JA de Saône-et-Loire
Aller de l’avant

Dans un contexte de crise exacerbé, les JA 71 avaient choisi de se tourner résolument vers l’avenir lors de leur assemblée générale. Le thème de leur réflexion : "construis ton avenir : rentabilité et prospective". Retour sur les enseignements.
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La crise est là, elle est bien installée pour la plupart des productions agricoles et nul ne saurait l’ignorer. D’ailleurs, les chiffres présentés par Hervé Lecâtre, responsable du service Entreprise de la chambre d’agriculture, en début d’assemblée générale des Jeunes agriculteurs de Saône-et-Loire, le 1er avril à Chalon-sur-Saône, en témoignaient.
Pour autant, « nous avons voulu rester sur un message positif, un message d’espoir et d’avenir », mettait résolument en avant Guillaume Gauthier, leur président. Et de fait, si les données économiques des exploitations sont, dans leur ensemble, mauvaises, certaines exploitations se distinguent avec des résultats honorables. « Face à l’hétérogénéité des résultats, une faible minorité s’en sort bien. La question est de savoir pourquoi et comment ils y parviennent, dans un contexte où, structurellement, tous les résultats baissent », analysait Hervé Lecâtre qui avançait « une conduite avec cohérence », laquelle aboutit à « des coûts maîtrisés en adéquation avec les réalités et les potentiels de rendement ».

Tous les postes comptent


Utilisant les données de deux exploitations similaires et au potentiel agronomique et au cheptel équivalents, ce dernier mettait en exergue une rémunération dégagée par UMO (Unité de main-d’œuvre) nulle dans un cas et de 1,8 Smic dans l’autre. « Deux exploitations et deux situations fort différentes », faisait-il observer en alignant la production brute par UGB, la mortalité des veaux, le coût de concentré par kilo produit, la production autonome par UGB ou encore le stock de matière sèche par UGB… La démonstration était faite : dans ce type de réflexion, tous les postes comptent et doivent être travaillés, pas seulement un, comme l’alimentation, citait Hervé Lecâtre.
Autour d’une table ronde animée par Hervé Loureaux du Crédit agricole Centre-Est, plusieurs jeunes témoignaient de leur expérience. A commencer par Mathilde Lemaître, agricultrice dans l’Yonne près de Sens, qui a développé une production de volailles et de porcs fermiers à côté de l’exploitation de 280 hectares de grandes cultures, production valorisée en vente directe, mais aussi au sein de l’entreprise paternelle de boucherie-traiteur et d’un prochain drive fermier. Quentin Villot témoignait aussi de son expérience, lui qui, après avoir été salarié sur l’exploitation familiale à Pierre-de-Bresse, a fait le choix de s’installer en développant la production de maïs semences avec la coopérative Bourgogne du Sud et travaille à un possible assolement en commun avec deux autres exploitations voisines ou encore Emilien Piroux, éleveur allaitant et porcin en Haute-Loire, qui commercialise toute sa production en vente directe grâce à un atelier de découpe collectif.

De l’énergie…


Trois expériences radicalement différentes, mais trois expériences qui mettaient en évidence l’importance de la formation, de l’ouverture d’esprit, de la capacité de remise en cause de l’existant. « Quel que soit le système ou l’exploitation, il y a des expériences à droite ou à gauche qui permettent de dégager des marges de manœuvre », notait Hervé Lecâtre, citant les assolements en commun ici, là les chantiers de fenaison en commun… « Il va falloir changer les choses, bouger les lignes car, on le voit bien, nous n’avons plus les moyens que chacun se paye son propre matériel par exemple ». Et de telles réflexions doivent, insistait-il, concerner tous les postes de charges.
« L’échange d’expériences m’a beaucoup apporté, notamment celles en provenance des plus anciens », soulignait Mathilde, faisant référence aux travaux de réflexion autour de la mise en place d’un drive fermier. Elle reconnaissait toutefois que les conditions mêmes de son installation avaient été délicates, du fait de son propre parcours sans formation agricole et des circonstances de son installation : le décès de son grand-père exploitant, puis celui de son oncle qui venait de reprendre l’exploitation. Bref, de l’énergie, il en a fallu pour surmonter les épreuves.
Un avis largement partagé par Emilien, qui faisait observer que son installation avait suscité des doutes et de la méfiance chez nombre de ses voisins, lesquels s’étaient alors placés comme "observateurs"… Et dans son cas aussi, nul doute qu’il a fallu puiser beaucoup d’énergie pour arriver au schéma actuel, d’autant qu’il a fait le choix de s’investir dans le syndicalisme jeune, ce qui a nécessité une nouvelle organisation du travail. Bien que la situation soit différente, Quentin, lui, insistait sur ce qu’il avait fallu apprendre de nouveaux tant humainement qu’en terme de gestion administrative pour recruter, gérer une équipe de quelque trente-deux saisonniers pour l’épuration et la castration du maïs semences.

