Rencontres autour de l’alimentation connectée
Redonner le plaisir de cuisiner

Publié par Cédric Michelin
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Savoir cuisiner est étroitement lié avec savoir choisir des produits de qualité. Dans ce cas, les produits agricoles ont une vraie valeur ajoutée, qui se retrouve, au delà, pour toute la filière. Or, en quelques décennies, l'art de cuisiner a été bouleversé par l'évolution de la société et la révolution des plats préparés, à la maison ou en restauration. Mais l'art de cuisiner revient, dans les médias, mais également pour les futurs générations, avec des cuisines intelligentes. Le pôle de compétitivité agro-alimentaire Vitagora est revenu autour de cette alimentation connectée, via Internet. Et innovation  peut rimer avec tradition.
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Traçabilité du champ à l’assiette, distribution à distance qui ramène les consommateurs au local et à une alimentation de qualité, adaptation de l’offre de produits aux spécificités des choix des consommateurs… Les promesses des objets connectés (au web, NDLR) sont nombreuses et largement médiatisées. Les risques le sont moins en revanche. Le 5 novembre dernier à Dijon devant une centaine de participants, le pôle de compétitivité agroalimentaire Vitagora organisait, en partenariat avec le Groupe Seb et Bourgogne Développement, une table-ronde intitulée "Alimentation connectée : les cartes à jouer de la France". Il faut dire que cette thématique "e-Food" - qui pourrait se traduire par alimentation connectée - intéresse de plus en plus. Des grands comptes de l’agroalimentaire aux géants de l'informatique, tous se positionnent déjà pour capter de la valeur, et gagner des parts de marchés, dans la chaîne alimentaire.

Les fermes en direct des cuisines


Les compétences existent sur le territoire français, et les intervenants n’ont pas manqué de le rappeler. Jérôme Seillier, de Digital Food Lab, dressait un panorama des "start-up" françaises qui se positionnent tout au long de l’élaboration d’un menu. En commençant par le début, les achats de produits alimentaires (e-commerce, drives, comparateurs de prix, préparation liste de courses, cartes de fidélité…). Mais aussi après, autour des façons de les cuisiner (Marmiton.fr ; 750g.fr, foodette.fr…), autour des moments de les partager (repas chez l’habitant…), des sensations de manger (comptage de calories…), autour des avis de dégustations (evernote food…) et enfin sur comment planifier les prochains repas, de façon économiques ou équilibrés (wecook.fr.). « On va vers du numérique fonctionnel, et non plus, d’un côté des marques, de l’autre des réseaux sociaux », analyse-t-il.
Des solutions numériques majoritairement développées sur la partie aval de l’agriculture. Cette dernière commence à se connecter néanmoins (laruchequiditoui, Locavore, Loc’Halles…) pour reprendre une partie du pouvoir sur la distribution et revaloriser directement ses propres produits.
Franck Brossaud, du BIVB, remontait au tout début de la filière Vin, avec la possibilité de tracer l’origine du producteur d’une bouteille de vin. Benoît Gervais, via sa plateforme internet Locavore, propose que le consommateur se connecte au producteur « pour pouvoir lui poser des questions », testé pour l’heure avec aussi deux points de distribution bien réels, ce qui pourrait bien virer au cauchemar si tous les consommateurs posaient des questions aux producteurs...

Métamorphose de la cuisine


Reste que l’aspect communautaire du web 2.0, avec des Internautes capables d’agir, est bien là et provoque une « métamorphose de tous les secteurs » et notamment pour cet « élément fédérateur qu’est la cuisine », comme l’expliquait Christine Balagué du Conseil national du Numérique. Une « fabrique collective », via des plateforme de contenus numériques (Google, facebook…), qui provoque un déplacement de la valeur « vers les services ». Ces services entraînent de nouveaux usages, propre à une « multitude » de communautés. « Le comportement d’un individu s’explique de moins en moins par son profil, les caractéristiques qu’on regardait en marketing depuis 30 ans mais de plus en plus par les connexions qu’il a avec des personnes, dans des communautés ». Dès lors, les données (data) mesurées et collectés prennent de la valeur économique sur tous les marchés économiques (et financiers).

La fin des plats ratés ?


