Blé tendre
Les exportations dopées

Publié par Cédric Michelin
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FranceAgriMer relève ses prévisions d'export de blé tendre à 8,8 Mt (contre 8,5 Mt annoncées en décembre) vers les pays tiers sur 2014-15, mettant en avant un prix compétitif. Le contexte monétaire favorise les origines française et européenne sur la scène internationale.
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« La baisse de l'euro nous aide », a reconnu Rémi Haquin, président du conseil spécialisé Céréales le 14 janvier, selon lequel un bon courant d'affaires avec l'Egypte joue aussi. Depuis le début de la campagne, le blé français se montre très compétitif, avantagé par l'évolution des devises et le faible coût du fret. « La France continue d'afficher une compétitivité sans égal », a souligné la responsable de l'unité Grandes cultures, Olivia Le Lamer. La France est, au 8 janvier, le premier fournisseur du marché étatique égyptien, avec 1,32 Mt (38 % des volumes), devant la Roumanie (30 %) et la Russie (26 %). « Le facteur monétaire est indiscutable, mais toute l'Union européenne en bénéficie », a-t-elle ajouté.


L'Allemagne mieux placée pour suppléer la Russie



En relevant ses chiffres à l'export, FranceAgriMer ne tient pas compte de l'impact du blé russe, dont Moscou freine les exportations. « 2 à 3,5 Mt de blé russe ne prendraient pas le chemin de l'international », a indiqué Olivia Le Lamer. Ce sont autant de volumes que se partageraient les autres producteurs, « Union européenne en tête, grâce à un effet de change » favorable. Mais au sein de l'Union Européenne, « l'Allemagne semble la mieux placée pour en profiter car la qualité de ses blés est la plus proche de celle des blés russes ».

La France pourrait bénéficier indirectement des mesures annoncées par Moscou, qui visent à limiter l'export et ainsi contenir une inflation galopante. Un appel d'air est envisageable outre-Rhin, vu la bonne position de l'Allemagne pour suppléer la Russie sur le marché international. Ce n'est visiblement pas le scénario retenu par FranceAgriMer, dont les prévisions d'export vers l'Union Européennes sont révisées en baisse à 7,9 Mt de blé tendre (contre 8 Mt annoncées le mois dernier).


Une nouvelle concurrence



D'une manière générale, l'établissement national a signalé « l'émergence d'une nouvelle concurrence en Europe du Nord sur les deux dernières campagnes », venue d'Allemagne, de Lituanie et de Pologne, y compris vers l'Algérie, marché traditionnel du blé français, vers l'Iran et l'Arabie saoudite. Ainsi, sur l'Algérie, premier débouché hors Union Européenne des blés français, « on n'est qu'à la moitié » du niveau de l'an dernier, a noté Rémi Haquin, avec 1,4 Mt embarquées contre 2,7 Mt au 1er janvier 2014. Le pays a toutefois peu importé jusqu'à présent, a-t-il relevé. Son appétit visà-vis de l'origine France est moindre, vu la qualité proposée.

Du côté de Cuba, un nouveau contexte politique change la donne. Le rapprochement avec les Etats-Unis ouvre la voie à une reprise des ventes de blé américain sur cette destination, qui ont été nulles lors des trois dernières campagnes. Mauvaise nouvelle pour la France, qui a livré à Cuba 357.000 t en 2013-14 (562.000 t en 2012-13).

Concernant l'orge, FranceAgriMer s'est interrogé sur un ralentissement de la forte demande chinoise. « La Chine est quasiment une bénédiction, avec 1 Mt d'orges françaises expédiées au 1er janvier », a considéré Olivia Le Lamer. Mais le maïs américain pourrait davantage les concurrencer, suite au feu vert de Pékin à un OGM responsable jusque-là de nombreux rejets de livraisons, à savoir l'événement MIR162.


« Les blés les moins chers au monde »



« Les blés français et européen sont aujourd'hui les moins chers au monde », souligne Michel Portier, directeur général de la société de conseil sur les marchés de l'agri-industrie. En cause, la baisse de l'euro, qui a retrouvé mi-janvier son cours d'introduction en 1999, à 1,17 dollar. Il a perdu plus de 13 % en six mois face au billet vert, avec la reprise économique américaine. Et ce n'est pas près de se terminer, d'après lui. « De nombreux analystes avaient annoncé qu'un taux de change à 1,15 correspondait à la juste parité en termes de pouvoir d'achat, poursuit Michel Portier. L'ajustement a été plus rapide que prévu. » La banque américaine Goldman Sachs voit même l'euro tomber sous un dollar d'ici fin 2017. Conséquence, les produits cotés en dollars se renchérissent mécaniquement dans leur monnaie d'origine. « Dans le prix du blé à Euronext, 25 euros/t sont liés à la baisse de l'euro », calcule-t-il.





Blé dur : un rebond des surfaces jugé insuffisant



Le rebond des surfaces en blé dur, chiffré à 9,2 % en 2015, est jugé insuffisant par FranceAgriMer. « Nos prévisions font état d'une progression des surfaces en blé dur dépassant 9 %, avec un potentiel de révision à la hausse, a indiqué Olivia Le Lamer. C'est encore très loin de ce qui est nécessaire pour redresser nettement la situation. » Le marché vit une situation tendue, caractérisée par des volumes et une qualité en baisse. Résultat, les prix flambent. Soucieux de relancer la filière, le conseil spécialisé Céréales de FranceAgriMer a décidé le 14 janvier d'inciter les collecteurs à s'équiper en matériels de mesure rapide du taux de protéine des grains. Une aide similaire existe déjà pour le blé tendre.