Essais variétés blé et colza
Les protéines en ligne de mire

Publié par Cédric Michelin
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Le 3 juin, Bourgogne du Sud a organisé ses traditionnelles visites d’essais pour aider ses coopérateurs à choisir les meilleures variétés de blé et de colza. La coopérative livrait également sa stratégie pour tenter de maximiser les revenus de ses adhérents. Mondialisés, les marchés céréaliers et des engrais sont volatiles. Les acheteurs - meuniers, industriels, exports – font jouer la concurrence et recherchent des blés avec des taux de protéines supérieurs. Pour y parvenir, l’agriculture de précision (fertilisation azotée ajustée, drone, fongicide, désherbage, oligo-éléments…) est testée.
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Le 3 juin à Sennecey-le-Grand, à l’EARL des Ayottes, chez Didier Ravet, une cinquantaine de cultivateurs ont parcouru, guide à la main, les micro-parcelles permettant de comparer les variétés, nouvelles ou « les plus cultivées » sur le secteur de la coopérative.
Avant cela, la responsable des essais, Christine Boully rappelait le contexte de l’année. Cette plateforme en limons argileux a été semée en blé le 20 octobre en précédent colza. « L’automne a été plutôt bien arrosé. Les semis se sont déroulés en deux temps avec quelques difficultés de levées ensuite. Les températures douces ont entrainé une attaque de pucerons (notamment sur orges). Avec un mois de mars sec, la date de reprise fut normale. La pression maladie est normale. Côté désherbage, des échecs - parfois importants - sur graminées ont sali les parcelles. Côté maladies, seul phénomène nouveau, en plus de la septoriose et sans programme fongicide, des traces de rouille jaune sont observées en zone nord ». Reste que globalement, l’année se déroule bien. Les fortes températures (+30°C) de ces derniers jours sont plus inquiétants pour le remplissage des blés, surtout dans les sols avec peu de réserve hydrique.
Néanmoins, la coopérative vise cette année encore 100 % de blés meuniers « avec de bons potentiels, PS, taux de protéine, P/L, W…) ». Car la qualité supérieure devient primordiale. Si plus de 80 % des semis sur le secteur de la coopérative sont des variétés BPS (blé panifiable supérieur) ou VRM (variété recommandée par les meuniers), pour le directeur, la différence sur les marchés se fera dorénavant « sur les taux de protéines. Nos concurrents nous passent devant (TP > 12) et même les blés Russes/Ukrainiens nous prennent nos marchés méditerranéens », regrettait Michel Duvernois. Pour y parvenir, la coopérative « accompagne » le progrès génétique avec ses essais et vérifie ainsi l’adaptation des variétés sur les terroirs locaux. « Dans les cinq prochaines années », un « bond » est notamment attendu avec l’arrivée des hybrides en blé. La coopérative s’est « lancée ». Seul hybride test pour l’instant, Hywin a un « fort » potentiel (110 %) mais ne correspondant pas encore à la qualité recherché par les marchés habituels de la coopérative, orientés "variétés lignées".

L’espoir Nemo, Oregrain maintenant



Car, bien que restant La référence, inscrit en 2002, Apache commence à « être dépassé » (90 % du rendement moyen l’an dernier). Aubusson reste une « valeur sûre » mais suit le même chemin (97%). La plus cultivée l’an dernier, Aprilio reste une variété « passe partout », comme Calabro (même origine génétique que Rubisko) apprécié des meuniers. Avec son gène de tolérance contre le piétin verse, Descartes a tout bon sauf son P/L qui reste à « affiner ». Un trait que possède aussi Ionesco et qui a fait +13 % de rendement que la référence Apache dans les essais de l’an passé. Variété pouvant être semée derrière maïs (résistante fusariose et mycotoxines), Graindor est « haute » mais déçoit côté rendement. Ce n’est pas le cas de Nucleo (+10 % sur 3 ans) mais avec pour bémol sa teneur en protéines.
D’autres variétés sont en revanche déconseillées, listait Loïc Malaquin, comme Arezzo (pour sa qualité) ou Foxyl (98% de potentiel). Les nouveautés testées répondent à des problématiques particulières. Aukland est résistant fusariose et mosaïque, comme Musik ou RGT Mondio. Le « tardif » Fructidor a un bon potentiel (105,6%) mais son P/L est « pénalisant ». Inscrit en 2012, RGT Rubisko a un bon P/L (0,4) mais son PS est « limite » pour les meuniers. Sothys CS a également une note de panification « moyenne ». SY Moisson est plutôt à réserver pour les 2e date de semis « sans être un foudre de guerre » côté rendement. Syllon aime les terrains profonds mais a une « finition lente ».
Nemo fait figure de « grand espoir à l’avenir » puisque comme Apache il affiche de « belles qualités » et rendement (105 %). « Il nous faudra minimum trois ans de recul », tempérait Michel Duvernois. Le directeur croit plus – en terme de débouchés commerciaux (meunerie) – à Oregrain, qui va « bien » derrière maïs et correspond à la qualité recherchée. La coopérative devrait surtout avoir plus de semences à proposer que pour Nemo. RGT Venezio (103,9 %) n’a pas fait l’objet de multiplication cette année. RGT Strauss est lui observé pour sa « curieuse précocité ».