C'est ce qu'ont bien compris les industriels. Pour Philippe Crevoisier du Groupe Seb, sa « première » communauté est celle qui utilise ses produits dans les cuisines du monde entier, lui, le « leader du petit électroménager ». Il réfléchit donc à « enrichir l’expérience client » avec des objets « intelligents », des plateformes (openfoodsystem) et des logiciels (API), « capables de comprendre des recettes et ce que veut en faire le consommateur », pour leur offrir des listes de courses, des informations sur la nutrition et surtout comment « bien utiliser nos produits » avec de nouveaux capteurs. Est-ce donc la fin des plats cramés ?
« Une grande partie de la population a oublié comment cuisiner car c’est compliqué et les gens ont peur. Là, on va gagner en aisance » pour « permettre à chacun d’entre nous d’être un grand cuisinier », promet-il. Il faudra cependant des infrastructures et des partenariats. Bertrand Rojat d’Orange voit la donc une opportunité de proposer des recettes personnalisées, « en croisant les données », selon la température, les légumes de saison, ce qu’il reste dans le frigo, frigo virtuellement étendu à ce qui est disponible sur Internet via les drives.

Des consomm'acteurs aux Gafa


Ce qui pose derrière aussi la question de la protection des données. « Dis moi ce que tu manges, je te dirais qui tu es », disait Brillat-Savarin. Sauf que ce n’est pas forcément reluisant pour tous, aurait dit Jean-Pierre Coffe... La protection des données se doit donc d’être encadré par la loi française - « éthique » (Cnil) -  et non, américaine, qui multiplie les scandales d’espionnages.
Pour une liberté du "faible sur le fort" et non l'inverse donc. Car, Internet permet aux consomm’acteurs d'être mieux informés, sensibilisés au niveau de sa consommation, allant vers des produits de meilleur qualité, « équilibrés » et peut être aussi vers moins de gaspillage. Il existe déjà des objets connectés pour suivre tous ces usages, apportant des services aux ustensiles de cuisine. Mais derrière, nombre de ces start-up seront rachetées par d’autres sociétés. Des sociétés principalement américaines et chinoises, les Gafamas, l'acronyme de Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, Alibaba, Samsung.

La France se fera-t-elle manger ?


Comme l’a exprimé sans détour Antoine Durieux, d’Alkemics : « il faut que la France arrête de pleurnicher ». Car la France est la terre d’origine de grands acteurs de l’agroalimentaire, de la grande distribution, et du numérique : tous les ingrédients semblent donc être réunis pour que la France puisse prendre le jeu sur le terrain de l’alimentation connectée. Un atout supplémentaire se glisse dans nos manches : l’image de crédibilité sur les thématiques de la cuisine et de l’alimentation. « On a la marque France : le meilleur argument commercial, que le monde entier nous envie », concluait-il.
La gastronomie passe par la cuisine. Cette dernière sera demain connectée comme les autres pièces. Alors si la France veut rester le "pays de la gastronomie" alors elle « doit se bouger. Cela doit être une priorité nationale ».
Oui, La France a bel et bien une carte à jouer.



Concours e-Food
Au carrefour du numérique et de l’agroalimentaire


Coorganisé par Vitagora, Premice et Digital Food Lab, le concours e-Food vise à accompagner des projets qui mettent les Technologies de l’information et de la communication (TIC) au service de l’alimentation. Les prix "start-up", ouverts aux créateurs d’entreprises, et les prix "croissance", pour les entreprises existantes, ont été décernés.
Les lauréats du prix "Start-up"
Vitavinum : un bar à vin éducatif accessible sur une tablette et grâce auquel le consommateur pourra associer dégustation et apprentissage.
Locavor : un site Internet pour commander des produits de qualité, issus de productions régionales, et les retirer dans un point de relais de proximité.
Pandappétit : une application web qui guide les étudiants et les gourmands pressés dans la réalisation de recettes simples, variées et équilibrées.
Les lauréats du prix "Croissance"
Wynd : une solution logicielle pour que les professionnels puissent digitaliser l’ensemble des points de vente en fonction de besoins spécifiques.
Optimiam : une place de marché mobile où consommateurs et commerces de proximité sont connectés en temps réel pour optimiser l’écoulement des stocks de produits frais et réduire ainsi le gaspillage.
Les nouveaux fromagers : premier site Internet à proposer un abonnement mensuel à une sélection de fromages, livrés à domicile avec un livret dégustation.





Consommateurs 3.0
Innovez dans vos mises en marché !


Pour ses dix ans, le rendez-vous annuel de Vitagora fait peau neuve ! Le thème phare de 2015 : les nouveaux comportements de consommation et les opportunités à détecter pour la mise en marché des produits agroalimentaires et services alimentaire et nutrition. Conférences, tables rondes, une étude inédite sur les tendances nomadisme et prêt à consommer... Le forum Vitagora se tiendra les 14 et 15 avril à Dijon avec, notamment, l'économiste américain, Jérémy Rifkin.