Accélération des émissions de méthane
Les ruminants hors de cause

Les émissions de méthane seraient accélérées, selon une récente étude. Chercheur au CNRS et co-auteur de ce travail, Philippe Bousquet rappelle que l’agriculture est responsable d’une augmentation « tranquille » alors que les causes de l’accélération sont « mal comprises ».
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« L’augmentation très rapide des émissions de méthane doit être mieux prise en compte », selon une équipe de recherche internationale, auteur d’un bilan complet des sources et puits de méthane dans "Earth System Science Data et Environmental Research Letters", publié le 12 décembre. D’après cette équipe, les émissions de méthane augmenteraient depuis 2007, « avec une forte accélération depuis 2014 », précisent le CNRS, le CEA et l’université de Versailles. Ces résultats doivent permettre de mieux évaluer la contribution de ce gaz au changement climatique.
D’autant que Philippe Bousquet, un des auteurs principaux de l’étude et chercheur au CNRS, explique qu’aucun des quatre scénarii principaux élaborés par le Giec ne prend en compte cette accélération.

Une origine mal connue


Le scientifique ajoute que les émissions des activités agricoles ne peuvent pas expliquer l’accélération constatée des émissions de méthane. « Les animaux sont responsables d’une augmentation tranquille. Ils ne sont pas responsables de l’accélération », insiste-t-il.
Les raisons de l’accélération des émissions de méthane depuis 2007, précisent le CEA, le CNRS et l’université de Versailles, restent « très mal comprises ». Il se pourrait qu’elle résulte d’une augmentation des émissions de méthane liées à l’agriculture, arguent les chercheurs, mais Philippe Bousquet ajoute : « cependant, une augmentation des émissions associées à l’exploitation d’énergie fossiles ne peut pas être exclue pour le moment ».
Pour l’heure, les chercheurs rappellent que l’agriculture et les déchets sont responsables de 36 % des émissions de méthane, alors que l’exploitation des énergies fossiles émettrait jusqu’à 30 %. Au sein du secteur agricole, les ruminants représentent 75 % des émissions et la riziculture 25 %. Par ailleurs, l’origine naturelle des émissions de méthane a aussi une part importante, notamment par les zones humides ou inondées (voir graphique).

Stockage de carbone dans les prairies


L’élevage français a fait entendre sa voix, rappelant qu’il fallait aussi prendre en compte le stockage de carbone rendu possible par les activités d’élevage. L’Institut de l’élevage a en effet publié en 2012 une étude prenant en compte l’ensemble des gaz émis et stockés par les ruminants en France.
« La prise en compte du stockage de carbone sous les prairies et les haies se traduit par une compensation comprise entre 6 et 43 % selon les systèmes, en fonction de la part de prairies », rappelle ainsi Interbev, l’interprofession bétail et viandes françaises, qui ajoute que les treize millions d’hectares de prairies du pays « n’existeraient pas sans l’élevage et offrent à la société des services paysagers et écologiques ».
Philippe Bousquet reconnaît que des études manquent s’agissant de la prise en compte de l’ensemble des gaz à effet de serre pour un même secteur, notamment celui de l’élevage. A ce titre, « il faut une vision intégrée, pas seulement sous l’angle du méthane », appuie le chercheur pour qui « il y a beaucoup à faire, mais ça commence. L’Inra y travaille aussi ».
En attendant une vision globale et plus objective, chacun est invité à ne pas tirer de conclusion hâtive qui conduirait à jeter une nouvelle fois le discrédit sur l’Agriculture. A bon entendeur…




Le chiffre de la semaine
-1,3 %

-1,3 %, c’est la baisse des émissions de méthane de l’agriculture et l’élevage français entre 2008 et 2014, selon le ministère de l’Écologie qui a publié les données détaillées secteur par secteur, notamment des émissions de gaz à effet de serre, le 10 février.
On ne parle donc même plus d'augmentation...