Crème et beurre de Bresse
Portrait d’une jeune appellation

Avec 600 tonnes de volumes produits en 2014, l’AOP Crème et beurre de Bresse est une toute jeune appellation dont le défi est maintenant de se faire connaître auprès des consommateurs. En Saône-et-Loire, seule la laiterie de Varennes-Saint-Sauveur collecte et transforme du lait AOP issus de neuf exploitations.
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En décembre dernier, à l’occasion de l’assemblée générale de Saône-et-Loire Conseil élevage, une présentation de l’AOP Crème et Beurre de Bresse était faite aux participants. Il faut dire que le rendez-vous se tenait au cœur de la zone d’appellation, en l’occurrence Varennes-Saint-Sauveur où se trouve l’une des trois laiteries produisant la crème et le beurre de Bresse AOP.
L’appellation Crème et beurre de Bresse a obtenu sa reconnaissance officielle en 2012 au terme de plus de dix ans de démarches. Reconnue au niveau national au travers de l’AOC, elle a obtenu le statut européen grâce à l’AOP officialisée le 15 avril dernier.

Terroir typiquement bressan


AOC ou AOP consacrent un produit bâti sur un terroir, une histoire, un savoir-faire. Dans le cas de la crème et du beurre de Bresse, le terroir est une région naturelle typique partagée entre l’Ain, le Jura et la Saône-et-Loire. « C’est une plaine humide, au sol argileux et bénéficiant d’une pluviométrie particulière », décrit Laurent Courtot de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. La Bresse est un bocage qui alterne prairies, labours et bois. L’herbe couvre la moitié des surfaces cultivées et le maïs y tient une place importante dans les cultures. Un maïs qui est un peu l’emblème de la région. « On le cultive en Bresse depuis quatre cents ans », rappelle le technicien. Implanté ici depuis aussi longtemps que dans le sud-ouest de la France, le maïs fait en effet partie constituante de l’histoire agricole de la région et c’est ce qui lui a valu sa place dans le cahier des charges de l’AOP crème et Beurre de Bresse. Un argument qui milite en faveur de cette céréale parfois décriée à tort. « En Bresse, les premiers ensilages de maïs sont apparus dès 1870 », relève Laurent Courtot. L’ensilage qui figure naturellement au menu des productrices de lait AOP.

Herbe et maïs au menu


La complémentarité herbe/maïs, indissociable des paysages bressans, fait partie intégrante du régime alimentaire des laitières des exploitations en AOP. C’est elle qui donne au lait bressan sa richesse spécifique avec une matière grasse particulière. « Celle-ci contient des globules gras de taille plus importante que ceux d’un lait issu d’une autre région », explique Laurent Courtot. Et « de la taille de ces globules gras dépend la capacité du lait à capter les arômes ».
Lait et maïs sont aussi à l’origine de la célèbre volaille de Bresse. Sur les exploitations bressanes traditionnellement très autonomes, le lait écrémé venait en complément du maïs grain pour nourrir les volailles.

Tradition des "beurreries" coopératives


L’appellation Crème et beurre de Bresse est l’héritière d’une tradition de transformation fermière avec vente sur les marchés. Dans les villages bressans, des "beurreries" coopératives se sont développées à partir des années 1930. Descendante de l’une de ces beurreries, la laiterie de Varennes date de 1939. « Elles permettaient une collecte de proximité pour une fabrication dans les meilleurs délais. Le process de transformation du lait limitait les pompages pour préserver la matière grasse. Les crèmes subissaient une maturation longue pour une meilleure qualité. Le beurre était élaboré en barattes de petits volumes », détaille Laurent Courtot.
Autant de précautions qui sont reprises aujourd’hui dans le cahier des charges de l’AOP. La durée de la collecte est limitée à 4 heures, ce qui suppose que les producteurs soient à proximité de la laiterie. Cette collecte doit avoir lieu maximum toutes les 48 heures (robots) ou quatre traites. L’écrémage doit être réalisé dans les 48 heures. Le nombre maximum de pompages ne doit pas excéder trois. La maturation se fait avec des ferments biologiques ; aucun ajout n’étant permis dans le beurre. Enfin, les barattes sont toujours de mise et ne doivent pas dépasser 5.000 litres de volume.

