Pulvérisation de qualité
Toute l’importance des réglages

Publié par Cédric Michelin
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Jeudi 10 juillet à Beaune, les trois chambres d’Agriculture –de Saône-et-Loire, de Côte d’Or et de l’Yonne– organisaient un "grand événement" technique consacrée à la pulvérisation de qualité en viticulture, baptisé sobrement Viti-Pulvé. Au programme, résultats de tests locaux et nationaux mais aussi comparaison de matériels et ateliers techniques sur le Mont Battois en plein vignoble. Une réussite même si la météo n’a pas permis les démonstrations prévues…
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Près de 250 viticulteurs, salariés, apprentis et techniciens viticoles ont pu trouver des réponses concrètes à leurs questions de terrain, auprès des 7 constructeurs et 5 organismes techniques indépendants présents. La première partie de la demi-journée, au lycée viticole de Beaune, donnait nombre de pistes et de références pour améliorer globalement la qualité de pulvérisation des produits phytosanitaires et la réussite du millésime. En Bourgogne, les années 2012 et 2013, particulièrement difficiles avec des pressions maladies record, ont une fois de plus confirmé ce constat. Les échecs ont souvent pour origine un mauvais réglage du pulvérisateur et donc une application défaillante. Le vice-président de la chambre d’Agriculture de Côte d’Or, Frédéric Mazilly rappelait que de la précision de la pulvérisation induit aussi « moins de dépenses » en achat de produits au final.
Issue des essais des chambres d’Agriculture de Côte d’Or et de l’Yonne, Pauline Gilbert faisait une synthèse de 14 ans et 165 pulvérisations ont été testés avec des papiers hydro-sensibles. Différents types de matériels –pneumatique face par face ou au-dessus, jet portés ou projetés– ont ainsi été comparés. Les pneumatiques face par face dans le rang couvrent « bien » les feuilles supérieures mais ont des résultats « hétérogènes » en ce qui concerne le feuillage inférieur ou la zone des grappes de raisins. « Le critère décisif est donc le bon réglage du pulvé », relevait-elle pour ce type de matériel. Idem également pour les pneumatiques face par face par dessus le rang cette fois, « moins satisfaisant » que dans le rang « en raison de la distance entre le diffuseur et la zone des grappes ».
Avec l’assistance d’air brassant le feuillage, les jets portés couvrent « bien » le feuillage supérieur mais montrent également une certaine « hétérogénéité pour le reste » du rang. Même constat pour les jets projetés. Au final, les jets portés sont toutefois les seuls « atteignant tous 80 % d’impacts satisfaisant » en raison « des réglages plus simples ». Car, encore faut-il encore derrière bien gérer les volumes de bouillies ou les vitesses d’avancement ou celles à la sortie de chaque diffuseur.

Un cumul d’imprécision



Mis bout à bout, tous ces paramètres donnent un « cumul d’imprécisions », expliquaient Marie-Pierre Vacavant, du CIVC. La Champagne cherche à connaître et améliorer sa marge de manœuvre en faisant avec les « limites de son matériel, de son parcellaire, de la prophylaxie individuelle… ». Partant du début, le calcul du volume de produit nécessaire par hectare, elle montrait que la dose réelle est loin d’être celle théorique, en raison des surfaces vraiment pulvérisées, de l’épalage de la cuve, de l’usure des pastilles, des densités de produit, de la précision du manomètre ou des capteurs, de la régularité du débit de la pompe, de la régularité de la vitesse d’avancement dans des vignes bien souvent hétérogènes en largeur.
« Vos tournières peuvent également représenter 10 à 15 % de biais » dans ce calcul, simple écart entre la surface réellement plantée et le chiffre du cadastre. Et même 5 à 30 %, allant de pair avec « la fragmentation de votre parcellaire », si la pulvérisation n’est pas faite uniquement sur les surfaces plantées. 20 % rapidement de surdosage si un rang est pulvérisé deux fois, faute de tronçons adaptés.
Des écarts sont aussi constatés lors de la préparation des produits, allant jusqu’à 30 % d’écart entre deux préparateurs et selon l’équipement : la balance étant plus précise qu’un bouchon doseur par exemple. D’autant plus si les produits sont concentrés et à petite dose, les risques d’erreurs sont exponentiels. Et il ne faut pas se fier aveuglément aux mesures sur la jauge. Le CIVC a branché un débimètre numérique et a observé 7 % de différence en quantité de bouillie chargée, correspondant à 30 ares. Sans savoir si en plus ou en moins, deux manomètres peuvent afficher 15 % d’écart de pression, influençant forcément le réglage du débit. Des écarts qui se multiplient régulièrement, entre 10 et 20 %, expliquant bien des décrochages dans un même rang.
Autre problème récurrent, les buses se bouchent. Le cuivre et le soufre ont tendance à sédimenter en fond de cuve et « à la fin de votre tournée, vous ne traitez plus qu’avec de l’eau ».

