AOC fromages Charolais
Gare aux usurpateurs !

Publié par Cédric Michelin
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Jusqu’à 14 € les 250 grammes de fromage AOP Charolais ! C’est le prix de vente chez certains fromagers parisiens. Autant dire que les Bourguignons ont de la chance de les trouver en local ou en direct aux alentours de 4-5 €. Mais encore faut-il savoir reconnaître l’étiquette officielle et obligatoire accompagnant tout vrai fromage AOC Charolais. Sa notoriété grandit avec le sérieux et le savoir-faire des 20 opérateurs, dont 15 producteurs fermiers. Mais des usurpateurs subsistent. Le syndicat de défense renforce les contrôles…
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2014 fut l’année de la « consécration ». En effet, le fromage de chèvre charolais venait d’être reconnu AOP, l’équivalent européen de l’AOC. Une année chargée en argumentaires techniques pour défendre le plus haut niveau réglementaire. Mais le jeu en valait visiblement la chandelle…
La consommation dépasse déjà aujourd’hui la production. Ce déséquilibre tire le marché et les prix de vente vers le haut. Lors de l’assemblée générale à Charolles le 21 septembre, l’ODG comptait en 2014, 20 opérateurs habilités dont 15 producteurs fermiers (dont deux dans la Loire et un dans le Rhône), trois producteurs de lait, un affineur et un transformateur laitier. Au total, ce sont près de 1.275.000 litres de lait AOP qui ont été produit soit 73 tonnes et au final, plus de 262.000 fromages charolais vendus. Sur l’exercice 2015, déjà bien avancé, les chiffres devraient être stables. Mais il faut se souvenir que la production a bondi, passant de 50 tonnes à 73 tonnes en quelques années. Une croissance à deux chiffres « rares » sur les marchés agricoles.
« Il y a de la place aujourd’hui sur les marchés fromagers ; il y a même des opportunités en lait », encourageait Daniel Rizet. Le président de l’ODG croit plus que jamais en l’avenir de l’AOP. Il cherche toujours à motiver des jeunes à s’installer en caprin. A l’image de Sophie Bonnet qui témoignait qu’à ses débuts, ses fromages labélisés ont été une formidable « carte d’entrée chez les fromagers. Et après, on peut vendre aussi les autres plus petits fromages ».

Tirer les prix vers le haut



Car la réputation des fromages charolais AOP grandit. Pour preuve, le concours de Saint-Maure-de-Touraine consacre de plus en plus régulièrement des producteurs de Saône-et-Loire, au milieu des autres médaillés d’or des différentes catégories de fromages de chèvres. Une reconnaissance née de la rigueur et du travail quotidien. Mais cette réputation grandit surtout en dehors du département paradoxalement : « les fromages AOP Charolais ne sont pas vendus sur les marchés locaux mais quittent bien souvent la région ». Les fromagers des autres régions les apprécient car ils aiment « retrouver du vrai fermier ».
La fourchette de prix constatée est large, allant généralement de 4 € à 5 €/pièce mais pouvant atteindre jusqu’à 14 € à Paris ! La montée en gamme est donc possible pour l’AOP. Mais elle reste délicate à gérer entre des prix pour une clientèle locale habituée et de nouveaux consommateurs extérieurs, sensibles au haut de gamme. Pour Daniel Rizet, « on a plus de demande que de produit. Le moment est donc favorable. Il faut essayer de valoriser et tirer les prix vers le haut. Sans faire des augmentations spectaculaires mais tous les ans, il faut faire une légère hausse. Pour une juste reconnaissance du travail ». Et pour couvrir les hausses de charges dans le même temps.

Une grande région fromagère



Ces hausses tarifaires doivent s’accompagner d’un travail sur l’image du produit obligatoirement. L’ODG est d’ailleurs de plus en plus souvent sollicitée pour des animations, des foires et des événements, « jusqu’au Luxembourg et en Belgique », constatait Violaine Marguin. L’animatrice, déléguée par la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, listait une dizaine d’interventions en 2014. « On est trop petit pour répondre à toutes les demandes », nuançait-elle. Des synergies ont donc été conclues avec les autres AOC Gourmandes de Saône-et-Loire (www.aop71.fr). Une mutualisation de moyens qui va jusqu’à la communication publicitaire. D’ailleurs, la structure permettant d’aller chercher des financements publics et privés pour toutes les AOP fromagères de Bourgogne (6.000 t) pourrait bientôt « peser lourd » avec la grande région BFC et les 60.000 tonnes d’AOP Comté venant avec la Franche-Comté ! Sans oublier que l’aire d’appellation de l’AOC Charolais s’étend dans l’Allier, la Loire et le Rhône.

Lutte contre l’usurpation de l’AOP



Cela tombe bien car un grand défi les attends tous : la lutte contre l’usurpation des marques collectives que constituent les signes de qualité. Le syndicat de défense a déjà commencé de « repérer » plusieurs opérateurs. Des courriers ont été envoyés leur « suggérant poliment d’abandonner et de retirer le nom "Charolais" », s’ils ne sont ni adhérents, ni ne respectent le cahier des charges. Malgré ce premier avertissement, incitant à convaincre plus qu’à punir, certains « s’entêtent » visiblement. L’Inao et les Fraudes sont alors prévenus. De l’Inao Mâcon, Stéphanie Duchet confirmait que des procédures administratives et judiciaires peuvent en découler pour « détournement de notoriété » dans le cadre de la protection des consommateurs. « Il y a de plus en plus de dossiers d’usurpation », notait-elle, proposant d’intégrer dans la boucle le CNAOL « car ce sont toutes les AOC qui sont concernées ». Producteurs, fromagers et distributeurs sont donc prévenus. L’ODG ne cache pas sa détermination à aller jusqu’à des condamnations « pour faire un exemple » dissuasif si nécessaire.
Le président de l’ODG finissait toutefois sur plusieurs notes positives et porteuses d’avenir : en juin 2016 à Paray-le-Monial, les AOP fromagères du département, le Centre fromagers de Bourgogne et la Confrérie des fromagers pourraient bien organiser le concours de chèvres national Fromagora. « L’occasion de montrer à tous ce qu’on sait faire ici : faire de bons produits avec enthousiasme », concluait Daniel Rizet.

Un exercice « difficile »



Le président de l’ODG ne cachait pas que l’exercice 2013/2014 a été « difficile » (+30% de charges) financièrement suite à la « sortie » de l’AOP qui a, notamment, nécessité des efforts de communication supérieurs. Une augmentation des cotisations a donc été votée pour faire face. « Cette année (2014/2015, NDLR) est un exercice d’économie », indiquait aussi Daniel Rizet.