Le plaisir comme moteur


« L’essentiel est d’être épanoui dans ce que l’on fait et de bien le faire », résumaient fort à propos Mathilde et Emilien, manifestement rayonnants d’énergie. Et c’est bien là la conclusion de cette table ronde, si conclusion il devait y avoir. « Dans tous les projets présentés, il y a eu un temps de réflexion, de maturation du projet, temps nécessaire et indispensable », insistait Hervé Lecâtre. « Il est important de se prendre deux ou trois jours pour se poser, pour regarder posément ce que l’on peut faire, comment on peut le faire et de voir où l’on veut aller ». Et surtout, insistait-il, de « prendre le temps de l’écrire ».
Dans ce contexte, le débat de l’organisation des filières s’invitait naturellement, entre filières courtes et filière dites "organisées", question qui fera d’ailleurs l’objet du rapport d’orientation du 50e congrès national à Mâcon les 30 mai, 1er et 2 juin prochains. Pour autant, il ne s’agit pas d’opposer les systèmes, mais bien davantage de trouver des voies propres à chacun qui permettent cet épanouissement personnel dans le travail. « Il y a raison d’espérer, comme en ont témoigné ces jeunes motivés, qui ont envie d’aller de l’avant et témoignent de belles aventures », concluait Hervé Loureaux pour qui « travailler seul, c’est bien, mais oser aller chercher de l’aide parce qu’on est un peu perdu, c’est aussi très bien ».




Ils ont dit…


 « Aucune période n’a jamais été facile et, à chaque période, c’est aux jeunes de trouver, d’imaginer des solutions nouvelles », notait Christian Bajard, ancien président du CDJA 71 et actuel secrétaire général de la FDSEA. Soulignant le travail conduit en partenariat avec les JA, il faisait part des avancées récentes en matière de Fac, de cotisations sociales, d’étiquetage des viandes, de reconquête peu à peu du marché intérieur, notamment celui de la restauration collective, ou encore en matière de calamités pour 2015. « Il nous reste un gros travail pour aller chercher du prix », soulignait-il avant de plaider pour « un accompagnement le plus fin possible des agriculteurs pour les aider à agir en chef d’entreprise ».
 « Ces témoignages ont donné du pep’s ! », réagissait Robert Martin, premier vice-président de la chambre d’Agriculture. « Un des enseignements que nous devons tirer de cette table ronde, c’est qu’il n’y a pas de modèle unique ; chacun doit trouver ses marques dans sa production ». Et s’il insistait sur la formation et invitait tous les jeunes à en bénéficier, il faisait remarquer que les initiatives personnelles et collectives sur le terrain se multipliaient. « Nous sommes à une vraie prise de conscience du monde agricole. Nous devons être fiers de notre métier et de nourrir nos concitoyens ».
 « Nous avons un vrai travail à mener pour aller chercher de la valeur ajoutée sur nos produits », insistait Emilien Piroux, cette fois-ci en sa qualité de secrétaire général adjoint des JA national. Il mettait en avant les démarches engagées par le syndicalisme en ce sens, tendait la main à la coopération. Enfin, il encourageait les jeunes à suivre des formations, même et surtout une fois installés, et à s’engager dans le syndicalisme jeune.
 « Nous devons rester les pieds sur terre », invitait Frédéric Brochot, vice-président du Conseil départemental en charge de l’Agriculture, invitant chacun à « prendre du recul, à sortir la tête de l’eau » et soulignant le nécessaire « travail de reconstruction » qui s’impose à nombre de filières, « notamment la filière bovine qui est très touchée ».
 Quant au sous-préfet de Chalon-sur-Saône, Jehan-Eric Winckler, il mettait en avant trois mots : « l’audace, car il en faut pour s’installer ; la créativité, il faut faire preuve d’imagination et ne pas être esclave de son exploitation ; enfin la remise en cause, car tous les schémas sont à l’épreuve des évolutions rapides que nous vivons ». Trois pour résumer la table ronde et caractériser la démarche de tout jeune.






Un tournant


« Après l’année que nous venons de passer, ce thème constitue un bon sujet de réflexion », observait Guillaume Gauthier, président des JA 71, se disant soucieux de la formation : « nous devons continuer à regarder ce que les autres font pour nous interroger sur ce que nous faisons, avec l’impératif d’être performant dans nos choix ».


Pour lui, il est évident que la question centrale actuelle est le travail à conduire pour que de la plus-value revienne aux producteurs dans nos filières. Et ce fut là tout le travail engagé au cours de la dernière année, « syndicalement chargée » et qui permet aujourd’hui de voir quelques lignes commencer à bouger. Ce travail doit porter sur la structuration de nos filières, au sein de nos territoires, alors que « nos produits bénéficient d’une image positive ». Bien entendu, et en lien avec ce sujet, Guillaume Gauthier abordait les préparations actives du prochain congrès national des JA qui se tiendra à Mâcon, et dont les travaux porteront sur les filières. « Beaucoup de chantiers sont devant nous », observait-il, rappelant qu’il fallait « savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va ». « Nous sommes à un tournant », concluait-il.





Et aussi


 L’assemblée générale était élective. Les 12 et 13 avril prochain, la nouvelle équipe se réunira pour un séminaire de préparation du mandat à venir.
 Ouvrant l’assemblée générale, Marc Schaaf, président du CCJA de Chalon, présentait l’équipe locale des JA et ses activités. Forte de 25 adhérents et en passe d’en accueillir quelques nouveaux prochainement, l’équipe avait ainsi organisé avec succès la fête de l’Agriculture de Saône-et-Loire en 2013 alors dénommée "Chalon est dans le pré". Tiens, tiens… Une idée d’avenir sans nulle doute !
 Gilles Platret, maire de Chalon-sur-Saône, accueillait lui aussi les jeunes, insistant sur la signature, quelques heures plus tard, avec la Sogérés l’engagement de la mairie à servir dans ses restaurants collectifs du "poulet label rouge de Bourgogne" et de la viande de bœuf "Charolais de Bourgogne". « Une collectivité qui s’engage », insistait-il. Lire en page HH de cette même édition.