Un parc vieillissant



Il faut donc bien connaître son matériel. Ce n’est pas Vincent Polveche qui dira le contraire. Directeur du GIP Pulvés, il contrôle aussi les pulvérisateurs depuis 2000, donc avant que cela devienne obligatoire (2009). D’après les contrôles réalisés, il estime le parc français entre 250 à 280.000 pulvés. Car faute d’immatriculation, seuls des estimations sont possibles. En 5 ans, le GIP a contrôlé 122.589 pulvérisateurs, dont 21.559 en viticulture. Le taux de participation en Bourgogne est « faiblard », seulement 5,6 % des pulvés français contrôlés. Il en ressort toutefois que le parc Bourguignon est « vieillissant », avec près de 19 années aux compteurs en Saône-et-Loire, contre 15,7 en moyenne en France. Ce faible taux de renouvellement du matériel explique un certain retard technologique, et des différences de progrès avec la Côte d’Or ou l’Yonne, qui sont plus dans la moyenne française. On trouve plus de pendillards à jets projetés en Côte d’Or (65 % du parc) alors que dans le département (70 %) et encore plus dans l’Yonne (85 %) ce sont les pneumatiques qui dominent. La Côte d'Or n'a que 25 % de pulvés penumatique... Un résidu (25 %) de canons persiste en Saône-et-Loire, « avec sa zone beaujolaise ». Les face par face (40%) et les voutes (30 %) sont les architectures les plus répandues toutefois. Les systèmes de régulations DPAE/DPM équipent à eux deux moins de 20 % du parc. Des kits existent et se montent facilement pour les matériels de moins de 10 ans. « Gérer le volume/ha en en pression constante n’est pas vrai dès que la vitesse va changer au cours du travail », regrettait-il.

Surveiller et nettoyer vos filtres



Pire, 40 % des appareils viticoles ne sont pas équipés de filtres central au refoulement et 30 % au niveau des sections (contre 17 et 34 % des appareils à rampe). Pourtant l’usage de produits sous forme de poudre peut provoquer des bouchages plus fréquents. Des filtres au niveau des tronçons sont appréciables. Compter 50 € pour une cartouche de filtre, « mais il faut aussi les nettoyer et les vérifier tous les jours », conseille-t-il. Pas de solution miracle mais de l’attention, faire le tour du matériel régulièrement pour repérer la corrosion, les lésions aux soudures, les déformations, les pliures, l’usure des tuyaux… « 20 % des appareils sont affectés d’un tel défaut ». Pas de petite maintenance donc, surtout l’hiver pour éviter les pépins en pleins travaux. 30 % des appareils présentent des fuites dont « 6 % considérés comme majeures », soit plusieurs dizaines de litres se déversant au sol. Dernier point abordé, les anti-gouttes permettent de maintenir la pression dans le circuit, surtout pour les pendillards, et ainsi bien traiter les débuts de rangs.

Le réseau des Dephy



En Bourgogne, 43 exploitations viticoles sont engagées dans le réseau Dephy visant à tester comment réduire les doses d’intrants sans jamais mettre en péril l’exploitation où la qualité sanitaire de la récolte. Le préventif étant le premier levier. L’indice IFT de référence est de 18,4 en Bourgogne, correspond au nombre annuel des doses homologuées appliquées à l’hectare. L’objectif étant de le réduire de 30 %, « en fonction des conditions de l’année évidemment ».

Vrai ou faux





Plus on apporte d’eau, plus il y a de produits sur les grappes ?
Faux. L’eau n’est qu’un support. Un volume hectare est donc lié à la technologie, surtout avec les pneumatiques.





Plus on roule lentement, plus il y a de produit en zone de grappe ?
Faux mais peut être vrai. Si l’optimisation de dépôt de produit est réglée à une vitesse de 5 km/h, à 6 km/h, on observe une baisse de 20 % et même de 50 % des à 7 km/h. Plus surprenant, à 3 km/h, on observe aussi -40 % de produits sur feuilles.





Il est préférable de traiter le matin. Si je traite l’après-midi, quels risques ?


Que ce soit en pneumatique ou pendillard, un quart de produit est évaporé et en moins sur les feuilles l’après-midi par rapport au matin.
Avec assistance d’air, il est possible de ne pas tenir compte de la rosée sinon, il y a lessivage.
Une même parcelle et même un même rang peuvent avoir des densités de feuillage différent. Si la vigne est dense, il peut y avoir jusqu’à -50 % de produits sur grappes avec un pendillard (-25 % sur feuilles). Avec un jet porté, l’assistance d’air permet de pénétrer ce feuillage touffu.