plutôt sympathique, Stéphane Le Foll a indiqué que les aides ne seraient pas reprises même si les objectifs ne sont pas atteints au bout de cinq ans, les jeunes agriculteurs n’étant pas responsables de la crise agricole. Il ne manquerait plus que ça !






L’Europe remise en cause



Dans la salle les commentaires allaient bon train : « il faudra se serrer la ceinture encore un an » ; « il dort toujours Le Foll » ; « incompétence de l’Europe »… Et c’est effectivement l’Europe qui se profile au travers des débats sur le prix. « Les fondamentaux de l’Europe sont en train de tomber », avançait Jean-Pierre Fleury dans son discours de clôture, le 4 février. Le président de la FNSEA, Xavier Beulin, évoquait, lui, une Europe où il est « difficile de faire cohabiter 28 états membres », une Europe avec son « dumping social et fiscal », une Europe où « la Pac ne répond plus ou insuffisamment » aux problématiques agricoles. Il note que l’Allemagne, plutôt libérale, commence aussi à changer de position, face à un Phil Hogan qui a longtemps nié la crise agricole. Entre « ce qui se passe avec la Grande-Bretagne », l’Italie, la Grèce, la Pologne, le terrorisme, « l’Europe est à la croisée de chemins particulièrement dangereux », renchérissait Stéphane Le Foll, qui s’engageait à déposer le 4 février un mémorandum pour que « l’Europe prenne la juste mesure des choses » quant au sujet de la crise de l’agriculture. Il y fait également des propositions. « Il est temps sur ce sujet d’avoir des initiatives », observait-il. On partage. Il est grand temps ; il y a urgence…