Anniversaire des Fermes ouvertes
Des agricultrices en or

Publié par Cédric Michelin
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Le 21 mai à Laives, la commission des Agricultrices a fêté les 20 ans de l’opération "Fermes ouvertes" en Saône-et-Loire. Ces opérations de communication valorisent le monde agricole, ses métiers et ses savoir-faire. Ainsi, des milliers d’écoliers urbains et ruraux – ainsi que leurs parents, amis et professeurs – ont chaque année l’opportunité de comprendre l’évolution de l’agriculture et de la viticulture bourguignonne. L’occasion aussi de réaffirmer la place prépondérante des femmes en agriculture… depuis toujours.
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N’en déplaise à ces messieurs, les agricultrices ont de tout temps excellé dans l’art de la communication. Et donc, logiquement dans celui de la relation clients lorsqu’il s’agissait des ventes directes… Pas étonnant dès lors de voir la Commission des agricultrices, au sein de la FDSEA de Saône-et-Loire, s’occuper avec brio - depuis 20 ans - de cette opération de communication essentielle pour valoriser l’image toute entière du monde agricole.
Tout en s’amusant, les élèves des classes de primaires de l’école de la Colombière à Chalon-sur-Saône apprenaient et comprenaient ce fait avec l’évolution des métiers agricoles en jouant un spectacle sobrement intitulé : « il était une fois l’agriculture : hier, aujourd’hui et demain », écrit par la Commission des agricultrices. Aucune production majeure de notre département n’est oubliée qui plus est : viticulture, élevage laitier, allaitant, grandes cultures…

« Alors on danse » dans les fermes



Chaque époque finissait par une morale joyeuse en chanson : « non non, rien n’a changé » (Les Poppys) depuis les années 1970 où les agricultrices s’occupaient déjà de la vente directe de leurs œufs, lait, volailles, beurre… Des circuits courts et de proximité qui reviennent à la mode dans notre société contemporaine. « Je tourne en rond » (Zazie) mettait ainsi en musique le fait de devoir à nouveau diversifier sa production après l’ère de la spécialisation. « Alors, on danse » (Stromae) faisait se trémousser les enfants sur un rythme rapide, comme celui actuel d’une agricultrice qui « débute sa journée chez la nounou, nourrit les animaux, va au bureau pour devenir comptable ou commercial selon les jours », expliquait au microphone Danièle Jaillet. Une vie trépidante mais qui peut aussi devenir - à la longue ou par moment - épuisante. L’occasion donc de rappeler la création et l’utilité des services de remplacement ou encore l’importance des congés parentaux. Autant d’avancées sociales durement acquises. L’idée étant toujours de donner une image valorisante du métier, la modernité de ce dernier était mise en valeur avec ordinateur, mails, données météos, cotations sur Internet… Mais, l’avenir était tout de même ensuite envisagé plus sombrement : « on se fait du mal » (Black M) envisageait l’émergence d’une agriculture financiarisée, avec des agios, des épizooties et des contrôles administratifs à répétition…

Un département pilote



En tout cas, les enfants étaient visiblement ravis d’interpréter ces scénettes musicales, répétées le matin même après la visite instructive et pédagogique d’Evelyne et d’André Perrousset. Ce sont d’ailleurs eux, respectivement, les vainqueurs du concours d’affiches (dessins scolaires) et des 10e Lauriers d’or décernés aux agriculteurs participants et impliqués dans l’opération Fermes ouvertes. Cette année encore, une dizaine d’exploitation ont ouvert leurs portes aux élèves de Saône-et-Loire. Avec l’aide du Conseil départemental, « notre département est pilote en matière d’implication avec une centaine d’agriculteurs professionnels communiquant auprès d’élèves et de professeurs motivés », félicitait Colette Perrot, la présidente de la Commission. L’engagement de Noëlle Renaud était salué par toutes et tous mais aussi le travail de toute la commission, qui vont chercher des sponsors et remettre des prix aux écoles (appareils photo, livres de chasse…). Les instituteurs volontaires étaient aussi applaudis.

« S’ouvrir à la société »



Ancienne présidente, Anne Gonthier rajoutait que le monde agricole ne doit pas attendre des autres qu’ils fassent le premier pas mais bien qu’il faut continuer de « s’ouvrir à la société », via ce type de manifestation positive. A son apogée en 1999 et 2001, plus de 3.300 élèves ont participé aux Fermes ouvertes en Saône-et-Loire.
« Un bien vivre ensemble » que prônait aussi la député Cécile Untermaier. « Bravo pour tout ce travail » qui vise « l’égalité des chances », soulignait la secrétaire de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Le président de la FDSEA, Bernard Lacour concluait sur le fait que l’agriculture a su évoluer mais en retour n’est « pas toujours comprise », d’où « l’intérêt de briser l’incompréhension qui se crée ». Opération réussie.



« La situation se dégrade en ville »



La directrice de La Colombière en témoignait : « on a intérêt à continuer ». Issue d’une famille d’agriculteur, Monique Rozand l’observe aux premières loges : « la situation se dégrade. Les enfants - notamment en ville - ne savent plus d’où viennent les aliments. C’est donc important pour eux d’être en contact direct avec des agriculteurs dans leurs fermes ». Elle, qui va partir à la retraite, conseille donc vivement de poursuivre les efforts conjoints : « je ne l’ai jamais imposé à mes professeurs bien que certains aient eu des appréhensions au départ. Il faut donc aller les chercher, les accompagner et les motiver ». Un travail qui revient à tous.





"Belles-mères" et TVA : sources de progrès !



Salariée à la FDSEA et à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire et désormais heureuse retraitée, Madeleine Ducerf a mis en place les premiers GVF du département (Germagny, Sennecey-le-Grand, Blanzy). Ces Groupements de vulgarisation féminine se déroulaient dans un contexte de « cohabitation avec les belles-mères ». Dans les années 1960, des primes pour la « décohabitation » sont versées pour créer des logements indépendants. Des conseils sont alors prodigués aux agricultrices sur la partie ménagère : choix d’un congélateur, d’une machine à laver… Ces GFV faisaient suite aux GVA (agriculteurs) ou encore aux mouvements des instituteurs itinérants dans les campagnes.
Avec le recul, Madeleine Ducerf estime toutefois que « le virage flagrant » pour les agricultrices « s’est réellement fait en 1968 avec l’avènement de la TVA. Nous faisions réunions sur réunions pour informer et former beaucoup de femmes (comptabilité à cahier double, classification, organisation du bureau…). Elles sentaient qu’elles avaient une place à prendre au delà de leurs travaux à la ferme. Elles ont obtenu ce "point d’observation" central sur l’activité de l’exploitation ». Avec le temps et les formations (Journées de Buxy), et malgré les réticences de certains hommes et le poids de la société conservatrice de l’époque, les agricultrices ont réussi à se faire une place et s’impliquer dans les organisations professionnelles agricoles. S’en est suivi encore des formations sur les successions avec l’aide des notaires pour inciter les donations entre époux. « Les fils pouvaient mettre à la porte de l’exploitation et du logement leur mère » avant, même si les cas de figure étaient rares. Finalement, les agricultrices n’ont jamais cessé de se former (stage longue durée de 200 heures sur deux ans) et ont ainsi réussi à faire entendre leurs causes (retraites, statut…). « Mais, c’est toujours long en raison de la chape sociétale en agriculture », regrette Madeleine Ducerf qui sait que les agricultrices « reviennent de loin mais ce n’est pas terminé ».