Agroécologie et Développement durable
Déjouer les pièges des clients

Publié par Cédric Michelin
-
Avec les polémiques à répétition et les partis pris de plus en plus clivant au sein de la société, les questions de certains clients peuvent être vite tourner aux pièges. Comment les déjouer sans tomber dans les faux stéréotypes ou pire le mensonge ? Il semblerait que l’agroécologie ou autrement dit le développement durable, avec ses dimensions environnemental, social et économique puisse aider à communiquer. Pistes de réflexions avec la journée organisée à Davayé le 19 juillet. Voici des réponses et exemples inspirants.
132526--verre-vin-blanc.jpg
« Vous êtes bio ? » ; « vous faites quoi alors pour le social… » ; « vous ne pensez pas aux générations futures ! »… Au caveau ou dans les vignes, les questions des clients –particuliers ou même professionnels– ne sont pas forcément tendres et bienveillantes.
Responsable du marketing à la cave de Lugny, Marjorie Broyer confirme les difficultés à nuancer les dogmes répandus dans le grand public : « si ce n’est pas bio, ce n’est pas bien. Car les autres démarches ne sont pas comprises », caricature-t-elle volontairement. Elle le sait bien, elle qui cherche à développer la notoriété du label Vigneron en développement durable (VDD) et fait régulièrement des études de marché et de perception. Cette démarche engagée par les caves coopératives depuis 2013 est pourtant puissante puisqu’elle regroupera bientôt dix-neuf caves dont, en Bourgogne, Les Vignerons des Terres secrètes, Buxy, Bailly-Lapierre et Lugny.
Même constat un peu désolé de Christophe Lapalus, dont le domaine à Pierreclos est certifié Haute valeur environnementale. « Je fais des salons et j’explique le label HVE, mais la réalité est que personne ne le connaît, hormis les vignerons sensibles aux démarches qualité ». Christophe ne se décourage pas pour autant et explique son éthique de travail inlassablement. « On me parle de plus en plus des pesticides, alors je mets en avant mon respect de l’environnement et celui de mes consommateurs, pour les rassurer. Je décris mes méthodes culturales respectueuses qui cherchent à produire mieux avec les équilibres naturels, à limiter les intrants, à choisir les phytosanitaires d’une agriculture raisonnée –débutée en 2009/2010– et ma volonté de préserver les paysages avec des haies, des murets, des petites parcelles », symboles d’une Bourgogne à l’agriculture « familiale et pas industrielle », à l'image de son domaine de 17 hectares.

Non délocalisable


En Bourgogne, sept labels "durables" cohabitent : Agriconfiance, Terra Vitis, Demeter, AB, Iso 14001 et donc VDD et HVE. Une profusion de sigles...
« Quand on parle d’agroécologie aujourd’hui, c’est un nouveau terme de vocabulaire qui vient se rajouter à une "forêt" de marques et de labels », analyse Guillaume Dupuits, qui en voit encore bien d'autres dans les autres productions, lui qui est responsable de l’exploitation agricole du lycée de Fontaines (viande, volailles...).
Et si auparavant les signes de qualité –et notamment les AOC– rassuraient les consommateurs quant au respect des processus et de la traçabilité, les choses ont évoluées. Les exigences se tournent désormais et de plus en plus vers l’environnement évidemment, mais également vers le bien être social de la société.
« Avec 177 exploitants, dont 120 familles vraiment actives, 31 salariés et plus de 300 porteurs de parts sociales, la cave coopérative des Terres Secrètes est à l’origine d'une équitable répartition des valeurs et richesses », met en avant Charles Lamboley, responsable des ventes directes et de l'œnotourisme dans cette cave. Ainsi, la démarche VDD –qui sera bientôt ouverte aux chais particuliers– lui a-t-elle permis d’auditer la cave, mais aussi ses fournisseurs et principaux clients. Et cela lui offre un argumentaire supplémentaire : « par exemple, quand on parle de délocalisation des emplois en France, 50 % de nos achats de matières premières (verre, bouchons, étiquettes…) sont effectués auprès de fournisseurs bourguignons, 39 % en France et 11 % en Europe », sans oublier que la coopérative et les vignes AOC ne sont pas délocalisables. Une réponse appréciée comme la participation des salariés aux avis décisionnels dans l’entreprise.

Économie et économies


Si d’autres s’en défendent publiquement, Christophe Lapalus avoue, quant à lui, que « sa première motivation était commerciale » et faisait suite aux demandes répétées de ses clients.
Certes, ce n’est pas encore la panacée côté valorisation, comparativement au label AB, mais la cave de Lugny se félicite de ce qu'elle permet « au moins de maintenir nos ventes et les clients acquis. Sur la partie vrac, le label VDD permet de créer de la fidélité entre pro (B to B), mais ce n’est pas encore arrivé jusqu’aux consommateurs finaux ».
Traçabilité et environnement peuvent aussi aboutir à des économies. Pourtant, dans une volonté de montée en gamme de ses vins –ce qui se traduit normalement par des bouteilles plus lourdes–, les Vignerons des Terres Secrètes ont néanmoins baissé le poids de leurs bouteilles (Ecova ; -14 %) en 2012, empêchant ainsi le transport de « 368 tonnes de verres par an, l'équivalent de 932.000 bouteilles sur les routes en moins ». La cave a également mis en vente une cuvée spéciale permettant de reverser 1,5 €/col en vue de rénover l’église de Milly-Lamartine. Un mécénat qui rappelle aussi celui qui a permis la restauration de la Solitude à Prissé, bâtiment historique où Alphonse de Lamartine allait chercher l’inspiration.
Des histoires véridiques, authentiques, uniques et sincères qui permettent ainsi de rassurer les clients et de les détourner de leurs peurs parfois assez irrationnelles… Et donc d'éviter les questions pièges !


Combattre les fausses idées


Les idées reçues ont la dent dure... « Le bio, c’est zéro pesticide ». Nombre de vignerons ont déjà entendu cette fausse idée largement répandue, y compris par les média et les politiques. S'interdisant de dénigrer leurs collègues, les "conventionnels" se mordent les lèvres et, en plus, se retrouvent tous mis dans le "même panier", celui des producteurs industriels "voyous". La responsable du Développement durable au BIVB, Sarah Gillet, estime que cela résulte d’un « monde qui change vite, avec de nombreuses crises, rapidement relayées par les médias depuis l’année 1970 où le Club de Rome réfléchissait à une autre forme de croissance, position récupéré par les politiques dans les années 1990 pour aujourd’hui obliger tout le monde économique à communiquer autour du développement durable ». Le Plan interprofessionnel Bourgognes Amplitudes 2015 n’y échappe pas, ni d'ailleurs son successeur Bourgognes 2020. Un rapport vient récemment d’être édité faisant le point sur la filière viticole bourguignonne, incluant l’amont et l’aval. Pour les vignerons, le BIVB a mis en place un auto-diagnostic pour connaître « ses forces et faiblesses » sur les volets économiques, social et environnemental. Enfin, des enveloppes financières sont également disponibles pour aider à concrétiser des projets liés au développement durable. Gestionnaire du PVE à la DDT 71, Fabrice Meunier concluait que des financements ou des aides à l’installation « plus importantes » sont favorisés s’ils s’inscrivent dans des démarches agroécologiques ou dans des projets portés par des GIEE.