Trois unités de transformation


Trois unités de transformation élaborent la crème et le beurre de Bresse. Outre la laiterie de Varennes-Saint-Sauveur qui collecte 5 millions de litres auprès de neuf exploitations, la coopérative d’Etrez (01) réceptionne 16 millions de litres de lait produits par trente-sept exploitations. La coopérative de Foissiat (01) collecte quant à elle 7 millions de litres de lait. Au total, la filière AOP crème et beurre de Bresse compte soixante-neuf exploitations pour un volume de 27 millions de litres collectés. En Saône-et-Loire, l’aire d’appellation remonte depuis la Bresse de l’Ain jusqu’à hauteur de Devrouze. Pour l'heure, elle ne compte que neuf producteurs.
En 2013, première année de production sous AOC, la crème et le beurre de Bresse ont été produits à hauteur de 400 tonnes (300 tonnes de crème et 100 tonnes de beurre). En 2014, le volume de production devrait progressé de +50 % pour atteindre 600 tonnes.
Désormais, le défi du syndicat de défense de l’AOP est de faire connaitre et promouvoir le produit. Plus de 50 % de son budget est consacré à cette lourde tâche.



Cahier des charges
La plupart des exploitations bressanes sont dans les clous


Inspiré des pratiques traditionnelles du terroir bressan, le cahier des charges de l’AOP Crème et Beurre de Bresse impose le respect de l’équilibre herbe/maïs dans la ration des laitières. Ces dernières doivent disposer chacune d’au moins 60 ares d’herbe à l’échelle de l’exploitation. Le pâturage est obligatoire. Un minimum de 10 ares par vache laitière est exigé, sachant qu’en Bresse, la moyenne oscille entre 20 et 30 ares par animal, fait valoir Laurent Courtot. La période de pâturage doit être d’au moins 150 jours par an. En été, l'apport de maïs (ensilage ou grain) est obligatoire et doit représenter au moins 10 % de la ration totale. En hiver, la ration doit contenir au moins 15 % d’herbe en matière sèche et 25 % de maïs (matière sèche). Des exigences en termes de couleur et de texture du beurre impliquent une alimentation adaptée. Le produit devant être le plus homogène possible. Les rations estivales lui donnent une coloration plus soutenue. Les prairies pâturées doivent être ensemencées avec un mélange d’au moins quatre espèces différentes. Le maïs OGM est interdit et la culture ne peut pas être irriguée. Pour l’ensilage, un conservateur biologique est autorisé. Dans une région où les exploitations sont habituées à une bonne autonomie alimentaire, elles n’ont pas de mal à confectionner des rations dont les composants sont à plus de 80% issus de la zone ; plus de 75 % de la matière sèche fourrages. La consommation de concentrés par vache laitière ne doit pas dépasser 1.800 kg par an. « Une règle qui n’est pas un problème chez nous », fait remarquer Laurent Courtot.


Un linéaire minimum de haies et de bordures de bois est fixé par le cahier des charges. Mais la plupart des exploitations laitières bressannes sont largement au-dessus du seuil imposé, constate encore le technicien. Quant à la race, la contrainte s’applique à l’échelle de chaque laiterie avec un minimum de 50 % de montbéliardes. Là encore, la présence des montbéliardes en Bresse dépasse largement ce seuil et elle serait même en progression, signale Laurent Courtot. Le cahier des charges impose par ailleurs un critère de longévité aux vaches avec un minimum de 20 % de femelles en quatrième lactation par troupeau.





Plus Value


De 2,50 € à 10 € les milles litres selon les laiteries


La plus-value appliquée sur le lait AOP Crème et beurre de Bresse diffère selon les laiteries. Elle va de 2,50 € les milles litres de lait pour la laiterie de Varennes-Saint-Sauveur à 10 € les milles litres pour la coopérative de Foissiat (01).





Lait AOP Crème et Beurre de Bresse


Préserver la qualité de la matière grasse


La préservation de la qualité des globules gras du lait est un enjeu crucial dans la filière AOP crème et beurre de Bresse, explique Laurent Courtot. C’est d’eux que dépend la richesse en composés aromatiques des produits. La qualité de ces globules gras est liée à l’alimentation et au mode de production de la crème et du beurre. Dans la filière, le lait AOP subit un test de lipolyse. Cela provoque une destructuration de la matière grasse, détaille Laurent Courtot. Le lait issu de la zone AOP résiste mieux à la lipolyse que des laits issus d’autres régions d’élevage, indique le technicien. Le signe que sa matière grasse est non seulement de bonne qualité, mais qu’elle se maintient mieux, conclut Laurent Courtot. La crème et le beurre de Bresse seraient d’ailleurs dotés d’une meilleure tenue en cuisson que d’autres crèmes et beurres.


Prérefroidisseur obligatoire


Cette exigence sur la qualité de la matière grasse impose aux éleveurs en AOP de se doter d’un prérefroidisseur de lait. Celui-ci arrive ainsi dans le tank à une température de 20 degrés au-lieu de 35 sans ce dispositif. Cette précaution évite les chocs thermiques qui destructurent les globules gras du lait. Elle permet aussi une économie d’électricité sur le tank à lait de 50 % !, fait valoir Laurent Courtot.