Machinisme agricole
L’apprentissage d'heureux métiers !

Publié par Cédric Michelin
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Le 18 mai, le secteur du machinisme agricole était mis à l’honneur à Gueugnon pour, notamment, tenter de recruter collégiens, lycéens, demandeurs d’emplois, salariés… Car ce secteur est en tension et peine à pourvoir nombre d’emplois. Et l’apprentissage demeure une voie royale pour y parvenir. Des poursuites d’étude jusqu’au niveau ingénieur sont néanmoins envisageables. Explications.
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« J’aime pas l’école », disaient presque en chœur, Romain Touilon et Maxime Ducert, tous deux apprentis chez Jean Rave & fils, concessionnaire de matériel agricole à Champlecy. Leur parole franche et sincère n’avait rien d’une parole de rébellion ou d’un signe de fainéantise, bien au contraire. Les mêmes, en effet, s’empressaient de rappeler qu’ils aimaient d’autres formes d’instruction : « on apprend plus vite chez un patron. On met en pratique, on voit des cas réels, on touche un salaire, on respecte des horaires et on rentre dans le monde du travail plus vite », résumait - enthousiaste - Charly Degrange, lui aussi apprenti, mais chez un agriculteur dans le Doubs.
Leurs têtes d’ange, bien faites, dénotaient de fait dans nos sociétés modernes qui ne sont plus habituées à ce genre de maturité juvénile. Un discours responsable qui balayait aussi l’image d’une voie scolaire dévalorisée, collant malheureusement encore trop à l’apprentissage.

40 jours pour un premier travail


La présidente de l’EPL Fontaines Sud Bourgogne et vice-présidente de la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, Anne Gonthier insistait sur la volonté des trois chambres consulaires de remettre l’apprentissage au cœur des entreprises (voir encadré).
Sur le site du Centre de formation des apprentis (CFA) de Gueugnon, cette journée du 18 mai était dédiée au machinisme agricole qui cherche à recruter. L’apprentissage demeure la voie royale pour ce secteur et des professionnels étaient venus faire découvrir leurs métiers : paysagistes, bûcherons, ouvriers forestiers, robots, GPS, drones, calculateurs informatiques… La palette des métiers est immense et ne se limite pas qu’à la seule mécanique.
« C’est un secteur mal connu, mal évalué et sous estimé », regrettait Hubert Martin, chef de service Formation à la Draaf Bourgogne Franche-Comté. La réalité est pourtant celle d’un secteur qui a « besoin de main-d’œuvre de qualité ». Une étude menée en 2016 le rappelle, mais pointe aussi les difficultés à trouver ces candidats en nombre suffisants. Que ce soit dans une exploitation, une entreprise de travaux, une Cuma ou encore chez un distributeur, un concessionnaire ou un constructeur, la durée moyenne pour obtenir son premier emploi est d’environ 40 jours. En Bourgogne, « 70 % des étudiants sont même embauchés dès la fin de leur formation, même si les adultes ont plus de mal », reconnaissait Sarah Cornu de la Draaf, qui présentait cette étude.
« C’est le plein emploi assuré. Reste que le minimum attendu par les employeurs se situe au niveau Bac pro », rappelait Pierre Botheron, directeur de l’EPL Fontaines Sud Bourgogne. La poursuite d’étude est largement possible derrière.

Plein emploi assuré


Salarié de la Cuma La Guichoise, Stéphane Lafay a en poche un Bac pro apprentissage. Il gère le parc de machines, son entretien et se tient prêt lorsque les adhérents le lui demandent. « Je suis autonome mais il faut aussi aimer travailler en équipe et garder l’esprit d’entraide des Cuma. Avec les saisons, toutes les trois semaines, je change de métier. Je ne m’ennuie jamais ! », témoignait-il.
Avec son BTS, Cédric Thurey a maintenant une vue d’ensemble de la filière Bois, lui qui travaille pour les entreprises de travaux forestiers, au sein du Cipref à Autun. « Notre particularité est de fabriquer un produit selon les caractéristiques du client. Seul dans la forêt, c’est une notion à relativiser avec les moyens de communication » et autres capteurs, pour faire remonter des informations en direct à l’entreprise.

4.000 emplois non pourvus par an


Et ce n’est pas Alexis Girard qui dira le contraire, lui qui travaille pour le constructeur New Holland, au sein de la division Agriculture de précision. Le tracteur en démonstration dans la cour du CFA était capable de suivre un chemin tracé informatiquement à 2 cm près. Largement mieux qu’un GPS de voiture. Originaire de Gueugnon, ce dernier s’est spécialisé en machinisme après son Master en vins à la faculté de Dijon. Une de ses mission est de remonter au bureau d’études de New Holland les besoins terrains des concessionnaires et des agriculteurs. « Je travaille avec les concessions du Sud de Paris jusqu’à la Méditerranée. Cela me permet de voir énormément de productions, de la lavande aux pommes de terre. Et je travaille avec les ingénieurs de NH », en anglais notamment.

Répondre aux attentes sociétales


Sur le site du CFA à Gueugnon, il était aussi possible d’observer d’autres métiers encore : programmer un robot pour rapprocher le fourrage des vaches dans les étables, un lamier coupant des branches destinée à faire des plaquettes de bois de chauffage, le banc moteur pour réaliser des économies de carburant…
« Les nouvelles générations d’agriculteurs sont encore plus demandeuses de performances et de confort de travail. Nous, agriculteurs cherchons aussi à répondre aux attentes sociétales et au respect de l’environnement », expliquait David Bichet, pour la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, pour qui le matériel est souvent source de vrais progrès. Et ce n’est pas fini, de nouveaux métiers apparaissent avec les dernières innovations technologiques : réglage GPS, robots, diagnostics à distance…
En France, environ « 4.000 emplois ne seraient pas pourvus chaque année ! » dans le seul secteur du machinisme agricole. Pourtant nos trois jeunes apprentis se disent tous « passionnés » et se revendiquent « heureux de travailler ».
Une journée qui aura réussi, de A à Z, à positiver et à faire connaître ce secteur et tous ses métiers.





Relancer les offres d’apprentissage





En Bourgogne, l’apprentissage est la voie choisie par un jeune sur deux pour rejoindre le secteur du machinisme agricole. Mais, il subsiste aussi « un manque » d’offres d’apprentissage aussi du coté des entreprises. « A nous tous, maintenant de les relancer », motivaient Philippe Brivet, de la chambre des Métiers et de l’Artisanat (CMA), lui même ayant débuté en tant que réparateur de machine agricole, et Françoise Mathieu-Humbert, de la chambre de Commerce et d’Industrie (CCI).


Association faisant la promotion de ses métiers, le vice-président de l’Aprodema, René Fontaines était venu avec une pile de fiche métiers en machinisme agricole, parfois appelé agro-équipement, tant il est et se diversifie. Michel Roux, représentant du Fafsea, rappelait enfin qu’il existe des possibilités de financement pour former des salariés de tous âges voulant se réorienter professionnellement ou mettre à jour leur connaissance.