Exportations de viande bovine
Le coup de pied polonais

En dix ans, la Pologne a certes détrôné la France en matière d’exportations de viande bovine, mais les choses pourraient bien changer, selon l’Institut de l’élevage…
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Entre 2005 et 2015, la Pologne s’est imposée sur le marché de la viande bovine européenne au détriment de la France. En cause, un prix particulièrement bas, rendu possible par un coût de la main-d’œuvre très faible et un prix moindre des animaux à la production.
Dans son dossier n°471, publié en décembre dernier, sur le jeune bovin polonais, l’Institut de l’élevage (Idele) constate que « bien qu’il ne s’agisse pas de carcasses comparables (le rendement muscle étant inférieur pour les carcasses polonaises), ce bas prix a permis à la viande polonaise de percer de façon significative sur tous les marchés export de la France, en particulier en Italie, où la crise économique a conduit à une descente en gamme de la demande ».
En 2015, un écart de prix de 26 % existait entre ainsi des demi-carcasses d’origine françaises (4,14 €/kg) et celles d’origine polonaises (3,07 €/kg), selon les chiffres des douanes italiennes.
À noter que, d’après l’Idele, les acteurs de la filière polonaise « prennent conscience d’une part que le prix n’est pas le seul critère de choix pour leurs clients et, d’autre part, que le différentiel compétitivité/prix avec les autres États membres de l’Union européenne pourrait quelque peu se réduire à l’avenir ».
Reste qu’en Pologne, 225.000 veaux laitiers naîtront, chaque année, en moins d’ici 2020, analyse l’Institut de l’élevage. La baisse du nombre de vaches laitières ne sera en effet pas compensée par la constitution d’un troupeau de bovins allaitants…

Coup de frein aux visées expansionnistes ?


La Pologne devra ainsi revoir à la baisse ses ambitions en matière d’exportations de viande bovine alors que de moins en moins de jeunes bovins y seront engraissés faute de veaux. Le 5e pays producteur de lait de l’Union européenne - actuellement en pleine restructuration - ne suit pas la voie de la France en convertissant massivement une partie de son troupeau laitier en troupeau allaitant. D’ici 2020, les effectifs de vaches laitières devraient ainsi passer sous le seuil des deux millions de têtes pour atteindre 1,9 million (contre 3,4 millions en 1998), indique l’Institut de l’élevage (Idele) dans une étude portant sur l’évolution des filières de viande bovine et laitière d’ici 2020 en Pologne.
Mais on ne dénombrera alors que 45.000 vaches allaitantes en plus (on en comptait 165.000 en 2015) alors que le troupeau laitier comprendra 225.000 vaches laitières en moins. Or les éleveurs polonais ne pourront pas compter sur leurs voisins tchèques ou hongrois pour importer les veaux nés dans leur ferme. Tous les pays de l’est de l’Union européenne rationalisent et restructurent en effet leur filière laitière.
On comptera ainsi jusqu’à 175.000 veaux en moins chaque année en Pologne… Et les experts de l’Idele pronostiquent un retournement des ventes de viande à l’étranger dès cette année, après un pic à 500.000 tonnes équivalent carcasse (tec) en 2015. Les expéditions ne porteraient plus que sur 476.000 tec, sans compter l’impact de la reprise attendue de la consommation par les Polonais qui s’étaient fortement détournés de la viande bovine, avec une baisse de 90 % par rapport au début des années 1990. Dorénavant de meilleure qualité, la viande de bœuf ne devrait plus être boudée comme par le passé.

Opportunité pour la France ?


La filière bovine polonaise sera par ailleurs moins compétitive dans les années à venir. Dans les abattoirs, un renchérissement de la main-d’œuvre est attendu. Quant à la production de jeunes bovins en Pologne, issus de veaux ou de broutards importés pour compenser le déficit en veaux, elle rendra le coût de production de viande plus onéreux. Des broutards français pourraient même être exportés en Pologne, faute d’animaux suffisants, mais ces ventes porteraient toutefois sur de faibles volumes.
La faible reconversion de l’élevage laitier polonais et de celui de l’est de l’Union européenne pourrait, au final, reconfigurer les échanges commerciaux au profit de la France si le marché européen n’est pas ouvert à la concurrence américaine dans le cadre du TTIP. Avec moins de viande polonaise produite, les marchés seront moins tendus.




Un essor en trompe l’œil


Depuis dix ans, l’essor de la filière de viande bovine polonaise et de ses exportations repose sur les ventes de génisses, sur le déstockage de vaches laitières de réforme et surtout sur l’engraissement d’une quantité phénoménale de petits veaux issus de troupeaux laitiers peu productifs. Au lieu d’être exportés comme par le passé (jusqu’à 700.000 veaux ans au début des années 2000), les quatre cinquièmes sont dorénavant engraissés dans les étables ou vendus à des producteurs spécialisés.