Elvéa 71-58
Une forme moderne d'organisation

Réunis en assemblée générale le 25 septembre, les adhérents d’Elvéa 71-58 continuent de défendre leur modèle d’organisation, reposant sur la libre concurrence entre acheteurs. Une liberté qui n’exclut pas de bâtir des filières et même de contractualiser. Des nécessités partagées par tous.
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L’assemblée générale d’Elvéa 71-58 avait lieu vendredi dernier à Chérizet, dans les murs du très coquet Domaine des trois lacs, propriété d'Armand Lagrost, fabricant d'aliment du bétail. Un programme chargé attendait les adeptes du commerce privé organisé. Cette année, les organisateurs ont fait évoluer le déroulé de la réunion en insérant, notamment, un débat consacré à la génétique charolaise (lire encadré). L’association ouest bourguignonne avait également l’honneur d’accueillir le président d’Elvéa France Philippe Auger, éleveur charolais en Haute-Saône.

Situation intenable


Devant une salle remplie d’éleveurs et de négociants, Jean-Michel Morel, président, ouvrait l’assemblée en faisant état de la situation « intenable » que traverse l’élevage depuis plusieurs années. « Plusieurs centaines de milliers d’€ perdus en 2014 au profit de l’aval, des prix des bovins en baisse ne couvrant pas la totalité des charges ; déjà 20 centimes d’€ par kilo de viande perdu entrée abattoir en 2015… ». Autant de constats alarmants qui ont conduit les éleveurs à se mobiliser durant tout l’été, rappelait Jean-Michel Morel. Le président d’Elvéa ne cachait pas sa désillusion quant à la réponse gouvernementale et européenne : cette dernière qui se traduirait au final par une aide de seulement « 40 € par exploitation en difficulté », calculait-il.
Au-delà des aides, c’est de « perspectives favorables » dont les éleveurs ont besoin, poursuivait Jean-Michel Morel. Si l’élevage allaitant tel qu’on le pratique ici est une « exception européenne qui ne pourra jamais rivaliser avec les coûts de production mondiaux », il détient cependant « une image positive appréciée des Français » et sa diversité de productions et de races peuvent finalement être une chance, analysait Jean-Michel Morel. A condition toutefois « que nous soyons organisés pour que les segmentations de marché soient actives et rémunèrent les producteurs ».

Jusqu’à la contractualisation


Telle est en effet la raison d’être d’une organisation de producteurs non commerciale (OPNC) comme Elvéa 71-58. Reconnue par la Commission européenne, elle « permet même d’envisager de contractualiser une partie de notre production… », faisait valoir Jean-Michel Morel, démontrant ainsi que les adeptes du commerce privé pouvaient faire montre d’un réel sens de l’organisation. A l’heure où bien peu d’éleveurs semblent se satisfaire de leur choix commercial, le président d’Elvéa 71-58 allait même jusqu’à y voir une « forme moderne d’organisation », tant avec ses collèges acheteurs et producteurs, elle « est finalement capable de répondre à tous les marchés en maintenant la concurrence tout en négociant le prix de nos animaux ». Une liberté de défendre son produit qui, pour les membres d’Elvéa, est la seule garantie de pouvoir « tirer les prix vers le haut ».
Organisation de producteurs à part entière, Elvéa 71-58 compte 438 éleveurs bovins adhérents ainsi que 72 négociants bovins. 69 éleveurs d’ovins adhèrent également. Comme toute OPNC, elle détient son propre outil informatique, servant à la fois à la gestion du troupeau par ses adhérents, mais aussi à l’analyse et à la remontée des données commerciales. Les adeptes de la vente au négoce ont aussi su se doter d’une garantie de paiement basée sur le principe d’un fond de solidarité et d’une assurance collective contre le risque d’impayé.

