70 ans de la FNSEA
Le syndicalisme face aux défis multiples

Publié par Cédric Michelin
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A l’occasion du 70e congrès de la FNSEA qui se tient cette année à Laval, retour sur les avancées de plusieurs décennies de syndicalisme agricole, dans un contexte où les agriculteurs - de moins en moins nombreux - doivent faire face à une concurrence mondialisée.
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Voté lors du congrès constitutif de la FNSEA le 14 mars 1946, le « serment de l’unité paysanne » - que le premier président de la FNSEA, Eugène Forget, a alors fait adopter - répondait à la volonté des agriculteurs de parler d’une seule voix face aux pouvoirs publics, affirmant par la même occasion l’autonomie du syndicat agricole vis-à-vis du domaine politique. Le but, défendre collectivement les intérêts des paysans, n’a pas changé depuis l’apparition des tous premiers syndicats agricoles à partir des années 1880. Et si ces derniers se cantonnaient au service (achats et ventes groupés, caisse de mutuelle accident, mortalité de bétail et incendie…), la FNSEA doit, en cette période d’après-guerre, accompagner un défi de taille : rétablir et développer la production agricole française, mais aussi la moderniser.

Modernisation


Le besoin de représentativité du monde agricole est d’autant plus fort que dès l’entre deux guerre, l’écart avec les conditions de vie des urbains ne cesse de se creuser, initiant un sentiment de déclassement et de délaissement chez les agriculteurs. Les disparités de revenus qui s’accentuent vis-à-vis des autres catégories socioprofessionnelles font d’abord porter le combat syndical sur les prix avant de s’étendre, sous l’influence du Centre national des jeunes agriculteurs et des leaders formés par la Jac, la Jeunesse agricole catholique, comme Michel Debatisse, à un projet plus global de modernisation de l’agriculture.
Progressivement, le syndicalisme agricole fait pression auprès des pouvoirs publics pour obtenir des moyens importants en faveur du développement de l’agriculture, cette dernière amorçant un tournant majeur avec les lois d’orientation de 1960 et 1962 qui instaurent une politique sociale, une politique des structures, organisent les productions et les marchés, grâce aussi à l’implication du ministre de l’Agriculture de l'époque, Edgard Pisani.
Un peu plus tard, le syndicalisme agricole obtient, dans les années 1970, la mise en place de la Dotation jeune agriculteur (DJA), de la politique de la montagne et de la compensation des handicaps naturels. Sous l’impulsion de la FNSEA, les lois du 31 décembre 1970 relatives au statut des baux ruraux à long terme et aux groupements fonciers agricoles (GFA) favorisent l’incitation au développement du marché locatif, face à l’augmentation des investissements nécessaires pour s’installer ou s’agrandir.

Agriculture et ruralité dans un marché mondial


Si le Traité de Rome étend le marché commun à l’agriculture, offrant ainsi des perspectives à l’agriculture française, il oblige le secteur à une meilleure organisation des marchés et des producteurs. L’essor du développement agricole est freiné à la fin des années 1970 par la crise économique et le changement de paradigme. La sécheresse de 1976 donne lieu, de son côté, à un fort élan de solidarité du syndicalisme agricole (opération paille).
Malgré une manifestation de grande ampleur à Paris, le 23 mars 1982, réunissant 120.000 agriculteurs en faveur de l’unité, un pluralisme syndical émerge au milieu des années 1980. Pour soutenir les agriculteurs dans leur conquête de nouveaux marchés, la FNSEA défend la compétitivité des entreprises agricoles, question en partie traitée dans la loi de modernisation de 1980, et s’attache à maintenir les avantages de l’agriculture française sur le marché européen, notamment dans la réforme de la Pac. Parallèlement, avec l’accélération de l’exode rural des années 1960-1980, le syndicalisme doit aussi défendre le monde agricole face au pouvoir de plus en plus puissant des consommateurs. Un enjeu qui permet d’ailleurs à la FNSEA de rassembler, à la fin des années 1970, presque trois-quarts des exploitations agricoles françaises, un record de représentativité jamais égalé par les autres syndicats en France.
Au-delà de la défense des agriculteurs, c’est aussi celle du monde rural à laquelle s’attache le syndicalisme, à l’exemple de la manifestation du Dimanche des Terres de France, qui réunit plus de 300.000 personnes à Paris sous le slogan « Pas de pays sans paysans », en septembre 1991.

Renouer les liens avec la société


Dans le prolongement de ce combat, c’est le rôle économique, social et environnemental de l’agriculture qui doit aujourd’hui être défendu, alors que le nombre d’exploitations agricoles françaises, autour de 500.000 aujourd’hui, a été divisé par cinq depuis 1945.
Devant les difficultés économiques auxquelles font face de nombreuses filières, une partie de la réponse, la revalorisation des prix, passe désormais par une meilleure considération du travail de l’agriculteur de la part de la société. En amont de la chaîne alimentaire, le producteur a besoin de reprendre la main sur la valeur de ses produits, et un travail de fond reste à mener au niveau de l’organisation des filières.
Parallèlement le syndicalisme agricole doit aussi s’ouvrir davantage à des consommateurs qui ont majoritairement perdu contact avec le monde rural et sont très demandeurs d’une alimentation de qualité, respectueuse de l’environnement. Le projet serait d’autant plus fédérateur qu’avec les crises alimentaires de ces dernières années (ESB, horsegate…), la demande sociale pour une agriculture de proximité se fait de plus en plus forte.



Vigueur, solidarité et unité


« Ce congrès de Laval marque le 70e anniversaire de notre organisation. 70 ans au cours desquels, après le serment de l'unité paysanne prononcé par Eugène Forget en 1946, se sont succédés des femmes et des hommes animés d'une même volonté : porter les intérêts des paysans et construire leur avenir. Vous êtes, nous sommes les héritiers des valeurs portées sans relâche par nos aînés : courage, persévérance, solidarité, collectif, responsabilité, unité, engagement, intérêt général… Oui c'est bien autour de ces valeurs que nous savons nous rassembler, forts de nos différences. Et si la FNSEA est "puissante, voire toute puissante" comme on aime à le marteler, c'est parce que le débat, les échanges, parfois vifs entre nous, sont permanents. C'est notre première exigence, c'est notre premier devoir, grâce à un réseau actif, que de faire vivre - de la commune au national - le dialogue indispensable à la construction de nos revendications comme de nos ambitions.
Oui, monsieur le ministre, derrière tous nos combats, il y a avant tout, des femmes et des hommes, des ruraux, des familles qui depuis des générations façonnent, structurent notre identité, participent à notre équilibre social, animent notre démocratie.
Mes chers collègues, 70 ans c’est un bel âge ! Mais la FNSEA n’est pas une vieille dame. Au rythme où s’allonge l’espérance de vie, je suis certain que les 70 ans à venir seront toujours marqués par la vigueur, la solidarité et l’unité
».
Extraits du discours de Xavier Beulin en clôture du congrès de Laval