Vignobles de Bourgogne
Des domaines « sur la corde raide »

Publié par Cédric Michelin
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Présentant les chiffres définitifs de la récolte 2016 devant la préfète de Région et ses services agricoles, la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne (CAVB) a rappelé - ce 13 mars à Pernand-Vergelesses - le « paradoxe » bourguignon,  région qui communique d’un côté à l'échelle mondiale pour « rassurer ses marchés » tout en devant, à l'échelle régionale, « trouver des solutions pour les Domaines touchés de façon dramatique par les aléas climatiques », expliquait Jean-Michel Aubinel, président.
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La récolte 2016 s’établit à 1,22 million d’hectolitres (hl) où plutôt 1,1 million d’hl si l’on exclut les 100.000 hl provenant du département du Rhône, soit une baisse de -20 % par rapport à la moyenne décennale (1,5 million d'hl). Derrière ces chiffres se cachent surtout de fortes disparités selon les différents vignobles. Et cela que ce soit pour le Chablisien, par exemple, lequel finit avec une baisse de -47 % (169.427 hl contre 319.338 hl en 2015) ou encore la Côte de Beaune, avec de nombreuses parcelles « à 0 hl » alors qu’à quelques kilomètres seulement, en Côte chalonnaise ou dans le Nord Mâconnais, « des murs de raisins » permettaient parfois de constituer des VCI.

Différences selon les départements


Ainsi, couvrant la presque totalité du vignoble, la situation des appellations régionales est très hétérogène. Président de l’ODG Bourgogne, Gérard Maître donnait les chiffres par département, « pour imager les disparités, sachant que les situations sont disproportionnées selon les vignobles, les villages ou les secteurs ». Ainsi en AOC bourgogne blanc 2016 dont le rendement maximum autorisé est de 68 hl/ha, l’Yonne finit avec une moyenne de 19 hl/ha, la Côte-d’Or à 34 hl/ha et la Saône-et-Loire à 55 hl/ha. En rouges, la situation n’est guère plus réjouissante, avec 26 hl/ha dans l’Yonne, 23 hl/ha en Côte-d’Or et 55 hl/ha en Saône-et-Loire, alors que le rendement maximum autorisé est de 62 hl/ha. Cépage « généreux », l’aligoté fut aussi fortement impacté. Il en va de même pour les Hautes-Côtes de Beaune rouge qui ont perdu 35 % en volume par rapport à 2015 (17.500 hl pour un rendement de 27 hl/ha). A contrario, les mâcons rouges ont connu des conditions exceptionnelles, finissant à 21.000 hl, soit un rendement de 60 hl/ha en moyenne.

Disparités selon les vignobles


Viticulteur à Davayé, Michel Paquet rappelait toutefois la grêle du 13 avril « sur 1.500 hectares », qui frappait alors principalement les appellations saint-véran et pouilly-fuissé. « Avec -20 à -30 % de récolte, il nous faut maintenant tenir nos part de marchés et réussir à fournir nos clients, sinon ce sera compliqué de les reconquérir, notamment à l’export », insistait-il.
Même constat pour la Côte chalonnaise, à Mercurey et Rully surtout, « où le gel a sévi sur 35 % de l’appellation entre 70 et 100 % d’intensité » et donc de pertes, témoignait la présidente de l’ODG Rully (-17 %), Marie Jacqueson. Comme à Givry (+24 % à 12.607 hl), d’autres secteurs de la Côte chalonnaise (+6 % à 77.788 hl) ont heureusement profité de la belle qualité générale du millésime.
Côté appellations communales, c’est à nouveau le Nord de la Bourgogne qui a été le plus impacté, surtout les villages de Saint-Bris (-80 % ; 12 hl/ha en moyenne) et Irancy (-50% ; 17 hl/ha en moyenne). Si Chablis à perdu près de 50 % de sa production (avec 169.085 hl), des VCI avaient été constitués les années précédentes à hauteur de 46.000 hl. Les Grands crus de Chablis (-13 %) ont, eux, été protégé du gel par leur système d’aspersion. Ceux de la Côte de Nuits (-18%) ont en partie aussi échappé au gel, sauf en ce qui concerne l’appellation Marsannay (-50 %).

Harmoniser les fermages ?


En dehors des aléas climatiques de 2016, « l’accumulation » des pertes de récolte depuis 2012 sur la Côte de Beaune (-24 % à 117.122 hl) est bien plus inquiétante. Les appellations comme Savigny-lès-Beaune, Pommard ou encore Volnay ont a nouveau été touchées, en l'occurrence par le gel.
« 2016 a été le coup de grâce après 2012, 2013 et 2014. Certains vignerons sont au bord du dépôt de bilan alors qu’on a une image de nantis. On n’a plus de stock et on est sur le fil du rasoir », témoignait Thierry Glantenay, président de l’ODG Volnay. A Pernand-Vergelesses (-53 %), Vincent Rapet et sa femme, Sylvette, ne produiront que 60.000 bouteilles du millésime 2016 contre 165.000 cols en année "normale". « Avec nos récoltes 2012, 2013 et 2014, moins la franchise, l’assurance ne sert plus à rien. Nous avons de grosses charges de main-d’œuvre et de fermages. Il serait bien que chaque domaine ait une cagnotte défiscalisée pour continuer de payer les salariés car là, à chaque fois, on repart de zéro », regrettaient-ils.
Jean-Michel Aubinel mentionnait la réforme du calcul du fermage en Côte-d’Or, voulant encore « harmoniser les volontés communes des trois départements ». Un sujet « pas facile car c’est bien souvent la retraite complémentaire des parents, qui n’ont pas de grosses retraites agricoles ». Et l'histoire comme l'évolution du marché des vins dans les trois département n'étant pas les mêmes...



Réussir à décaler les mesures d’accompagnement


Après avoir rappelé les accompagnements, la CAVB réitérait ses demandes pour des mesures supplémentaires, adaptées notamment au mode de commercialisation. « Nos problèmes vont arriver en 2018-2019 pour ceux vendant en bouteilles. La récolte 2017 sera cruciale pour tous les secteurs touchés en 2016 », expliquait à ce titre Christophe Ferrari, président adjoint de la CAVB. La préfète de Région, Christiane Barret s'en est dite bien consciente citant, par exemple, le dispositif de chômage partiel, demandé par 72 établissements, pour 331 ETP, pour un total de 122.000 heures autorisées mais seulement 32.000 heures consommées cette année en raison de ce « décalage ». Les trésoreries vont donc se tendre à l’avenir. Michel Paquet pour le sud Mâconnais (secteur touché par la grêle), Vincent Rapet pour le Nord de Beaune (secteur touché par le gel) ou encore Thierry Glantenay pour le Sud de Beaune (secteur à la fois touché par le gel, puis la grêle), alertaient sur le fait que nombre d’exploitations viticoles sont sur « la corde raide », du fait de la succession de récoltes déficitaires, pour certains en 2012, 2013, 2014, 2016 et même parfois 2015 « avec des vignes fatiguées ». Les règles juridiques ou fiscales ne sont pas seules en cause. Alors que l’expérimentation des Volumes complémentaires individuels (VCI) à Chablis autorisait initialement de conditionner ces derniers en bouteilles, l’INAO « bloque » dorénavant cette possibilité, déplorait Jean-Michel Aubinel.