Nouveaux débouchés


En 2014, 44.340 bovins ont été échangés entre éleveurs et acheteurs d’Elvéa 71-58. 73 % étaient des animaux maigres. L’appartenance à Elvéa donne accès à des qualifications pour des filières de qualité ; la segmentation évoquée par Jean-Michel Morel plus haut : Charte des bonnes pratiques, Hérédia/non OGM, Charolais de Bourgogne, Label rouge Charolais terroir, fournisseurs bovins maigres, Bœuf de nos régions… Avec son prolongement national Elvéa France, l’association des éleveurs développe de nouvelles démarches de filière. Le broutard B2E est une filière maigre « tracée sanitairement, qui offrirait des garanties sur un certain nombre de maladies (vaccination) », expliquait le président national, Philippe Auger. Cette filière qui répondait dans un premier temps à la demande d’engraisseurs français, s’inscrirait dans une démarche plus générale de prévention des antibiothérapies. Le cahier des charges pourrait intéresser aussi l’export à terme, confiait Philippe Auger. L’opération "Kermené" concerne, quant à elle, l’outil d’abattage des Leclerc, lequel recherche depuis peu de la viande de qualité bouchère, alors même que les magasins de l’enseigne développent des rayons traditionnels. Attaché à travailler avec le négoce privé, l’abattoir de Kermené serait à la recherche de 4.000 vaches de race pure allaitante, conformation (U= ou R=), respectant la charte des bonnes pratique d’élevage, détaillait Philippe Auger. Une plus-value de l’ordre de 5 centimes d’€ serait à la clé. Des animaux devaient être abattus dès cette semaine. D’autres perspectives seraient à attendre du coté de Leclerc puisqu’Elvéa France a rencontré les centrales d’achat de l’enseigne, lesquelles envisagent une opération de promotion sur la charolaise… Autre piste sérieuse : le même abattoir aurait aussi besoin de viande de qualité bouchère pour les magasins Leclerc de la Côte-d’Azur. Bénéficiant d’une clientèle à fort pouvoir d’achat, ces derniers privilégieraient un approvisionnement Bourgogne Franche-Comté…



Le contrecoup de la FCO…


Parlant au nom du collège acheteurs, Paul Pacaud, par ailleurs président des négociants de Saône-et-Loire, faisait état d’un commerce bloqué par la FCO, les entreprises ne pouvant livrer que les bovins de boucherie. Des négociants « très impactés par cette crise. Un chômage technique s’imposant dans leurs structures », révélait leur président. « Nous avons espoir que les marchés sur l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne repartent au plus vite », confiait néanmoins Paul Pacaud, mais les négociants redoutent d’ores et déjà « une chute des cours », ce qui incite à « une sérieuse organisation pour éviter le pire. L’éleveur qui pourra repousser ses ventes aura, à mon avis, des prix normalement plus élevés », se risquait-il. « L’important serait de renouer avec la Turquie au plus vite », ajoutait le président du collège acheteurs.

Viande : le salut passera par la qualité


Sur la revalorisation difficile des cours de la viande, le représentant du commerce privé rappelait que « nous sommes sous le coup de l’offre et de la demande qu’on le veuille ou non ». Evoquant les distorsions de concurrence favorisant l’abattage et la transformation étrangers, Paul Pacaud déplorait l’embargo russe gênant les exportations, citant aussi un marché turc de 10.000 tonnes de viande raflé par les Polonais à un important abatteur français… Partant du constat que « nous ne sommes pas compétitifs dans la viande bas de gamme », le président des négociants se disait convaincu « que nous devons remonter la qualité d’un cran, notamment dans la conformation et la finesse de viande en race charolaise ». Prenant l’exemple des concours d’animaux de boucherie où la viande haut de gamme fait l’objet d’une forte demande à des périodes clés de l’année, Paul Pacaud suggérait d’en « proposer en permanence aux boucheries traditionnelles et aux GMS. Il vaut toujours mieux vendre une vache U qu’une R avec un poids respectable », concluait-il.




Hugues Pichard, président de Charolais France
« La charolaise doit revenir en boucherie ! »


Président de Charolais France depuis 48 jours, Hugues Pichard a fait sa première intervention publique à Chérizet. L’organisme de sélection (OS) est ce qu’il est coutume d’appeler le « parlement de la race ». Rassemblant toutes les composantes de la charolaise, elle contient trois collèges que sont le Herd-book, les entreprises de sélection (Gènes Diffusion, Charolais Univers, Ucear) et les filières prestataires (Bovins croissance, chambres d’agriculture, groupements, signes de qualité, stations d’évaluation, Institut charolais). Statutairement, le président de Charolais France provient du premier collège (HBC), d’où l'élection de Hugues Pichard, éleveur-sélectionneur à Montceau-les-Mines. Avec ses 4,2 millions de têtes, soit 22 % du cheptel français et une place de numéro un dans bien des domaines, la charolaise n’en demeure pas moins une race qui régresse sur son territoire, ne cachait pas Hugues Pichard. Un constat sans langue de bois, n’éludant pas non plus les critiques dont fait l’objet celle qui jouit malgré tout d’une notoriété hors du commun. Bien consciente de ces réalités, Charolais France a su prendre le taureau par les cornes pour enrayer l’érosion. Adaptation aux marchés, vêlages, communication…, de nombreux chantiers sont ouverts avec l’objectif que la charolaise reste numéro 1. Répondant aux questions recueillies par Elvéa 71-58 auprès de ses adhérents, Hugues Pichard a notamment fait part de la volonté de l’OS de « revenir en boucherie avec cet objectif de remettre du muscle sur la carcasse et surtout augmenter le rendement boucher ». Un critère pris en compte sur les concours dont les juges doivent désormais parfaire leur formation auprès d’un boucher. Des propos qui faisaient écho aux recommandations du collège acheteurs d’Elvéa.