Urée/ammonitrate : faible écart d’efficacité



Alors comment « faire de la protéine » pour espérer vendre ? Pour commencer à répondre à cette question, parole à l’agronomie. Un profil de sol avait donc été ouvert pour en observer ses caractéristiques. Pascal Bucheton le commentait. Le sol « vie » comme en témoignait la présence de vers de terre et la vue de racines plongeantes. Le déchaumage et le semis « en combiné » n’ont en effet pas compacté le sol. Le pH du sol mesuré à 6,5 était « plus que correct ». Un paramètre important qui varie « selon les zones, les pluies, le développement végétatif… ».. La coopérative a donc équipé cette année tous ses techniciens de secteur d’un pH-mètre (10 €/ analyse de parcelle).
Gilles Guillaume a lui un avis plus tranché. Si la France a tendance à faire moins de protéines, c’est surtout parce que les agriculteurs « mettent moins d’azote qu’avant » en raison des contraintes réglementaires environnementales et économiques, selon lui. Alors, sous quelle forme, l’apport est-il le plus efficace ? Le directeur des achats présentait les résultats comparants ammonitrate et urée. Réponse : « L’écart d’efficacité est faible » entre ces deux formes d’azote. La coopérative est également en train de comparer des solutions azotées sous formes liquide ou solide imprégnée. Elle cherche également à ajuster le dernier apport d’azote, en utilisant l’imagerie soit par satellite, soit par ULM, soit par drone. Deux cultivateurs intègrent déjà les cartes de biomasse végétale. Chargées dans les consoles de leurs tracteurs, ils peuvent ensuite moduler leur fertilisation précisément à l’intérieur d’une parcelle.
Enfin, les "bactériosols" sont également en tests. La réflexion va au-delà de l’efficacité de ces bactéries à fixer l’azote de l’air dans les sols. « Cela nous paraît important et plus sécuritaire de connaître leurs origines. Ainsi, nous allons prélever dans vos sols, analysons (microbiologie) et sélectionnons les bactéries les plus puissantes » issus des terroirs bressans.






Des tourteaux non-OGM à plus de 50 % de protéines



« C’est rassurant. Depuis 2000, on constate plus de clients et la consommation mondiale est en hausse ». Faisant un point sur la campagne à venir des marchés, Michel Duvernois préfère positiver. Difficile en effet de prédire l’avenir. Il faut dire aussi que l’année peut difficilement être pire que celle de l’an dernier. En 2014, Bourgogne du Sud avait finit avec 45 % de blés fourragers. « Les meilleurs du monde » ironisait-il mais qui ont finalement trouvé preneurs plus facilement avec la baisse « heureuse » de l’euro face à un dollar renforcé. Sur le terrain, les prix moyens payés aux coopérateurs ont atteint en moyenne entre 150 et 155 €/t mais avec des écarts allant de « 135 à 170 ».
Cette année, les cotations blés alimentaires au Matif n’ont encore jamais dépassé les 200 € et sont proches de 180 €/t avant la période « cruciale » de juillet. « On n’est pas loin des coûts de production, surtout en $, ce qui incite les producteurs à stocker ». Même scénario en maïs ce qui n’augure rien de bon en « juillet/aout »… Une volatilité qu’on pourrait retrouver aussi du côté des colzas même si « on est un peu à l’abri avec notre outil à Chalon ». La trituration du soja sur le même site (70.000 t) permettra aussi de dégager des primes non-OGM. « On y croit mais avec un marché de 250.000 t pour seulement 100.000 t de débouchés, il nous faut construire une grille incitative – comme en blé – pour sortir des tourteaux à +50% de protéines ». Le directeur enchainait donc sur la formation des prix d’acompte, les compléments de prix et les ristournes en expliquant le « cadre de gestion » définit « en hiver » au sein de l’Union de coopératives Cérévia. « Aujourd’hui, 99 % de nos ventes sont faites sur le marché à terme ». Avec ses 550.000 t à écouler, Bourgogne du Sud continue de « privilégier ses clients sur le marché intérieur » et cherche désormais à « récupérer les clients exports du bassin méditerranéen ».